N°20 - Mai 2022 (Éditorial de François Molinié, président de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation)

Lettre de la chambre criminelle

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Atteintes à la probité / Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité / Exercice illégal de la médecine et de la masso-kinésithérapie / Proxénétisme / Mandat d'arrêt européen / Violences / Vol)

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De l’importance des travaux préparatoires

Me Molinié, président de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation

En mars 2022, à l’occasion du déplacement à la Cour de cassation de la mission sénatoriale d’information sur la judiciarisation de la vie publique, plusieurs chambres de la Cour de cassation dont la chambre criminelle se sont livrées, à partir d’arrêts récents, à un exercice inédit de présentation de cas concrets d’élaboration de la jurisprudence et des méthodes de travail du juge.

Cette rencontre a permis de mettre en lumière que pour trancher une question de droit, le juge de cassation se réfère souvent à la volonté du législateur en recourant aux travaux préparatoires parlementaires lorsque le texte est susceptible de plusieurs interprétations et qu’un doute existe sur sa portée notamment en cas d’évolution législative.

En matière pénale, la recherche de l’intention de l’auteur du texte est une méthode d’interprétation induite par l’article 111-4 du code pénal : « La loi pénale est d’interprétation stricte ». La chambre criminelle doit ainsi fixer une interprétation de la loi pénale aussi proche que possible du texte ce qui peut impliquer le recours à la volonté du législateur.

Il est donc fréquent que les mémoires déposés par les avocats aux conseils devant la chambre criminelle, les rapports établis par les conseillers-rapporteurs au moment de l’instruction des dossiers et les avis préparés par les avocats généraux en vue de l’audience se référent avec précision aux travaux préparatoires législatifs. Selon la formule consacrée par les arrêts, ces travaux préparatoires « éclairent » sur le sens d’un texte : ils jouent ainsi le rôle de révélateur de l’intention du législateur.

Dans l’affaire dite « Julie », pour dire, pour la première fois, que de nouvelles dispositions en matière de mineurs de moins de 15 ans relatives à l’abus de vulnérabilité de la victime ont un caractère interprétatif et s’appliquent donc également aux faits commis antérieurement à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, la chambre criminelle adopte une « interprétation conforme à la volonté du législateur telle qu’elle résulte des travaux préparatoires à l’adoption de la loi » (voir communiqué du 17 mars, pourvoi n°20-86.318, publié au bulletin, ainsi que l’avis de l’avocate générale).

La motivation enrichie de certains arrêts permet non seulement de faire référence aux travaux préparatoires mais aussi de justifier une interprétation du texte en s’appuyant sur une analyse précise de l’évolution de la rédaction du texte pendant les débats parlementaires et des modifications successives du projet de loi (voir § 13 de l’arrêt d’Assemblée plénière du 26 avril 2022, n°21-86.158 sur la collégialité de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République, publié au bulletin ainsi que l’avis de l’avocat général).

De même, une modification du code pénal, éclairée par les travaux préparatoires, peut être à l’origine d’un revirement de jurisprudence. La chambre criminelle a ainsi abandonné une jurisprudence en matière d’aménagement de peine en se référant à la volonté du législateur (11 mai 2021, n°20-85-576, publié au bulletin).

On pourrait multiplier les exemples. C’est l’une des vertus de la motivation enrichie que de permettre à la chambre criminelle de faire explicitement référence à l’intention du législateur. Et la lecture des travaux préparatoires – cette fois-ci des arrêts – : rapports des conseillers-rapporteurs et avis des avocats généraux, désormais publiés sur le site internet de la Cour dans les affaires les plus importantes, permet de l’appréhender de façon très concrète et d’en mesurer l’importance.

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