Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 1 - Janvier 2022

TRAVAIL

Crim., 7 janvier 2020, n° 18-86.293, (P)

Rejet

Hygiène et sécurité des travailleurs – Travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure – Article R. 4511-1 du code du travail – Conditions – Simultanéité des activités de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise extérieure (non)

En relevant que l'article R. 4511-1 du code du travail ne concerne que le cas où les activités de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise extérieure sont simultanées, les juges du fond ont ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas.

Méconnaît les dispositions impératives du code du travail l'arrêt qui retient que le chantier de dépose de lignes électriques à haute tension ne relève pas de la réglementation dudit code mais de la réglementation UTE C18-510-1 alors que cette norme n'a, en tout état de cause, qu'un caractère supplétif.

Hygiène et sécurité des travailleurs – Danger d'origine électrique – Prescriptions – Réglementation UTE C18-510-1 – Caractère supplétif

REJET des pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel d'Angers, contre l'arrêt de ladite cour, chambre correctionnelle, en date du 27 septembre 2018, qui a relaxé la société Enedis, la société Spie Ouest Centre et M. A... G... du chef d'homicides involontaires.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 4511-1 du code du travail, 4 du décret n° 82-167 du 16 février 1982, 17 du décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 et 591 du code de procédure pénale, violation de la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 24 juillet 2014, M. S... J... et M. T... K..., salariés de la société Spie Ouest Centre chargés de participer aux opérations de dépose de lignes électriques à haute tension dans le cadre d'un chantier mené pour la société ERDF devenue Enedis, ont trouvé la mort par électrification au cours de ces opérations ; qu'à la suite de cet accident, ont été poursuivis, par voie de citation devant le tribunal correctionnel, du chef d'homicides involontaires les sociétés ERDF devenue Enedis et Spie Ouest Centre, ainsi que M. G..., salarié de cette société ; que, par jugement en date du 16 mars 2017, le tribunal correctionnel a renvoyé des fins de la poursuite les trois prévenus ; que le ministère public et les parties civiles ont interjeté appel ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt énonce, notamment, que la responsabilité pénale de la société Enedis ne peut être retenue dans la mesure où il ne résulte pas des éléments de la procédure une identification précise de l'organe ou du représentant qui aurait commis pour le compte de celle-ci les manquements reprochés ;

Que les juges ajoutent, s'agissant de travaux de dépose de lignes électriques, que c'est à juste titre que le tribunal a écarté les dispositions de l'article R. 4511-1 du code du travail en estimant que cet article vise le cas où deux activités s'exécutent en même temps, celle de l'entreprise utilisatrice de l'établissement ou du chantier et celle de l'entreprise extérieure intervenante, en vue de concilier ces deux activités et parer aux dangers que peut créer leur juxtaposition ou leur imbrication ; qu'ils soulignent, qu'en l'espèce, il n'existait plus d'activité de l'entreprise utilisatrice puisque les lignes sur lesquelles la société Spie devait intervenir ont été mises hors exploitation, les lignes encore sous tension étant suffisamment à distance de celles à déposer pour que la situation d'intervention concomitante ne se produise pas ; qu'ils relèvent que le tribunal a justement retenu le respect par les sociétés Enedis et Spie Ouest Centre des règles fixées par les normes UTE C18-510-1 ; qu'ils énoncent que S... J..., chef d'équipe, qui s'était vu remettre un plan de situation par M. G..., son supérieur hiérarchique, la veille de l'accident et est intervenu sur le poteau numéro 29, toujours sous tension, ne pouvait ignorer que le travail dans une nacelle devait être réalisé avec une personne au sol ; qu'ils concluent que l'intervention de ce dernier, accompagné de T... K..., ne peut s'expliquer autrement que par une grave négligence de sa part et qu'il n'en résulte donc aucune faute pouvant être mise à la charge de la société Spie Ouest Centre ;

