Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 1 - Janvier 2022

EXTRADITION

Crim., 28 janvier 2020, n° 19-86.833, (P)

Rejet

Conventions – Convention franco-brésilienne – Chambre de l'instruction – Avis favorable – Décision définitive – Demande de mise en liberté – Rejet postérieur – Irrecevabilité

Dès lors que la décision de la chambre de l'instruction ayant donné un avis favorable à l'extradition est définitive, le moyen tiré de l'inapplicabilité de la Convention franco-brésilienne d'extradition invoqué à l'appui d'un pourvoi conte un arrêt rejetant une demande de mise en liberté devient irrecevable.

REJET du pourvoi formé par M. H... M... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 6-5, en date du 23 octobre 2019, qui dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement brésilien, a rejeté sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. H... M..., possédant la double nationalité française et brésilienne, a été condamné le 20 juillet 2011 par la chambre criminelle du tribunal de Sao-Gabriel pour des faits « d'homicide qualifié », commis le 29 mai 1993 à Sao-Gabriel (Brésil), à une peine de 16 ans de réclusion. Un mandat d'arrêt a été délivré à son encontre le 7 février 2013 par le juge de la chambre criminelle de la juridiction de Sao-Gabriel aux fins d'exécution. M. M... a été placé sous écrou extraditionnel le 30 mai 2018 par le délégué du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

3. Après avoir, par arrêt du 27 juin 2018, sollicité de l'Etat requérant des précisions complémentaires, la chambre de l'instruction d'Aix-en-Provence a, par arrêt du 16 janvier 2019, donné un avis favorable à la demande d'extradition.

4. Suivant décision du 11 décembre 2019 (n°19-81.092), la chambre criminelle a rejeté le pourvoi de M. M... contre cet arrêt.

5. M. M... a, par déclaration en date du 9 octobre 2019 et mémoire joint intitulé « requête en annulation de la procédure d'extradition et en demande de mise en liberté » sollicité sa remise en liberté.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 199, 696-19, 591 et 593 du Code de procédure pénale.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'inapplicabilité de la Convention franco-brésilienne d'extradition du 28 mai 1996 et la demande de mise en liberté de la personne sous écrou extraditionnel, alors que les débats relatifs à une demande de mise en liberté formée par la personne réclamée se déroulent et l'arrêt est rendu en chambre du conseil ; qu'en réunissant en audience publique la chambre de l'instruction pour les débats et en rendant, toujours en audience publique, l'arrêt, la chambre de l'instruction a méconnu les articles préliminaire, 199, 696-19, 591 et 593 du Code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

8. Il se déduit des termes de l'article 696-19 du code de procédure pénale qui renvoie aux dispositions de l'article 199 du même code que, si la personne placée sous écrou extraditionnel qui sollicite sa mise en liberté est majeure, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en audience publique, sauf décision contraire de la chambre de l'instruction rendue sur opposition du ministère public, de la personne ou de son avocat.

9. Le moyen doit être, en conséquence, écarté.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen est pris notamment de la violation des articles 696-19, 591 et 593 du Code de procédure pénale.

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'inapplicabilité de la Convention franco-brésilienne d'extradition du 28 mai 1996 et la demande de mise en liberté de la personne sous écrou extraditionnel » ;

1°) alors que d'une part, dans le cadre de sa demande de mise en liberté, la personne placée sous écrou extraditionnel doit pouvoir critiquer le fondement même de son extradition et obtenir, en cas d'irrégularité constatée, sa remise en liberté ; qu'expressément saisie d'un moyen de nullité portant sur l'inapplicabilité de la Convention franco-brésilienne d'extradition en date du 28 mai 1996, la Chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître son office et violer les articles préliminaire, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale, considérer qu'elle « ne détient aucune compétence pour statuer sur la validité des arrêts qu'elle prononce, de sorte que le moyen relatif à l'applicabilité de la convention d'extradition franco-brésilienne du 28 mai 1996 à la demande d'extradition de H... M... présentée par l'Etat du Brésil, en ce qu'il tend à l'annulation de l'arrêt en date du 16 janvier 2019 ayant donné un avis favorable, ne sera pas examiné ;

2°) alors que d'autre part, a procédé par voie de contradiction de motifs et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles préliminaire, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui a, tout à la fois indiqué qu'elle n'examinera pas le moyen tiré de l'inapplicabilité de la convention franco-brésilienne du 28 mai 1996, tout en jugeant, dans le même temps, qu'elle examinera ce moyen au regard de la demande de mise en liberté ;

3°) alors que par ailleurs, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et n'a pas permis à la chambre criminelle d'exercer un contrôle utile, la chambre de l'instruction, qui a admis que « la demande d'extradition parvenue au procureur général le 23 avril 2018 sur le fondement de laquelle il a été rendu, précise que les relations extraditionnelles entre la France et le Brésil sont régies par la convention du 28 mai 1996 liant les deux Etats », tout en considérant que la convention d'extradition applicable est celle qui est en vigueur au moment où elle statue et, à défaut, les dispositions du code de procédure pénale, le seul constat de ce que la convention de 1996 avait constitué le fondement de la demande d'extradition suffisant à prononcer sa nullité, cette convention étant postérieure aux faits dénoncés ;

4°) alors qu'enfin, une convention internationale d'extradition ne peut trouver à s'appliquer à des faits commis antérieurement à son entrée en vigueur, sauf stipulation expresse contraire de cette convention ; que dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait, sans violer les articles préliminaire, 696-10, 696-16, 591 et 593 du code de procédure pénale ainsi que la Convention d'extradition franco brésilienne du 28 mai 1996, par fausse application, déduire du silence de cette convention franco-brésilienne son applicabilité à des faits commis avant son entrée en vigueur.

