Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 1 - Janvier 2022

PEINES

Crim., 22 janvier 2020, n° 19-84.084, (P)

Rejet

Peine privative de liberté – Exécution – Période de sûreté – Plein droit – Disposition légale – Défaut – Portée

La période de sûreté de plein droit ne s'applique, selon le premier alinéa de l'article 132-23 du code pénal, qu'en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi.

L'interprétation stricte de la loi pénale exclut tout recel criminel des dispositions de cet article.

REJET du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Lyon contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de ladite cour, en date du 28 mai 2019, qui a rejeté une demande de permission de sortir, présentée par M. T... J....

LA COUR,

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. J... a été condamné par la cour d'assises du Rhône, le 4 novembre 2018, à la peine de dix ans de réclusion criminelle pour les crimes de recel de vol commis avec usage ou menace d'une arme et en bande organisée et recel de vol en bande organisée.

3. Il est écroué depuis le 8 avril 2016 et, compte tenu des périodes de détention provisoire effectuées, sa date de fin de peine est fixée au 11 novembre 2022.

4. Il a présenté au juge de l'application des peines de Lyon une demande de permission de sortir du 8 au 10 avril 2019.

Par ordonnance rendue le 27 mars 2019 cette demande a été rejetée.

5. Il a interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Exposé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 132-23, 311-8, 321-4 du code pénal et 591 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a jugé qu'une période de sûreté obligatoire n'était pas applicable à M. J..., condamné pour le crime de recel en bande organisée de vol avec arme, alors que dans sa motivation, qui était jointe au dossier portant sur l'appel du rejet de permission de sortir, la cour d'assises a relevé que l'accusé « avait une parfaite connaissance de l'origine frauduleuse de ces véhicules ce qu'il n'a d'ailleurs pas contesté, mais aussi des conditions dans lesquelles leur soustraction avait été réalisée et leur finalité ». Dès lors, les dispositions conjuguées des articles 321-4 et 311-8 du Code pénal faisaient encourir à M. J... les peines prévues pour le vol avec arme, avec une période de sûreté de droit, la peine prononcée étant égale à 10 ans.

Réponse de la Cour

9. Pour infirmer la décision du juge de l'application des peines, dire qu'aucune période de sûreté n'est applicable à M. J..., et déclarer la demande sans objet, la date de sortie étant dépassée, le président de la chambre de l'application des peines relève que d'une part, le rejet du juge de l'application des peines est motivé par l'existence d'une période de sûreté de droit, en cours jusqu'au 21 février 2021, d'autre part, M. J... a été condamné à la peine de dix ans de réclusion criminelle pour les crimes de recel de vol commis avec usage ou menace d'une arme et en bande organisée et recel de vol en bande organisée sans qu'aucune période de sûreté n'ait été prononcée par la cour d'assises.

10. Le président retient ainsi que les crimes dont le condamné a été reconnu coupable ne font pas partie de ceux énumérés par la loi, pour lesquels une période de sûreté est encourue de plein droit, une telle disposition ne figurant pas aux articles 321-1 et suivants du code pénal réprimant le recel.

11. Le juge ajoute qu'il importe peu que lorsque l'infraction dont provient le bien recelé est punie d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru en application des articles 321-1 ou 321-2, le receleur est puni des peines attachées à l'infraction dont il a connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance, ou que le recel soit assimilé, au regard de la récidive, à l'infraction dont provient le bien recelé, la loi pénale étant d'interprétation stricte et la période de sûreté étant, non pas une peine, mais une modalité d'exécution de celle-ci.

12. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a fait une juste application des textes visés au moyen.

13. En effet, la période de sûreté de plein droit ne s'applique, selon le premier alinéa de l'article 132-23 du code pénal, qu'en cas de condamnation à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, dont la durée est égale ou supérieure à dix ans, prononcée pour les infractions spécialement prévues par la loi.

14. Aux termes de l'article 321-4 du même code, lorsque l'infraction dont provient le bien recelé est punie d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à celle de l'emprisonnement encouru en application des articles 321-1 ou 321-2, le receleur est puni des peines attachées à l'infraction dont il a eu connaissance et, si cette infraction est accompagnée de circonstances aggravantes, des peines attachées aux seules circonstances dont il a eu connaissance.

