"La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire - La déclaration d’intérêts" (Marc CIMAMONTI, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, président de la conférence nationale des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance)

Actes de colloque

Cette manifestation, qui s'est déroulée le 30 juin 2017 et qui s’est inscrite dans une démarche concertée, tendait à favoriser l’émergence de solutions de consensus pour la mise en œuvre, jusque dans ses modalités les plus concrètes, des dispositions relatives aux obligations déontologiques des magistrats issues de la loi du 8 août 2016 modifiant l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. La déclaration d’intérêts du magistrat, l’entretien déontologique de ce dernier avec l’autorité à laquelle est remise la déclaration, ainsi que les suites et prolongements que les uns et les autres peuvent comporter étaient plus particulièrement concernés.

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Actes de colloque

"La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire - La déclaration d’intérêts" (Marc CIMAMONTI, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, président de la conférence nationale des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance)

Marc CIMAMONTI, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, président de la conférence nationale des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance

    Voici une 3ème table-ronde déjà bien avancée, à quelques encablures de la fin de ce colloque. On peut se dire que tout a dû être dit, déjà exposé, peut-être l’assistance lassée et que l’exercice est peu utile …. C’est peut être une explication de la moindre attractivité – au moins tels que certains l’ont manifesté – pour cette table ronde lors des réunions préparatoires en tout cas la dernière du 7 juin     Pourtant …. je suis ravi d’être là, d’intervenir dans cette 3ème table-ronde et parmi les derniers intervenants ; ravi, non pas – mais cela aurait pu être un argument - parce qu’elle est à dominante « ministère public » sous votre égide Monsieur le 1er avocat général, mais d’abord car elle me permet de retrouver « mon » procureur Jacques BEAUME dans un échange sur notre beau métier ; ravi aussi par le caractère concret, pratique que suppose le thème de cette dernière table-ronde     C’est en effet à une approche concrète que je souhaiterais parvenir dans le cadre de cette intervention : ce colloque dans sa préparation et plus encore dans cette intervention, m’a en effet conduit à préfigurer ce que je vais avoir à faire dans quelques semaines début septembre en accueillant 5 nouveaux magistrats ; c’est cette préfiguration d’une façon de procéder que je voudrais vous livrer y compris –voire surtout - dans ses aspects les plus basiques (articulation avec mon secrétariat et la tenue des dossiers des magistrats au niveau de la juridiction, modalités d’envoi des courriels au collège de déontologie ou à la DSJ, documents susceptibles d’être archivés au niveau de mon cabinet ….) ;     Sans doute, inévitablement, mon propos sera émaillé de quelques redites voire empiètements sur les autres tables rondes, ne serait-ce que parce que le document « déclaration d’intérêts » vit avant, pendant et après l’entretien déontologique …     Quittons à présent ces prolégomènes !     La question de l’entretien déontologique et de la déclaration d’intérêts a vocation à être abordée dès les premiers contacts avec le magistrat appelé à être nouvellement nommé, soit dès la visite de courtoisie antérieure au décret de nomination qui suit généralement immédiatement l’avis (à le supposer favorable) donné par le CSM         Cela a été d’ores et déjà le cas pour les 5 nouveaux magistrats que j’évoquais il y a un instant ;             Bien sûr car l’obligation est nouvelle         Mais cela devrait l’être toujours car le sujet est sensible …. Avant tout dans la mesure où il est pénalement sanctionné         D’ailleurs ces premiers contacts sont l’occasion de se faire une idée sur la question de possibles conflits d’intérêts ;             Pour ma part je demande toujours en prévision de ces premières visites de courtoisie ou dans leur suite immédiate la communication d’un curriculum vitae (avec copie de la dernière évaluation)     Bien sûr en prévision des prises de fonction de septembre 2017, une fois diffusée la circulaire DSJ qui devrait suivre ce colloque, en ce qui me concerne, je l’adresserai aux magistrats concernés du parquet de Lyon avec la note DSJ du 20 juin et le texte du décret n° 2017-713 du 2 mai 2017 avec bien sûr celui de l’article 7-2 de l’ordonnance statutaire     Si j’ai pu avoir une pratique « fluctuante » en matière d’entretien de prise de fonctions, je compte tenir les entretiens déontologiques rapidement soit dans la 1ère quinzaine du mois de septembre ;         Il n’est pas question que j’en délègue la conduite         Les effectifs du parquet de Lyon ne sont pas pléthoriques au point que cela s’impose et le sujet est suffisamment sensible et à dimension très personnelle pour que le chef de juridiction