Que, s'agissant de M. G..., les juges, retiennent par motifs propres et adoptés que celui-ci, responsable d'affaires dont le travail consistait à gérer la totalité d'un chantier, ne disposant plus de délégation de pouvoirs, ne pouvait être mis en cause que comme préposé de la société Spie, le défaut d'inspection commune préalable et d'établissement d'un plan de prévention ne pouvant lui être reproché dès lors que le chantier dont il a eu la responsabilité ne relevait pas de la réglementation du code du travail mais de la réglementation UTE C18-510-1 et qu'aucune violation des dispositifs de sécurité résultant de cette réglementation n'a été établie ; qu'ils ajoutent, s'agissant de la violation des articles 6 à 8 du décret du 16 février 1982 sur la sécurité des travailleurs contre les dangers d'origine électrique, que le tribunal a justement retenu que les obligations résultant de ces articles relevaient de l'employeur, la société Spie, et qu'en outre leur violation ne résulte pas de la procédure, soulignant que S... J... était une personne qualifiée, disposant d'un titre d'habilitation, ayant reçu les instructions de sécurité à respecter sous la forme d'un carnet de prescription remis contre reçu ; qu'ils concluent enfin, que si M. G... a reconnu devant les enquêteurs avoir manqué à son devoir de surveillance de la composition des équipes intervenantes sur les chantiers, en laissant toute liberté aux salariés de s'organiser, et que le manque de suivi des équipes constitue une faute professionnelle, ayant d'ailleurs conduit à son licenciement, il n'apparaît pas que l'accident mortel du 25 juillet 2014 puisse se rattacher par une relation de cause à effet avec cette faute, dès lors que S... J... a été informé, la veille de l'accident, de la délimitation de sa zone de travail par la remise par M. G... du plan de situation des ouvrages et qu'il a disposé du matériel nécessaire à la mise en sécurité de son intervention ;

Attendu que, en premier lieu, la société Spie Ouest Centre ayant fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Spie Industrie et Tertiaire le 10 octobre 2018, à une date postérieure à l'arrêt attaqué, et ayant par conséquent perdu son existence juridique en qualité de personne morale, l'action publique à son égard est éteinte par application de l'article 6 du code de procédure pénale ;

Que, en second lieu, en prononçant ainsi, si c'est à tort que la cour d'appel a considéré d'une part, que l'article R. 4511-1 du code du travail vise le cas où les activités de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise extérieure sont simultanées ajoutant au texte une condition qu'il ne prévoit pas, d'autre part que le chantier dont M. G... avait la responsabilité ne relevait pas de la réglementation du code du travail mais de la réglementation UTE C18-510-1, quand cette norme n'a, en tout état de cause, qu'un caractère supplétif au regard de celles impératives du code du travail, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que M. G..., dont les juges ont souverainement considéré qu'il n'avait pas directement causé le dommage et ne disposait d'aucune délégation de pouvoirs, ne pouvait être tenu responsable ni personnellement en tant que responsable d'affaires, ni en qualité de chef d'entreprise au sens de l'article R. 4511-1 précité, ni en qualité d'employeur au sens des articles 6 à 8 du décret du 16 février 1982 sur la sécurité des travailleurs contre les dangers d'origine électrique pour avoir violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence et de sécurité ou commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Sur le pourvoi formé contre les dispositions relatives à la société Spie Ouest Centre :

DIT que l'action publique à l'égard de la société Spie Ouest Centre est éteinte ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;

Sur le pourvoi formé contre M. [...] :

Le REJETTE.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Maziau - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article R. 4511-1 du code du travail.

Crim., 7 janvier 2020, n° 18-83.074, (P)

Cassation

Lutte contre le travail illégal – Travail de nuit – Recours exceptionnel – Contrôle du juge – Portée

Il résulte de l'article L. 3122-32, devenu L. 3122-1, du code du travail, qu'il ne peut être recouru au travail de nuit que de façon exceptionnelle et en considération de la situation propre à chaque établissement, et seulement lorsqu'il est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou de services d'utilité sociale.

Il appartient aux juges de contrôler si ces exigences sont remplies dans le cas de l'établissement en cause dans la procédure dont ils sont saisis. Le cas échéant, il leur incombe d'écarter les clauses d'une convention ou accord collectif non conformes.

CASSATION sur le pourvoi formé par :

- le syndicat Sud commerces et service Ile-de-France,

- le syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels Ile-de-France (SECI),

- l'union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-14, en date du 11 avril 2018, qui les a déboutés de leurs demandes, après relaxe de la société Monop' et de M. A... B... du chef d'infractions à la législation sur le travail de nuit, le repos dominical et la fermeture hebdomadaire.