Réponse de la Cour

12. Pour rejeter la demande présentée par M. M..., l'arrêt relève qu'il résulte des dispositions de l'article 696-19 du code de procédure pénale qu'est reconnue à la personne placée sous écrou extraditionnel la faculté de demander à tout moment à la chambre de l'instruction sa mise en liberté et, à cette occasion, ainsi que précisé par le Conseil Constitutionnel, de faire valoir l'irrégularité de l'ordonnance de placement sous écrou extraditionnel.

13. Les juges ajoutent que la décision de condamnation à une peine de réclusion pour l'exécution de laquelle la demande d'extradition est présentée, en date du 20 juillet 2011, est postérieure à la date d'entrée en vigueur de la convention d'extradition, le 1er septembre 2004.

14. Ils observent que si l'ordre d'incarcération critiqué en date du 30 mai 2018 ne vise pas formellement la convention d'extradition dont l'inapplicabilité est soutenue, la demande d'extradition parvenue au procureur général le 23 avril 2018 sur le fondement de laquelle il a été rendu, précise que les relations extraditionnelles entre la France et le Brésil sont régies par la convention du 28 mai 1996 liant les deux Etats.

15. Ils en concluent, d'une part que la convention d'extradition applicable est celle qui est en vigueur entre les parties au moment où la chambre de l'instruction statue et qu'elle ne stipule en l'espèce aucune limite quant à son champ d'application relative à la date de commission des faits, et d'autre part que les dispositions du chapitre V du titre X du livre quatrième du code de procédure pénale relatives à l'extradition, qui s'appliquent aux points qui n'auraient pas été réglementés par les conventions internationales, ne prévoient pas davantage une telle limite et sont en conséquence applicables à toutes les situations en cours, s'agissant d'une loi de procédure, quelle que soit la date de commission des faits.

16. La décision d'avis favorable à l'extradition donné par la chambre de l'instruction, devant laquelle il appartenait à l'intéressé de contester l'applicabilité de la convention franco-brésilienne, étant définitive, le moyen est devenu sans objet.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

17. Le moyen est pris du manque de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 696-10, 696-16, 696-19, 591 et 593 du Code de procédure pénale.

18. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de la personne placée sous écrou extraditionnel »;

1°) alors que d'une part, a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 696-10, 696-19, 591 et 593 du Code de procédure pénale, la Chambre de l'instruction qui a rejeté la demande de mise en liberté de l'exposant en se fondant sur le fait qu'il se serait soustrait à la justice de son pays en venant vivre en France depuis sa condamnation en 2011 pour un meurtre prétendument commis en 1993 et persisterait, en refusant son extradition, dans cette volonté d'échapper à sa responsabilité pénale tout en notant ses liens affectifs et sociaux avec la France et ses garanties réelles de représentation, la seule absence de consentement à son extradition ne pouvant conduire au rejet de sa demande de mise en liberté ;

2°) alors que d'autre part et en toute hypothèse, la Chambre de l'instruction ne pouvait rejeter la demande de mise en liberté de M. M..., sans priver sa décision de base légale au regard des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 696-10, 696-16, 591 et 593 du Code de procédure pénale, aux motifs que la durée de l'écrou extraditionnel ne paraît pas avoir atteint une durée déraisonnable, sans rechercher si les autorités françaises conduisaient la procédure d'extradition avec une diligence suffisante, de sorte que la durée de la privation de liberté n'excédait pas le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but visé par l'article 5, § 1, f), de la Convention européenne des droits de l'homme.

Réponse de la Cour

19. Pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. M..., l'arrêt attaqué énonce que la durée de l'écrou extraditionnel auquel est soumis H... M... depuis le 30 mai 2018 n'apparaît pas avoir atteint une durée déraisonnable au regard du quantum de peine de 16 ans de réclusion pour l'exécution de laquelle il est réclamé.

20. Les juges ajoutent que cette durée a été justifiée par l'attente de la réponse de l'Etat brésilien à la demande d'informations complémentaires qui lui a été adressée suivant arrêt de la chambre de l'instruction du 27 juin 2018 qui avait été en partie demandée par la défense à titre subsidiaire, la demande d'extradition ayant été examinée à l'audience du 19 décembre 2018, après qu'il a été statué sur le pourvoi formé par la personne réclamée par une ordonnance constatant la déchéance du pourvoi et la chambre de l'instruction ayant donné son avis sur la demande d'extradition par arrêt du 16 janvier 2019 contre lequel il a également été formé un pourvoi.

21. Ils retiennent encore que M. M... qui s'est manifestement soustrait à la justice de son pays en venant vivre en France depuis la commission du meurtre en 1993 pour lequel il a été condamné en 2011, en refusant son extradition, a manifesté la persistance de cette volonté d'échapper à sa responsabilité pénale, de sorte que, eu égard à l'importance de la peine à exécuter ou de la sévérité envisageable de celle qui serait prononcée en cas de nouveau jugement, les liens affectifs qu'il entretient, qui lui permettent un hébergement en France, où il s'est également bien inséré socialement, ne sont pas des éléments suffisants permettant d'écarter un risque de fuite élevé, un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique n'apparaissant pas dès lors comme des mesures suffisamment contraignantes pour satisfaire à la demande de l'Etat requérant.

22. La chambre de l'instruction qui, ayant examiné la diligence avec laquelle la procédure a été conduite par les autorités françaises, en conclut que la durée de la privation de liberté de la personne placée sous écrou extraditionnel n'est pas excessive et dont les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer qu'elle s'est déterminée par référence aux garanties offertes par l'intéressé en vue de satisfaire à la demande d'extradition, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

23. Le moyen sera en conséquence écarté.

24. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Lavielle - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article préliminaire, 199, 696-19, 591 et 593 du code de procédure pénale.

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