s’attache à y procéder lui-même         Sans doute couplerais-je dès lors entretien déontologique et entretien de prise de fonctions en scindant les deux et en commençant par l’entretien déontologique     Pour ces entretiens comme pour la visite de courtoisie, le ton de l’échange est évidemment à la bienveillance à la fois par éthique et par utilité bien comprise afin que la parole soit aisée pour aborder des sujets à dimension personnelle pouvant être sources de conflits d’intérêts ;         La remarque ne me semble pas totalement sans intérêt notamment quand nous aborderons dans un instant la question de l’information du magistrat quant à la saisine du collège de déontologie     Bien sûr, la déclaration d’intérêt devra être transmise par le magistrat avant cet entretien afin de permettre à l’autorité/chef de juridiction d’en prendre connaissance préalablement pour que cet entretien soit utile ;         Sans doute est-ce une démarche un peu « directive » au regard du délai légal maximum de 2 mois prévu pour la remise de la déclaration ….         Un mot sur le formulaire de cette déclaration figurant en annexe au décret du 2 mai 2017 ; il n’est peut-être pas exempt d’ambigüité avec les cadres à en-tête en « gras » qui y figurent pour y mentionner les activités professionnelles donnant lieu à rémunération à la date de l’installation ou dans les 5 années précédentes, les activités professionnelles exercées par le conjoint, etc ….             Une lecture littérale trop rapide conduirait à de longues énumérations             Alors que selon moi la démarche doit être plus stricte parce que finaliste et ne doit conduire à ne mentionner que des liens et des intêrêts qui sont de nature à influencer ou à paraître d’influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions                 (pas lieu de déclarer en principe des activités ponctuelles d’enseignement ou la participation à des jurys, colloques, conférences … ; toute activité d’un conjoint n’a pas vocation à être déclarée …)         Le magistrat doit remettre sous double pli cacheté (pour l’instant une remise par voie dématérialisée n’est pas d’actualité) sa déclaration (article 11-2 du décret) ; en pratique il peut le faire auprès du secrétariat du chef de juridiction             Si cette solution est offerte (plutôt que la remise en mains propres au chef de juridiction) il est nécessaire que ce secrétariat soit bien « briefé » pour                 Acter la remise sur la fiche navette (annexée à la note DSJ du 20 juin 2017) ;                  Remettre de la copie de la fiche navette ainsi renseignée au magistrat déclarant (cela vaut accusé de réception de la déclaration au sens de l’article 11-2 précité)                 S’abstenir d’ouvrir les plis, s’agissant d’une exclusivité réservée au chef de juridiction                 Remettre dans les plus brefs délais en mains propres au chef de juridiction des plis contenant la déclaration et de la fiche navette (et jusqu’à ce moment conservation au coffre du secrétariat)             Le chef de juridiction doit conserver personnellement cette déclaration et la fiche navette ;                 Donc, nécessité d’un placard ou d’un coffre spécialement dédié dans son bureau, et dont il doit être le seul à disposer de la clef     L’entretien déontologique a lieu, le chef de juridiction ayant pris connaissance de la déclaration ;         Sa tenue doit être mentionnée/émargée sur la fiche navette         Cet entretien ne donne lieu à aucun procès-verbal         Si la déclaration apparaît complète (il faut penser à vérifier que toutes les pages sont paraphées par le déclarant), elle doit alors être mise par le chef de juridiction en présence du magistrat déclarant sous double enveloppe répondant au formalisme conforme à l’article 11-4 du décret prévu en annexe de la note DSJ du 20 juin 2017 :             Une enveloppe intérieure comportant les mentions « confidentiel » et « déclaration d’intérêts », le nom et le prénom du magistrat et le bordereau d’émargement des autorités appelées à y accéder             Cette enveloppe étant placée dans une enveloppe dite extérieure comportant les mêmes mentions à l’exclusion du bordereau d’émargement, sur laquelle la DSJ mentionnera la date de sa réception             Le chef de juridiction place ensuite cette double enveloppe dans une 3ème pour l’envoi postal à la DSJ (bureau du statut et de la déontologie 35 rue de la Gare 75109 Paris)             Cette mise sous pli pour envoi à la DSJ est actée sur la fiche navette (signatures du magistrat et du chef de juridiction) dont copie doit être remise au magistrat             La fiche navette est placée dans l’enveloppe d’envoi postal à la DSJ de la déclaration ;                 Cet envoi postal a bien sûr vocation à être effectué par lettre recommandée avec accusé de réception         Aucune copie de la déclaration d’intérêts ne doit être conservée par le chef de juridiction ; il est souhaitable de conserver une copie de la fiche navette dont l’original est transmis à la DSJ, copie à verser au dossier du magistrat tenu dans la juridiction ;

