Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 10 janvier 2023, n° 22-82.645, (B), FRH

Annulation

Appel des ordonnances du juge d'instruction – Ordonnance constatant l'existence de charges suffisantes et déclarant le mis en examen pénalement irresponsable pour cause de trouble mental – Régime – Ordonnance susceptible d'appel – Procédure spécifique devant la chambre de l'instruction

L'ordonnance du juge d'instruction qui constate l'existence, contre la personne mise en examen, de charges suffisantes d'avoir commis les faits de sa mise en examen, et déclare cette personne pénalement irresponsable pour cause de trouble mental par référence aux dispositions de l'article 122-1 du code pénal, n'est pas une ordonnance de non-lieu au sens de l'article 177 du code de procédure pénale.

Encourt, dès lors, l'annulation, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable l'appel d'une telle ordonnance, alors qu'il résulte des articles 706-128 et 706-122 à 706-127 du code de procédure pénale qu'une telle décision est susceptible d'un appel que la chambre de l'instruction doit examiner selon une procédure spécifique, et qu'elle échappe en conséquence aux prévisions de l'article 186, dernier alinéa, du même code.

M. [O] [L] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de non-représentation d'enfant et soustraction par un parent à ses obligations légales, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge d'instruction le déclarant pénalement irresponsable.

Par ordonnance en date du 27 juin 2022, le président de la chambre criminelle a ordonné l'examen du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Une information judiciaire a été ouverte des chefs susvisés à la suite des plaintes déposées par les mères respectives des deux enfants mineurs de M. [O] [L], emmenés par celui-ci à l'étranger sans leur accord.

3. Interpellé lors de son retour sur le territoire national, M. [L] a été mis en examen.

4. Par ordonnance du 7 mars 2022, le juge d'instruction a dit qu'il résulte de l'information des charges suffisantes contre l'intéressé d'avoir commis les faits de sa mise en examen, déclaré l'intéressé pénalement irresponsable pour cause de trouble mental et dit n'y avoir lieu à suivre en l'état contre lui.

5. M. [L] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a, en violation des articles 1er, 6, 8, 9, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole additionnel à cette convention, 55 de la Constitution, 122-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, de la Convention de Genève sur les réfugiés du 28 juillet 1951 et de son protocole additionnel du 4 octobre 1967, déclaré irrecevable l'appel de M. [L], alors que toute personne a droit à un procès équitable, à un recours effectif, à la liberté de pensée et à la liberté d'expression, sans aucune distinction fondée sur les opinions personnelles, notamment politiques.

Réponse de la Cour

Vu l'article 186 du code de procédure pénale :

7. Il se déduit de ce texte que le président de la chambre de l'instruction ne détient pas le pouvoir de rendre une ordonnance de non-admission de l'appel relevé contre une ordonnance de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

8. Pour déclarer l'appel non admis, l'ordonnance attaquée retient que le droit d'appel est ouvert à la personne mise en examen contre les ordonnances et décisions visées à l'article 186 du code de procédure pénale, qu'en l'espèce, l'ordonnance de non-lieu, régie par l'article 177 du même code, n'entre pas dans les prévisions de l'article 186 précité et n'est donc pas susceptible d'appel.

9. En statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.

10. En effet, d'une part, l'ordonnance dont appel, qui constate l'existence, contre la personne mise en examen, de charges suffisantes d'avoir commis les faits reprochés, et est motivée par référence aux dispositions de l'article 122-1 du code pénal, n'est pas une ordonnance de non-lieu telle que prévue à l'article 177 du code de procédure pénale, et il a été fait application des dispositions de l'article 186, dernier alinéa, du même code, sur la base de motifs erronés.

11. D'autre part, cette ordonnance, qui déclare l'intéressé pénalement irresponsable pour cause de trouble mental et qui, par application des dispositions des articles 706-128 et 706-122 à 706-127 du code de procédure pénale, est susceptible d'un appel devant la chambre de l'instruction dont l'examen relève d'une procédure spécifique, échappe aux prévisions de l'article 186, dernier alinéa, du même code.

12. L'annulation est dès lors encourue.

Portée et conséquences de l'annulation

13. Du fait de l'annulation prononcée, la chambre de l'instruction se trouve saisie de l'appel relevé par le demandeur.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 29 mars 2022 ;

CONSTATE que, du fait de cette annulation, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence se trouve saisie de l'appel ;

ORDONNE le retour du dossier à cette juridiction autrement présidée ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Thomas - Avocat général : M. Lagauche -

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