LA COUR,

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du rapport de l'inspection du travail et des autres pièces de procédure que la société Monop' et M. B..., gérant de l'un des établissements de cette société sis à Paris dans le 11e arrondissement, exploitant un commerce de détail non spécialisé à prédominance alimentaire, ont été cités devant le tribunal de police pour y répondre des chefs susvisés, commis du 1er février au 30 juillet 2015, l'enquête ayant permis d'établir que des salariés avaient été employés en février, mars, avril, juin et juillet 2015 après 21 heures, qu'ils avaient pointé tous les dimanches de ces mêmes mois jusqu'à 13 heures15 en moyenne sauf le dimanche 28 juin 2015 où trois salariés ont travaillé jusqu'à 20 heures 08 et un autre jusqu'à 16 heures 15 et qu'en ce qui concerne le travail du lundi, des salariés avaient travaillé tous les lundis, jusqu'au 13 juillet 2015, dans une amplitude horaire collective de 6 h à plus de minuit ; que le premier juge ayant déclaré les faits établis, prononcé des amendes et alloué des sommes aux parties civiles, les prévenus et le ministère public ont interjeté appel de sa décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3122-1, L. 3122-2, L. 3122-8, L. 3122-33 (dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), L. 3122-15 (dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) et R. 3124-15 du code du travail, 17 de la directive n° 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects sur l'aménagement du temps de travail, 17 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects sur l'aménagement du temps de travail, 5.12 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, 112-1 du code pénal, 2 du code civil, 591 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus de l'infraction de mise en place illégale du travail de nuit dans une entreprise et a repoussé la demande indemnitaire des parties civiles ;

1°) alors que le principe de la rétroactivité in mitius ne joue que lorsque la loi nouvelle adoucit l'incrimination ou la répression d'une infraction ; que selon l'article L. 3122-1 du code du travail, d'ordre public absolu, le recours au travail de nuit est exceptionnel et prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'aux termes de l'article L. 3122-15 du même code, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit ou l'étendre à de nouvelles catégories de salariés, en respectant un certain nombre de conditions destinées à assurer le respect des exigences de l'article L. 3122-1 ; que si l'article L. 3122-15 in fine du même code, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit que la convention ou l'accord collectif relatif à la mise en place du travail de nuit dans une entreprise est présumé négocié ou conclu conformément aux dispositions de l'article L. 3122-1 du même code, il ne modifie rien aux conditions légales de fond qui encadrent strictement le recours au travail de nuit, et n'adoucit ni l'incrimination de recours illégal au travail de nuit, ni sa répression, et n'a par suite pas d'effet rétroactif ; qu'au cas d'espèce, en jugeant régulier le recours au travail de nuit au sein du supermarché concerné, constaté par l'inspection du travail le 27 juillet 2015, motif pris de ce que les parties civiles ne renversaient pas la présomption de régularité de la convention collective applicable, résultant de l'article L. 3122-15 in fine du code du travail, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui prévoyait la possibilité de recourir au travail de nuit, le juge du fond a violé les textes susvisés ;

2°) alors, subsidiairement, que selon l'article L. 3122-1 du code du travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'aux termes de l'article L. 3122-15 du même code, si un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit ou l'étendre à de nouvelles catégories de salariés, c'est à la condition que cette convention ou cet accord collectif prévoie notamment les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-1, soit la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que l'article L. 3122-15 in fine du même code, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lequel la convention ou l'accord collectif relatif à la mise en place du travail de nuit dans une entreprise est présumé négocié ou conclu conformément aux dispositions de l'article L. 3122-1 du même code, ne pose qu'une présomption simple de conformité à la loi, qui peut donc être renversée, et n'instaure en rien un droit de déroger aux prévisions légales strictes de recours au travail de nuit ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du juge du fond que la convention collective dont se prévalaient les prévenus prévoyait en son article 5.12, au titre des justifications du recours au travail de nuit prétendument conformes à l'article L. 3122-1, que « certains salariés seront amenés à travailler de nuit pour les raisons suivantes, qui tiennent à diverses nécessités d'ordre technique et économique qu'elle énumère ; qu'elle précise dans ce même article que le travail de nuit doit répondre à la nécessité d'assurer le respect de la sécurité alimentaire et d'approvisionner les points de vente afin qu'ils soient prêts avant l'ouverture du public, à celle de préparer les marchandises, notamment alimentaires, et le magasin en général avant l'ouverture au public, d'assurer l'ouverture au public dans des conditions optimales et d'assurer de manière continue le fonctionnement des systèmes d'information et des services d'utilité sociale », soit toutes justifications qui ne révélaient pas le caractère indispensable, pour la continuité de l'activité économique de la société Monop', du travail de salariés de nuit aux fins d'accueillir la clientèle ; qu'en estimant néanmoins que la présomption de régularité n'était pas renversée et que le recours au travail de nuit était légalement justifié, le juge du fond a violé les textes susvisés ;

