"La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire - La déclaration d’intérêts" (La déclaration d’intérêts, ses modifications et les déclarations complémentaires)

Actes de colloque

Cette manifestation, qui s'est déroulée le 30 juin 2017 et qui s’est inscrite dans une démarche concertée, tendait à favoriser l’émergence de solutions de consensus pour la mise en œuvre, jusque dans ses modalités les plus concrètes, des dispositions relatives aux obligations déontologiques des magistrats issues de la loi du 8 août 2016 modifiant l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. La déclaration d’intérêts du magistrat, l’entretien déontologique de ce dernier avec l’autorité à laquelle est remise la déclaration, ainsi que les suites et prolongements que les uns et les autres peuvent comporter étaient plus particulièrement concernés.

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Actes de colloque

"La déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire - La déclaration d’intérêts" (La déclaration d’intérêts, ses modifications et les déclarations complémentaires)

Contribution du Syndicat de la magistrature (SM)

Introduction

La question des intérêts des magistrats, et des conflits qu’ils peuvent susciter, a été abordée dans le débat public dès l’année 2011 à l’occasion de la publication du rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Le Syndicat de la magistrature considérait que les magistrats ne pouvaient être maintenus à l’écart de ce mouvement destiné à moraliser la vie publique et à assurer davantage de transparence et, par suite, à renforcer la confiance des citoyens. C’est pourquoi il s’était déclaré favorable au principe d’une déclaration d’intérêts.

Le but de l’établissement d’une telle déclaration est bien d’initier une démarche de prévention des conflits, particulièrement bienvenue si elle incite à un questionnement personnel et institutionnel sur la déontologie dans son ensemble.

Pour autant, la réflexion doit s’articuler bien sûr avec les exigences d’impartialité qui pèsent déjà sur les magistrats et qui se traduisent notamment en procédure par les règles relatives au déport et contenues dans le code de l’organisation judiciaire.

La déclaration d’intérêts, ses modifications et les déclarations complémentaires

A. La définition du conflit d’intérêts

Les textes relatifs aux magistrats judiciaires ne définissent pas la notion d’intérêt mais seulement celle de conflit d’intérêts et dressent la liste des activités à déclarer. L’article 7-1 de la loi organique du 8 août 2016 dispose en effet que « les magistrats veillent à prévenir ou faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts. Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. »

La déclaration d’intérêts ayant pour but de prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts, les dispositions s’appliquant aux magistrats impliquent qu’un intérêt se définisse en soi comme étant susceptible de faire naître un conflit d’intérêts dans l’exercice des fonctions.

Dès lors, il est essentiel de conduire une réflexion sur la notion d’intérêt, même si elle s’entend plus clairement lorsqu’on envisage le conflit.   Le rapport de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique remis le 26 janvier 2011 proposait la définition suivante de l’intérêt : « l’intérêt privé d’une personne concourant à l’exercice d’une mission de service public s’entend d’un avantage pour elle-même, sa famille, ses proches ou des personnes ou organisations avec lesquelles elle entretient ou a entretenu des relations d’affaires ou professionnelles significatives, ou avec lesquelles elle est directement liée par des participations ou des obligations financières ou civiles. Ne peuvent être regardés comme de nature à susciter des conflits d’intérêts, les intérêts en cause dans les décisions de portée générale, les intérêts qui se rattachent à une vaste catégorie de personnes, ainsi que ceux qui touchent à la rémunération ou aux avantages sociaux d’une personne concourant à l’exercice d’une mission de service public ».

Il comportait aussi la mention suivante : « Un conflit d’intérêts est une situation d’interférence entre une mission de service public et l’intérêt privé d’une personne qui concourt à l’exercice de cette mission, lorsque cet intérêt, par sa nature et son intensité, peut raisonnablement être regardé comme étant de nature à influencer ou paraitre influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions.

Le rapport de 2011 faisait par ailleurs une distinction importante entre les intérêts matériels et les intérêts moraux :

« - les intérêts matériels : ils peuvent être patrimoniaux et financiers (détention directe d’actions d’une société, par exemple), professionnels (contrats de travail en cours ou passés avec une entreprise ou un organisme), commerciaux ou civils (généralement dans un cadre contractuel)

- les intérêts moraux, c’est-à-dire les intérêts intellectuels, philosophiques, politiques, syndicaux, idéologiques ou religieux.