    L’entretien déontologique peut aboutir à devoir modifier (complément mais aussi dans le sens d’une suppression par exemple de la mention d’activité accessoires qui n’exposent en réalité à aucun conflit d’intérêts ou encore mention d’une activité politique ou syndicale cf article 7-2 III de l’ordonnance statutaire) la déclaration d’intérêts ;         Dans ce cas le chef de juridiction prescrit un délai pour la remise de la déclaration modifiée (c’est acté sur la fiche navette dont copie est remise au magistrat)         La remise est effectuée lors d’un nouveau rendez-vous magistrat chef de juridiction         Seule la déclaration modifiée apparaît avoir vocation à être transmise à la DSJ (selon les mêmes modalités que celles décrites ci-dessus) la déclaration initiale conservée en original jusqu’à la remise de la déclaration modifiée étant alors détruite par le chef de juridiction en présence du magistrat ;     L’entretien déontologique peut aussi conduire à un doute sur une éventuelle situation de conflits d’intérêts à déclarer ; il peut alors y avoir matière à saisir pour avis le collège de déontologie ;         Je pense qu’en présence d’un tel doute, je me poserai la question de prendre le temps de la réflexion et qu’en pratique je m’en ouvrirai verbalement pour avis à ma procureure générale dans le cadre de la mission qui est la sienne en matière de veille déontologique         En tout état de cause, pour les raisons que j’ai déjà évoquées (tonalité bienveillante des échanges avec le magistrat, précisément dimension d’échanges …), il me semble exclu de procéder à la saisine du collège de déontologie à l’insu du magistrat (c’est la position de la juridiction administrative)             La saisine de ce collège doit être émargée sur la fiche navette (émargement qui dans le formulaire DSJ ne prévoit que la signature du chef de juridiction et non pas celle du magistrat)         Pour la saisine du collège de déontologie, elle doit s’opérer par une lettre exposant le doute objet de cette saisine             avec la transmission d’une copie certifiée conforme (par le chef de juridiction lui-même) de la déclaration dont l’original est conservé par lui dans les conditions sécurisées précitées                 l’envoi a vocation à se faire par lettre recommandée avec accusé de réception             une copie de la lettre de saisine du collège doit être conservée non pas selon moi au niveau du secrétariat du chef de juridiction (comme un courrier administratif « lambda ») mais de manière confidentielle et sécurisée avec la déclaration d’intérêts en original  ;         à la réception de l’avis du conseil de déontologie, il semble indispensable de tenir immédiatement un nouvel entretien avec le magistrat (auquel copie de l’avis doit être remis) ; selon les cas la déclaration est maintenue ou modifiée ; et il est procédé comme précédemment exposé, étant précisé que la copie de la lettre de saisine du collège et l’avis de celui-ci doivent être joints à la déclaration dans l’enveloppe intérieure ;             aucune autre copie que celle de la fiche navette ne doit être conservée par la juridiction ;     pour achever cette intervention, abordons la question de l’intérim ou du remplacement du chef de juridiction ; C’est traiter de l’interprétation à donner de « l’autorité » au sens de l’article 7-2 de l’ordonnance statutaire ; vous avez compris que mon approche de cette notion était fonctionnelle et non pas personnelle, nominative ;         pour l’hypothèse d’intérim, il s’agit nécessairement de durées importantes liées non pas à une absence de quelques semaines, mais au moins supérieures à 2 mois (délai pour la remise des déclarations initiales ou complémentaires : article 7-2 précité) ; dans ce cas on doit admettre que le magistrat qui assure officiellement l’intérim est investi de toutes les prérogatives du titulaire empêché ;         en cas de changement de chef de juridiction :             souvent on peut regretter qu’un temps d’échange suffisant ne soit pas pris par les deux responsables successifs pour se passer le relais ;             dans de telles situations, il est indispensable et conforme au devoir de loyauté que celui qui quitte ses fonctions s’attache à dresser un tableau exact, complet, précis, de la juridiction spécialement sur ses points faibles ou les situations délicates auxquelles elle est exposée : nécessairement on est conduit à évoquer les situations personnelles des magistrats qui composent les services dont la responsabilité est transmise ; une situation délicate au regard de possibles conflits d’intérêts doit faire l’objet d’échanges : ne pas le faire de la part de celui qui part relèverait selon moi du manquement déontologique ;                 d’ailleurs évoquer la situation ne signifie pas selon moi une divulgation de la déclaration ou de ses mentions au sens de l’article 7-2 IV dernier alinea de l’ordonnance statutaire ;                 en tout état de cause, on peut se référer à des notions juridiques comme celles de secret partagé ou de fait justificatif tirées de la permission de la loi.

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