3°) alors, subsidiairement encore, que selon l'article L. 3122-1 du code du travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; qu'aux termes de l'article L. 3122-15 du même code, si un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit ou l'étendre à de nouvelles catégories de salariés, c'est à la condition que cette convention ou cet accord collectif prévoie notamment les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-1 et que les fonctions effectivement exercées par les salariés concernés correspondent aux justifications figurant dans l'accord ; que l'article L. 3122-15 in fine du même code, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lequel la convention ou l'accord collectif relatif à la mise en place du travail de nuit dans une entreprise est présumé négocié ou conclu conformément aux dispositions de l'article L. 3122-1 du même code, ne pose qu'une présomption simple qui peut être renversée, et n'instaure nullement une faculté de déroger dans un sens moins protecteur pour les salariés aux conditions légales strictes et d'ordre public de recours au travail de nuit ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations du juge du fond que la convention collective dont se prévalaient les prévenus prévoyait en son article 5.12, au titre des justifications du recours au travail de nuit conformes à l'article L. 3122-1, que « certains salariés seront amenés à travailler de nuit pour les raisons suivantes, qui tiennent à diverses nécessités d'ordre technique et économique qu'elle énumère ; qu'elle précise dans ce même article que le travail de nuit doit répondre à la nécessité d'assurer le respect de la sécurité alimentaire et d'approvisionner les points de vente afin qu'ils soient prêts avant l'ouverture du public, à celle de préparer les marchandises, notamment alimentaires, et le magasin en général avant l'ouverture au public, d'assurer l'ouverture au public dans des conditions optimales et d'assurer de manière continue le fonctionnement des systèmes d'information et des services d'utilité sociale », soit toutes justifications ne coïncidant pas avec l'emploi des salariés de nuit en l'espèce, qui étaient chargés de permettre le maintien de l'ouverture à la clientèle du magasin aux heures de soirée ; qu'en estimant néanmoins que la présomption de régularité n'était pas renversée et que le recours au travail de nuit était légalement justifié, le juge du fond a violé les textes susvisés ;

4°) alors que selon l'article L. 3122-1 du code du travail, le recours au travail de nuit est exceptionnel ; qu'il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travaux et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale ; que l'ouverture d'un supermarché à des horaires tardifs, même à supposer qu'elle permette la satisfaction des besoins de certains consommateurs, ne correspond pas à un service d'utilité sociale au sens de la loi ; qu'en l'espèce, en décidant le contraire pour estimer que le recours au travail de nuit au sein du supermarché litigieux était régulier, le juge du fond a violé les textes susvisés » ;

Vu l'article L. 3122-32, devenu L. 3122-1, du code du travail et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'il ne peut être recouru au travail de nuit que de façon exceptionnelle et en considération de la situation propre à chaque établissement, et seulement lorsqu'il est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou de services d'utilité sociale ;

Que l'existence d'une convention collective, dût-elle être présumée valide, ne suffit pas à établir que ces conditions sont réunies ;

Attendu qu'en application du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus du chef de mise en place illégale du travail de nuit dans une entreprise, l'arrêt énonce que celui-ci est autorisé dans les conditions énoncées aux articles L. 3122-1 et 3122-15 du code du travail ;

Que le juge ajoute que l'article 5-12 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, négociée et signée par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et applicable à la société Monop', envisage le travail de nuit comme étant celui qui se déroule entre 21 heures et 7 heures du matin ; que l'utilité sociale d'un commerce alimentaire ouvrant après 21 heures dans une grande métropole où de nombreux travailleurs finissent leur activité professionnelle très tard le soir et doivent entreprendre de longs trajets pour rentrer chez eux, répond à un besoin profond des consommateurs, ce dont témoigne le décalage des rythmes de vie observé dans la société depuis de nombreuses années ; que l'accord de branche étendu du 12 juillet 2001 l'autorise expressément en prévoyant des compensations et des garanties liées au volontariat des salariés concernés ;

Que la cour d'appel précise encore que depuis l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, il est conféré à un tel accord collectif une présomption de légalité que les parties civiles n'ont pas renversé en l'espèce ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs ne répondant pas aux exigences des dispositions d'ordre public de l'article L. 3122-32, devenu L. 3122-1 du code du travail, alors qu'il lui appartenait de mieux contrôler si ces exigences étaient remplies dans le cas de l'établissement en cause, fût-ce en écartant les clauses d'une convention ou accord collectif non conformes, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3132-3, L. 3132-13, L. 3132-20, L. 3132-25-3, L. 3132-25-5 et R. 3135-2 du code du travail, 591 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus de l'infraction d'emploi dérogatoire non conforme de salariés le dimanche et a repoussé la demande indemnitaire des parties civiles ;

