Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

FORET

Crim., 4 janvier 2023, n° 22-80.393, (B), FS

Cassation

Défrichement – Eléments constitutifs – Détermination

Il résulte des articles L. 363-1, L. 341-1 et L. 341-3 du code forestier qu'est punissable le défrichement, effectué sans autorisation, consistant en toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière.

Encourt la cassation l'arrêt qui confirme l'ordonnance de non-lieu du chef de défrichement non autorisé, tout en constatant que les faits portent sur des parcelles où sont demeurées les souches d'arbres rasés lors d'une précédente opération, de sorte qu'il n'avait été mis fin ni à l'état boisé ni à la destination forestière des dites parcelles.

L'association [4], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 décembre 2021, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée, du chef d'infraction au code forestier, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. L'association [4] a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de défrichement sans autorisation de bois ou de forêt de particulier portant sur des parcelles destinées à la réalisation d'une zone d'activité commerciale.

3. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

4. La partie civile a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt confirmatif attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de défrichement sans autorisation de bois ou forêt d'un particulier, alors :

« 1°/ que l'infraction de défrichement non autorisé est consommée dès lors qu'est caractérisée une atteinte à la destination forestière de la parcelle concernée par une intervention volontaire ; qu'en se bornant à rechercher si les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] étaient ou non boisées lors de l'intervention de destruction en août 2014, sans rechercher si elles avaient ou non une destination forestière, notamment au regard de la circonstance que les souches des chênes, coupés lors d'une intervention en 2003, « étaient restées » (arrêt attaqué, p. 8, pénult. parag.), destination à laquelle l'intervention réalisée en 2014 avait porté atteinte, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1, L. 341-3 et L. 363-1 du code forestier ;

2°/ que la destruction volontaire d'un boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis à l'obligation d'une autorisation administrative pour qu'il soit procédé au défrichement ; que l'association [4] exposait que, concernant les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2], si une autorisation préfectorale de défrichement avait été accordée le 5 novembre 2003, celle-ci avait été annulée par une décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rendue le 26 janvier 2006, décision produite devant la chambre de l'instruction par un mémoire communiqué à la chambre de l'instruction le 9 novembre 2021 ; qu'elle en tirait la conséquence que le défrichement n'était pas légal et qu'ainsi le déboisement intervenu en 2003 ne pouvait justifier l'intervention réalisée en août 2014 ; qu'en se bornant à constater que les parcelles en cause n'étaient pas boisées en 2014 compte tenu du défrichement intervenu en 2003 (arrêt attaqué, p. 8, §7 et 8 et p. 9, §2), sans répondre à ce moyen et bien qu'un tel défrichement illégal imposât une nouvelle autorisation administrative pour toute destruction future de la végétation sur les parcelles concernées, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 341-1, L. 341-3 et L. 363-1 du code forestier, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que la chambre de l'instruction doit prononcer sur chacun des faits dénoncés par la partie civile dans sa plainte ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge d'instruction qui s'était bornée à examiner la situation des parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2], sans rechercher, comme le soutenait l'association, si l'infraction poursuivie n'était pas caractérisée s'agissant de la parcelle AH [Cadastre 3] pourtant incluse dans le terrain incriminé, la chambre de l'instruction a violé les articles 176 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

6. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué prononce au regard des seules parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2], sans s'arrêter à la parcelle AH [Cadastre 3].

7. En cet état, et dès lors qu'il ne résulte pas des pièces jointes à la plainte avec constitution de partie civile que le juge d'instruction aurait été saisi de faits relatifs à la parcelle AH [Cadastre 3], à propos de laquelle la demande d'acte déposée le 8 janvier 2021 n'a d'ailleurs fait aucune observation, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Vu les articles L. 363-1, L. 341-1 et L. 341-3 du code forestier :

8. Il résulte de ces textes qu'est punissable le défrichement, effectué sans autorisation, consistant en toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière.

9. Pour confirmer l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les diverses constatations et auditions recueillies au cours de l'information, énonce qu'il en résulte que les parcelles AH [Cadastre 1] et AH [Cadastre 2] n'étaient pas boisées en 2014 et que cet état pouvait parfaitement se concevoir compte tenu du défrichement ayant eu lieu en 2003 qui, de l'avis de l'ensemble des propriétaires riverains, avait « tout rasé ».

10. Les juges en concluent que les travaux réalisés en 2014 sur ces parcelles ne peuvent être considérés comme un défrichement au sens de l'article L. 341-1 du code forestier.

11. En se déterminant ainsi, tout en constatant par ailleurs que les six propriétaires de terrains jouxtant les parcelles litigieuses s'accordaient sur le fait qu'après les coupes de 2003, les souches de tous les arbres rasés étaient restées, de sorte qu'il n'avait été mis fin ni à l'état boisé ni à la destination forestière des parcelles, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 14 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Samuel - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles L. 363-1, L. 341-1 et L. 341-3 du code forestier.

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