"La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire - La déclaration d’intérêts" (B. Les personnes concernées par l’entretien)

Actes de colloque

Cette manifestation, qui s'est déroulée le 30 juin 2017 et qui s’est inscrite dans une démarche concertée, tendait à favoriser l’émergence de solutions de consensus pour la mise en œuvre, jusque dans ses modalités les plus concrètes, des dispositions relatives aux obligations déontologiques des magistrats issues de la loi du 8 août 2016 modifiant l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. La déclaration d’intérêts du magistrat, l’entretien déontologique de ce dernier avec l’autorité à laquelle est remise la déclaration, ainsi que les suites et prolongements que les uns et les autres peuvent comporter étaient plus particulièrement concernés.

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Actes de colloque

"La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire - La déclaration d’intérêts" (B. Les personnes concernées par l’entretien)

B. Les personnes concernées par l’entretien

Ce sont les magistrats concernés par la déclaration d’intérêts (cf supra I A) .

L’entretien se déroule avec l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, dont la liste est fixée par l’article 7-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 . ( cf supra).

Le décret du 2 mai 2017 prévoit toutefois la possibilité pour l’autorité à laquelle la déclaration a été remise de déléguer la conduite de l’entretien déontologique, si et seulement si le magistrat concerné y consent :

    à la Cour de cassation, à un président de chambre ou un premier avocat général ;

    dans les cours d’appel et les tribunaux de grande instance, à un premier président de chambre ou à défaut un président de chambre, un premier avocat général ou à défaut un avocat général, un premier vice-président ou un procureur de la République adjoint.

Une singularité toutefois concerne l’entretien déontologique des premiers présidents des cours d’appel et des procureurs généraux près les cours d’appel dont il n’est pas possible de déléguer la conduite.

Deux points méritent des développements particuliers : la suppléance de l’autorité désignée à l’article 7-2 pour la remise de la déclaration et la délégation de la conduite de l’entretien.

Ce sont les magistrats concernés par la déclaration d’intérêts (cf supra I A) .

L’entretien se déroule avec l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, dont la liste est fixée par l’article 7-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 . ( cf supra).

Le décret du 2 mai 2017 prévoit toutefois la possibilité pour l’autorité à laquelle la déclaration a été remise de déléguer la conduite de l’entretien déontologique, si et seulement si le magistrat concerné y consent :

  •     à la Cour de cassation, à un président de chambre ou un premier avocat général ;
  •     dans les cours d’appel et les tribunaux de grande instance, à un premier président de chambre ou à défaut un président de chambre, un premier avocat général ou à défaut un avocat général, un premier vice-président ou un procureur de la République adjoint.

Une singularité toutefois concerne l’entretien déontologique des premiers présidents des cours d’appel et des procureurs généraux près les cours d’appel dont il n’est pas possible de déléguer la conduite.

Deux points méritent des développements particuliers : la suppléance de l’autorité désignée à l’article 7-2 pour la remise de la déclaration et la délégation de la conduite de l’entretien.

1) La suppléance de l’autorité désignée à l’article 7-2 pour la remise de la déclaration

Si la conduite de l’entretien déontologique peut être déléguée à des magistrats limitativement énumérés par l’article 11-5 du décret du 2 mai 2017, la déclaration d’intérêt doit être nécessairement remise à l’autorité désignée à l’article 7-2 lors de l’ordonnance statutaire. Il n’y a pas de délégation possible.

Certes le code de l’organisation judiciaire comporte des dispositions organisant la suppléance du président du tribunal de grande instance et du premier président de la cour d’appel en cas d’absence ou d’empêchement.

Les articles R 212-59 et R 312-69 du COJ disposent que le président du TGI et le premier président de la cour d’appel, en cas d’absence ou d’empêchement, sont suppléés dans leurs fonctions administratives, par le magistrat du siège qu’ils auront désigné ou à défaut, par le magistrat du siège dont le rang est le plus élevé.

Il convient toutefois d’observer que les magistrats ainsi désignés peuvent être différents de ceux que le législateur organique a limitativement énumérés comme pouvant recevoir délégation pour la conduite de l’entretien. En outre, la conduite de l’entretien ne peut être déléguée à des vice-présidents ou des vices procureur dans les tribunaux de grande instance où il n’existe pas de premier vice-président et le procureur adjoint.

Il apparaît dès lors peu cohérent d’admettre, que par l’application des textes précités du code de l’organisation judiciaire, un vice-président et un vice-procureur puissent suppléer le président et le procureur à la fois comme autorité à laquelle doit être remise la déclaration d’intérêts et comme autorité habilitée à conduire un entretien déontologique, sans même que le magistrat ait à donner son consentement.

La confidentialité qui doit entourer la remise de la déclaration d’intérêts doit conduire à limiter l’accès au contenu de cette déclaration à la seule autorité désignée par la loi organique dès lors que celle-ci n’a pas prévu de possibilité de suppléance ou de substitution.

Cette lacune aurait pu être comblée par le décret d’application pour éviter toute incertitude, d’autant que le fait pour une personne tenue de remettre une déclaration d’intérêts en application de l’article 7-2 de ne pas adresser sa déclaration est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Certes l’infraction vise l’absence de déclaration et non le fait d’avoir remis sa déclaration tardivement, mais l’existence de ces dispositions pénales aurait dû conduire la chancellerie à davantage de vigilance dans la rédaction du décret d’application.

2) La délégation de la conduite de l’entretien

S’agissant de la possibilité pour l’autorité à laquelle la déclaration doit être remise de déléguer la conduite de l’entretien, sans méconnaître les contraintes pesant sur les chefs de cours et de tribunaux de très grande taille, cette tâche doit revêtir le caractère d’une priorité et le recours à la délégation devra rester exceptionnel.

Le recours à la délégation accroît le nombre de personnes qui ont accès aux données à caractère personnel concernant le magistrat. Il augmente le risque de divulgation des informations contenues dans la déclaration d’intérêts. Plus il y a d’intervenants dans le processus de déclaration, plus le risque de fuites ou d’erreurs est accru.

La conduite de l’entretien suppose que le magistrat qui le mène ait une solide formation sur le statut, sur les obligations déontologiques, sur la technique de cet entretien, son cadre et ses limites. Les chefs de cour et de tribunaux devront par conséquent se former sur l’ensemble de ces points et il est indispensable que, si des délégations sont envisagées, celles-ci ne soient effectives qu’une fois le délégataire formé.

L’ENM envisage la création de modules spécifiques au sein des formations de prise de fonctions de présidence d’une juridiction. Doivent être également rapidement mises en œuvre des formations spécifiques pour les chefs de cour et de TGI déjà en fonctions sur l’ensemble de ces problématiques.

Le recours à la délégation n’est possible qu’avec le consentement du magistrat concerné. Il conviendra d’éviter qu’une douce pression soit exercée sur les magistrats pour qu’ils consentent à la délégation ou que ce consentement soit considéré comme acquis sauf demande contraire du magistrat, comme c’est malheureusement trop souvent le cas pour l’entretien d’évaluation dans les cours et tribunaux de grande dimension. Le recueil du consentement du magistrat devra par conséquent être formalisé dans une fiche navette qui précisera la date de l’entretien, le nom et les fonctions exercées par le délégataire de l’autorité.

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