15. La période de sûreté n'est pas une peine mais un mode d'exécution de celle-ci. Dès lors, l'interprétation stricte de la loi pénale exclut toute période de sûreté du recel criminel.

16. Ainsi, le moyen doit être écarté.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Guéry - Avocat général : Mme Moracchini -

Textes visés :

Articles 132-23, alinéa 1, du code pénal.

Crim., 15 janvier 2020, n° 18-81.617, (P)

Rejet

Peines correctionnelles – Peines d'emprisonnement sans sursis prononcées par la juridiction correctionnelle – Article 132-24 du code pénal issu de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 – Application – Portée

En l'absence d'autres éléments portés à leur connaissance, les juges qui prononcent une peine d'emprisonnement sans sursis en matière correctionnelle peuvent, sans méconnaître les dispositions de l'article 132-19 du code pénal, fonder leur appréciation de la personnalité du prévenu sur le seul casier judiciaire.

Justifie sa décision au regard des exigences de l'article 132-19 du code pénal, la cour d'appel, qui pour condamner le prévenu à 4 ans d'emprisonnement, relève que son casier judiciaire ne porte mention d'aucune condamnation mais que néanmoins les faits imputés au prévenu, détenu pour autre cause, sont d'une particulière gravité s'agissant d'association de malfaiteurs en vue de la préparation des délits de trafic de stupéfiants et du délit douanier d'exportation sans déclaration en douane de marchandise dangereuse pour la santé publique et que l'information a établi son rôle d'organisateur du trafic.

REJET du pourvoi formé par M. W... C... contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 2018, qui, pour association de malfaiteurs et exportation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement et à des amendes douanières.

LA COUR,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A l'issue d'une information judiciaire relative à un trafic de cocaïne organisé entre Fort-de- France et Paris, M. C... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'association de malfaiteurs établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, des délits d'acquisition, détention et transport non autorisés de stupéfiants, punis de dix ans d'emprisonnement.

3. Parallèlement, l'administration des douanes l'a fait citer devant cette même juridiction pour avoir coopéré à des exportations sans déclaration de marchandises prohibées au sens de l'article 38 du code des douanes, en l'espèce dix mille trois cent trente neuf grammes, de cocaïne saisis le 26 novembre 2015 et trente deux mille huit cent cinquante deux grammes de cocaïne saisis le 9 décembre 2015.

4. Les juges du premier degré ayant relaxé M. C..., le procureur de la République et l'administration des douanes ont formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. C... à une peine de quatre ans d'emprisonnement, alors que « lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis, il doit spécialement motiver sa décision, au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; que la cour d'appel n'a pas motivé la peine d'emprisonnement sans sursis infligée à M. C... au regard de la personnalité de celui-ci ».

Réponse de la Cour

8. Pour condamner le prévenu à quatre ans d'emprisonnement l'arrêt attaqué énonce que le casier judiciaire de M. C... ne porte trace d'aucune condamnation.

9. Il relève que néanmoins les faits imputés au prévenu sont d'une particulière gravité s'agissant d'association de malfaiteurs en vue de la préparation des délits d'acquisition, détention et transport non autorisés de stupéfiants, punis de dix ans d'emprisonnement et du délit douanier d'exportation sans déclaration en douane de marchandise dangereuse pour la santé publique portant sur 10 kilogrammes 339 grammes de cocaïne et 32 kilogrammes 852 grammes de cocaïne et que l'information a établi son rôle d'organisateur du trafic.

10. Les juges ajoutent que l'intéressé est actuellement détenu pour autre cause.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

12. En effet, en l'absence d'autres éléments portés à leur connaissance, les juges qui prononcent une peine d'emprisonnement sans sursis en matière correctionnelle peuvent, sans méconnaître les dispositions de l'article 132-19 du code pénal, fonder leur appréciation de la personnalité du prévenu sur le seul casier judiciaire.

13. Ainsi le moyen n'est pas fondé ;

14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 132-19 et 132-24 du code pénal.

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