Numéro 1 - Janvier 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 1 - Janvier 2022

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 8 janvier 2020, n° 19-81.488, (P)

Irrecevabilité

Appel des ordonnances du juge d'instruction – Appel de la personne mise en examen – Ordonnance de renvoi – Recevabilité – Conditions – Qualification criminelle – Impossibilité – Portée

Le président d'une chambre de l'instruction ne commet aucun excès de pouvoir lorsqu'il déclare irrecevable un appel formé contre une décision de renvoi devant le tribunal correctionnel.

En effet, il appartient à ce magistrat, par application des dispositions du dernier alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, dans le but d'une bonne administration de la justice, de constater l'irrecevabilité d'un tel appel, lorsque la procédure suivie dès l'origine sous une qualification délictuelle ne comporte aucune possibilité de qualification criminelle des faits retenus.

IRRECEVABILITE sur le pourvoi formé par M. B... U..., contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 4 février 2019, qui a déclaré non admis son appel de l'ordonnance du juge d'instruction l'ayant renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, en récidive, et association de malfaiteurs.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 179, 186, 186-3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

en ce que la président de la chambre de l'instruction a déclaré non admis l'appel formé par M. U... à l'encontre de l'ordonnance ;

alors qu'il résulte de l'article 186-3, alinéa 1er, du code de procédure pénale que la personne mise en examen peut interjeter appel des ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel dans le cas où elle estime que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime qui aurait dû faire l'objet d'une ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises ; qu'en affirmant pour déclarer non admis l'appel interjeté par M. U... à l'encontre de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, il est manifeste que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel sont insusceptibles de recouvrir une qualification criminelle alors même que l'exposant n'avait pas encore déposé de mémoire devant la chambre de l'instruction, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs en méconnaissance de la disposition précitée ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure qu'à la suite d'un renseignement parvenu à la police judiciaire, une information a été ouverte pour des faits correctionnels de trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs ; que, mis en examen de ces chefs, M. B... U... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, par ordonnance en date du 21 janvier 2019 du juge d'instruction de Bastia, sous cette prévention initiale, incluant, en outre, pour les infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, l'état de récidive ; qu'il a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que pour déclarer l'appel non-admis, le président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia relève, après avoir rappelé les dispositions des articles 186 et 186-3 du code de procédure pénale, que l'ordonnance de renvoi entreprise a été rendue dans l'information correctionnelle ouverte des chefs d'acquisition, détention, offre, ou cession, transport de produits stupéfiants, acquisition et détention d'armes et munitions de la catégorie B, association de malfaiteurs en vue de commettre un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement et qu'il est manifeste que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel sont insusceptibles de recouvrir une qualification criminelle ; qu'il ajoute qu'il ne résulte pas des éléments de la procédure que l'ordonnance de renvoi critiquée soit intervenue sans qu'il ait été statué sur une demande d'acte de la personne mise en examen ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a justifié sa décision :

Qu'en effet, il appartient à ce magistrat, par application des dispositions du dernier alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, dans le but d'une bonne administration de la justice, de constater l'irrecevabilité de l'appel d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, lorsque la procédure suivie dès l'origine sous une qualification délictuelle ne comporte aucune possibilité de qualification criminelle des faits retenus ;

D'où il suit que le pourvoi n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Moreau - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 186 du code de procédure pénale.

Crim., 7 janvier 2020, n° 19-84.246, (P)

Rejet

Requête en annulation – Procès-verbal d'investigation – Identification – Régularité – Compétence

L'appréciation de la requête en annulation d'un procès-verbal tirée de ce que ses rédacteurs ont omis d'y indiquer leur nom et d'y apposer leur signature ainsi que le prévoient les articles D.9 et D.10 du code de procédure pénale, lorsqu'elle ne nécessite pas la révélation des nom et prénom des intéressés, relève de la chambre de l'instruction, compétente pour constater que ces agents se sont régulièrement identifiés par leur matricule, ainsi que le permet l'article 15-4 du même code. Dans un tel cas, aucun texte ne prévoit que cette juridiction soit tenue de vérifier si le recours à la procédure prévue à l'article 15-4 précité se justifie ni de faire état de l'autorisation délivrée à l'agent.

REJET du pourvoi formé par M. L... N... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 9 mai 2019, qui, dans l'information suivie contre lui du chef notamment de vol avec arme en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

LA COUR,

Par ordonnance en date du 6 août 2019, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. A la suite d'un vol avec arme commis dans une villa à Saint Jean Cap Ferrat le 30 mai 2018, la brigade des recherches de Menton a été saisie de l'enquête, les soupçons se tournant notamment en direction de M. N..., reconnu sur des enregistrements de vidéo surveillance comme conducteur d'un scooter ayant suivi les victimes jusqu'à leur domicile deux jours avant les faits.

3. A la demande de leur hiérarchie, des militaires de la section de recherches de Marseille, non saisie des faits, ont pris contact avec leurs informateurs. Sollicité à ce titre, M. N... a indiqué pouvoir fournir des renseignements et un rendez-vous a été fixé le 8 juin 2018.

Les gendarmes ont ensuite retranscrit sur procès-verbal les informations recueillies de M. N..., susceptibles de l'impliquer dans les faits.

4. Placé en garde à vue dans le cadre de l'enquête, M. N... a contesté toute implication. A l'issue de cette mesure, il a été mis en examen le 12 juin 2018 du chef notamment de vol avec arme en bande organisée et il a été placé en détention provisoire.