alors que dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ; que dans les commerces de détail alimentaire, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures ; que l'emploi dans un tel commerce de salariés le dimanche après 13 heures suppose une autorisation préfectorale, un simple accord collectif ne suffisant pas à déroger à la loi ; qu'au cas d'espèce, ayant constaté que des salariés du supermarché avaient pointé tous les dimanches du mois de juillet 2015 jusqu'à 13 heures 15 en moyenne (soit après 13 heures), et que le dimanche 28 juin 2015, trois salariés avaient travaillé jusqu'à 20 heures 08 et un autre jusqu'à 16 heures 15, le juge du fond, en estimant légal cet emploi des salariés le dimanche après 13 heures en l'absence d'autorisation préfectorale et au seul motif que la convention collective applicable prévoyait que « les établissements pourront être amenés à ouvrir régulièrement ou occasionnellement le dimanche », a violé les textes susvisés » ;

Vu les articles L. 3132-3 et L 3132-13, alinéa 1er, du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la possibilité de déroger à la règle du repos dominical après 13 heures ne peut résulter que d'une disposition légale précise ;

Attendu que pour relaxer les prévenus du chef d'infractions à la règle du repos dominical dans les commerces de détail alimentaires, l'arrêt énonce que la convention collective précitée prévoit dans son article 5-14 que les établissements pourront être amenés à ouvrir régulièrement ou loi du 8 août 2016 a souhaité favoriser la conclusion d'accords noués au plus près du terrain et des salariés et réguler ainsi le travail dominical et le travail

occasionnellement le dimanche, et à ses articles suivants, les compensations garanties aux salariés concernés ; que le juge ajoute que la

de nuit dont elle ne fait que rappeler les grands principes généraux et dont l'application sur le terrain doit conserver l'esprit, sous le contrôle des magistrats du fond ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encore encourue ;

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 3132-29 et R. 3135-2 du code du travail, 112-1 du code pénal, 591 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé les prévenus de l'infraction d'ouverture au public d'un établissement malgré une décision administrative de fermeture hebdomadaire ; alors que lorsqu'une disposition législative, support légal d'une incrimination, demeure en vigueur, l'abrogation de textes réglementaires pris pour son application n'a aucun effet rétroactif et les faits commis et poursuivis avant cette abrogation sont toujours punissables ; qu'au cas d'espèce, l'article L. 3132-29 du code du travail, qui prévoit que lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos, était en vigueur à l'époque des faits litigieux (en 2015) et l'est encore aujourd'hui ; qu'à l'époque des faits, l'arrêté préfectoral n° 90-642 du 15 novembre 1990 imposait aux commerces d'alimentation générale situés à Paris un jour de fermeture hebdomadaire soit le dimanche, soit le lundi toute la journée ; que s'il a été abrogé par un arrêté préfectoral du 17 juillet 2017, cette abrogation n'a pu avoir pour effet de retirer leur caractère punissable aux faits commis sous l'empire de l'ancien texte ; qu'ayant constaté que le magasin Monop' avait été ouvert tant le dimanche que le lundi à une époque où l'arrêté préfectoral de fermeture hebdomadaire obligatoire était en vigueur, le juge du fond ne pouvait, sur le fondement de la rétroactivité in mitius, relaxer les prévenus de ce chef ; que l'arrêt a été rendu en violation des textes susvisés » ;

Vu l'article L. 3132-29 du code du travail ;

Attendu que lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos ;

Que l'abrogation d'un tel arrêté, pris pour l'application de ce texte, n'a pas d'effet rétroactif ;

Attendu que pour justifier la relaxe des prévenus du chef d'ouverture d'établissement malgré une décision administrative de fermeture hebdomadaire, l'arrêt invoque la règle de l'application immédiate de la loi pénale plus douce, l'arrêté préfectoral n° 90-642 du 15 novembre 1990, imposant la fermeture de l'enseigne pendant 24 heures, ayant été abrogé par un arrêté préfectoral du 17 juillet 2017 ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'arrêté du 15 novembre 1990 avait été pris pour l'application de l'article devenu L. 3132-29 du code du travail, disposition législative qui n'a pas été abrogée, en sorte que les poursuites fondées sur la violation de l'arrêté en cause demeuraient permises, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 11 avril 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Barbier - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article L. 3122-32, devenu L. 3122-1, du code du travail ; article L. 3132-29 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la portée de l'abrogation d'un acte règlementaire sur les poursuites antérieures à l'abrogation, à rapprocher : Crim., 28 janvier 2004, pourvoi n° 02-86.597, Bull. crim. 2004, n° 23 (rejet) et les arrêts cités ; Crim., 19 février 1997, pourvoi n° 96-80.130, Bull. crim. 1997, n° 68 (rejet).

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