Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DOUANES

Crim., 5 janvier 2023, n° 21-87.258, (B), FS

Cassation partielle

Peines – Amende – Prononcé – Motivation – Eléments à considérer – Gravité de l'infraction et personnalité de son auteur

Il se déduit des articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale que le juge qui prononce une amende en application de l'article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l'objet de fraude et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.

Encourt la cassation la cour d'appel qui, pour condamner le prévenu à une amende douanière correspondant au montant minimal encouru, se prononce par des motifs dont il se déduit qu'elle s'est considérée comme tenue par ce montant et sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision.

M. [D] [L] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 24 novembre 2021 qui, pour contrebande de marchandises prohibées et fabrication frauduleuse de tabac, l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière, des pénalités fiscales, au paiement des droits fraudés et a ordonné une mesure de confiscation douanière.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [D] [L] a été cité devant le tribunal correctionnel, des chefs de détention et fabrication frauduleuses de tabac manufacturé.

3. Par jugement du 3 juin 2020, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des faits reprochés et l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis.

Sur l'action fiscale, le tribunal l'a condamné au paiement d'une amende douanière de 48 620 euros, d'une amende fiscale de 2 000 euros et d'une pénalité proportionnelle de 30 300 euros.

4. M. [L], le procureur de la République et la direction nationale des enquêtes et du renseignement douanier ont formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [L] au paiement d'une amende douanière de 120 212 euros, alors :

« 1°/ qu'eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, les juges du fond peuvent réduire le montant des amendes fiscales jusqu'à un montant inférieur à leur montant minimal ; qu'en prononçant contre M. [L] une amende douanière de 120 212 euros, somme présentée par la cour d'appel comme le minimum légal correspondant à la valeur de l'objet de la fraude, lorsqu'il lui appartenait de prendre en compte l'ampleur, la gravité de l'infraction commise et la personnalité de son auteur afin de réduire cette amende en-dessous de son minimum légal, la cour d'appel a méconnu les articles 414 et 369 du code des douanes ;

2°/ que la condamnation à une amende douanière doit être proportionnée à la situation financière de la personne condamnée et ne saurait lui imposer une charge intolérable ; qu'en condamnant le prévenu au paiement d'une amende douanière de 120 212 euros, tout en prononçant une peine d'amende de 2 000 euros, montant adapté aux revenus et charges du prévenu, la cour d'appel, qui a imposé à l'exposant une charge intolérable et disproportionnée par rapport à sa situation financière personnelle, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu les articles 1er du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :

7. Aux termes du deuxième de ces textes, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, le tribunal peut réduire le montant de l'amende fiscale prononcée à l'encontre de l'auteur d'une infraction douanière jusqu'à un montant inférieur à son montant minimal.

8. Il résulte du premier et des trois derniers qu'en matière douanière, toute peine d'amende doit être motivée.

9. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que le juge qui prononce une amende en application de l'article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l'objet de fraude et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l'amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende qu'il retient.

10. En l'espèce, pour porter le montant de l'amende douanière prononcée à l'encontre de M. [L] de 48 620 euros à 120 212 euros, l'arrêt attaqué énonce que la peine d'amende douanière prononcée par les premiers juges pour le délit douanier doit être infirmée pour défaut de base légale, le minimum légal de celle-ci étant la valeur de l'objet de la fraude, soit en l'occurrence la valeur de 120 212 euros.

11. En prononçant ainsi, par des motifs dont il se déduit qu'elle s'est considérée comme tenue de prononcer l'amende minimale encourue et sans s'expliquer sur l'ampleur et la gravité de l'infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

12. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation sera limitée aux dispositions relatives à l'amende douanière prononcée à l'encontre de M. [L].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 24 novembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'amende douanière d'un montant de 120 212 euros prononcée à l'encontre de M. [L], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 365, 369 et 414 du code des douanes ; articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-84.616, Bull. crim. 2018, n° 187 (déchéance et cassation), et l'arrêt cité.

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