5. Le 11 décembre 2018, son conseil a déposé une requête en annulation visant d'une part le procès-verbal d'investigations établi par les militaires de la section de recherches de Marseille figurant aux cotes D582-583 de la procédure, et d'autre part un procès-verbal figurant en cote D634 selon lequel M. N... avait reconnu, pendant sa garde à vue mais hors audition, sa participation aux faits.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

6. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premiers et deuxième moyens

Enoncé des moyens

7. Le premier moyen est pris de la violation des articles 15-4, 591 et 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce que la chambre de l'instruction s'est déclarée compétente pour trancher le litige relatif au moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal d'investigations cotes D582-583, alors que les demandes d'annulation d'un acte de procédure dont l'examen du bien-fondé implique l'appréciation du respect des dispositions de l'article 15-4 du Code de procédure pénale relèvent de la compétence exclusive du président de la chambre de l'instruction ; qu'en se déclarant compétente pour statuer sur le litige relatif à l'irrégularité alléguée du procès-verbal intitulé « procès-verbal d'investigation », coté D582-583, et en invoquant l'article 15-4 du code de procédure pénale pour trancher celui-ci, la chambre de l'instruction a violé les règles de compétence susvisées ».

9. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 15-4, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale.

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'irrégularité du procès-verbal d'investigations cotes D582-583 ;

1°) alors que le recours à la procédure d'anonymat de l'article 15-4 du code de procédure pénale ne peut intervenir que s'il est établi que la révélation de l'identité de l'officier de police judiciaire était de nature à mettre en danger sa vie, son intégrité physique ou celles de ses proches ; qu'en outre, la régularité de cette procédure est tributaire de la délivrance d'une autorisation écrite et motivée justifiant de la nécessité d'y recourir ; qu'en s'abstenant d'établir les circonstances de nature à justifier le recours à la procédure prévue à l'article 15-4 du code de procédure pénale, ou à tout le moins, de faire état de l'autorisation délivrée de nature à attester du contrôle de cette nécessité, la chambre de l'instruction, qui a invoqué l'application de la procédure de l'article 15-4 du code de procédure pénale pour justifier le rejet de la requête en nullité qui lui était soumise, a privé sa décision de base légale ;

2°) alors que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ; que constitue un tel stratagème le procédé par lequel les officiers de police judiciaire mettent en échec le droit de se taire et de ne pas s'incriminer soi-même ; qu'en écartant le moyen de nullité, quand il ressort pourtant des pièces de la procédure et de l'arrêt attaqué que des officiers de police judiciaire ont sollicité un rendez-vous auprès de M. N... en dehors de tout cadre légal, afin de recueillir des informations sur les faits survenus le 30 mai 2018, puis retranscrit les renseignements ainsi obtenus dans un procès-verbal, alors même qu'ils savaient que M. N... était lui-même soupçonné d'être l'auteur de ces faits sur lesquels ils souhaitaient obtenir des renseignements, la chambre de l'instruction a violé le principe susvisé ».

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

Sur le premier moyen et le deuxième moyen pris en sa première branche

12. Pour écarter le moyen de nullité tiré de l'irrégularité du procès-verbal d'investigations établi par les militaires de la section de recherches de la gendarmerie de Marseille faute de mention du nom et de la signature des agents l'ayant rédigé, l'arrêt énonce notamment que ces derniers se sont identifiés et ont signé le document litigieux en y apposant leur matricule, conformément aux dispositions de l'article 15-4 du code de procédure pénale.

13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

14. En effet, l'appréciation de la requête en annulation du procès-verbal tirée de ce que ses rédacteurs ont omis d'y indiquer leur nom et d'y apposer leur signature ainsi que le prévoient les articles D.9 et D.10 du code de procédure pénale, ne nécessitait pas la révélation des nom et prénom des intéressés, de sorte que la chambre de l'instruction demeurait compétente pour constater que ces agents se sont régulièrement identifiés par leur matricule, ainsi que le permet l'article 15-4 du même code.

15. Par ailleurs, aucun texte ne prévoit dans pareille hypothèse que cette juridiction soit tenue de vérifier si le recours à la procédure prévue à l'article 15-4 précité se justifie ni de faire état de l'autorisation délivrée à l'agent.

16. En conséquence, les griefs doivent être rejetés.

Sur le deuxième moyen pris en sa seconde branche

17. Pour rejeter le moyen de nullité, pris de ce que le recueil des propos de M. N... par les militaires de la section de recherches de Marseille constitue un procédé déloyal, l'arrêt rappelle que la section de recherche n'était pas saisie de l'enquête mais qu'elle était territorialement compétente sur la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

18. Les juges ajoutent que les membres de ce service n'ont en aucune façon contraint M. N... à se rendre au rendez-vous fixé le 8 juin 2018 et qu'ils n'ont exercé aucune pression lorsque l'intéressé a révélé les propos retranscrits, M. N... s'étant présenté de lui même et sans contrainte à ce rendez-vous et aucune question ne lui ayant été posée.

19. Ils en déduisent que la section de recherche pouvait consigner les renseignements fournis spontanément par M. N... qui a accepté de se présenter à ce rendez vous du 8 juin 2018 et de donner librement des renseignements, dans des procès-verbaux ne contenant aucune audition ni interrogation.

20. En statuant ainsi, et dès lors que ne constitue pas un stratagème, le fait pour des gendarmes de consigner dans un tel procès-verbal des propos qui n'ont pas été recueillis contre le gré de l'intéressé ou à son insu, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.

21. Dès lors, les moyens doivent être rejetés.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rejette le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme de Lamarzelle - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 15-4 du code de procédure pénale.

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