La première catégorie est beaucoup plus problématique que la seconde : l’acteur public, qui sert l’intérêt général, doit se départir dans son action de considérations personnelles susceptibles de lui procurer un gain direct ou indirect. Or si les intérêts moraux sont susceptibles, dans certains cas, d’entrer en conflit avec l’action publique, ce sont bien les intérêts matériels qui sont le plus susceptibles de générer des difficultés ou des doutes sur l’impartialité de l’agent. En outre, l’instauration de mécanismes, notamment de déclaration, destinés à prévenir systématiquement tout « conflit d’intérêts », quelle que soit son intensité, avec des intérêts intellectuels, philosophiques, politiques, syndicaux, idéologiques ou religieux, c’est-à-dire avec des convictions personnelles, constituerait une atteinte importante à la liberté d’opinion constitutionnellement garantie, et serait excessivement intrusive. Il est d’ailleurs délicat de définir une conviction sous l’angle de « l’intérêt » de la personne concernée, et impossible de lui attribuer, en la matière, les intérêts d’un tiers. Les notions de consistance et d’intensité des intérêts en cause sont donc déterminantes pour apprécier ce qui relève ou non du champ d’éventuels conflits. C’est ainsi que les convictions religieuses ou politiques ne peuvent être regardées de manière générale comme des « intérêts », tandis que des mandats officiels de la part d’institutions religieuses ou politiques peuvent être pris en compte. »

Dès lors, la commission écartait résolument « l’idée d’identifier, traiter et corriger des conflits d’intérêts de cette nature de manière générale. » Pour elle, « le principe en la matière doit rester celui de la confiance et de la responsabilité de la personne concernée, qui est réputée ne pas être influencée par ses convictions dans l’exercice de ses missions, sauf pour certains types de fonctions, d’actes ou de mesures pour lesquels l’existence de telles convictions, dès lors qu’elles se traduiraient par un engagement concret, pourrait être regardée comme structurellement problématique. »

L’OCDE a également engagé une réflexion comparative sur la prévention des conflits d’intérêts depuis une dizaine d’années et a progressivement établi une définition des conflits d’intérêts, formalisée dans ses Lignes directrices de 2005 : « Un conflit d’intérêts implique un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la façon dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités ».

Enfin, dans la définition du Conseil de l’Europe, l’intérêt est défini en utilisant la notion d’avantage.

Dans ces textes, l’intérêt dans son acception principale concerne des avantages patrimoniaux.

Le Syndicat de la magistrature, attaché à ces principes, sera attentif à ce que la déclaration des intérêts, dont il a soutenu la pertinence, n’induise pas des atteintes à la vie privée des magistrats ou n’aboutisse à les dissuader de s’engager dans la vie civile, que ce soit par le contenu de ce qui sera déclaré, par l’usage qui pourra être fait des informations recueillies par le chef de juridiction lors de l’entretien déontologique ou par le mode de conservation et d’accès à la déclaration d’intérêts.

Parce qu’il est une organisation syndicale attachée à l’engagement dans la société civile et qu’il revendique de combattre pour le droits et les libertés, il choisira de s’exprimer ici à la fois sur l’articulation entre le devoir d’impartialité du magistrat et l’établissement de la déclaration d’intérêts mais aussi sur les fonctions bénévoles à déclarer et plus spécifiquement sur le sort à réserver à l’appartenance syndicale.

B. L’articulation entre le devoir d’impartialité du magistrat et la déclaration d’intérêts

Comme le magistrat judiciaire exerce des fonctions qui le conduisent à investir tous les champs de la société, l’occurrence d’un conflit d’intérêts dans un cas précis qu’il aura à traiter est statistiquement probable.

La déclaration d’intérêts ne peut donc pas être un enregistrement préventif permettant de pré- constituer la liste des cas dans lesquels les magistrats devront éventuellement se déporter dans toutes les affaires particulières.

Le Conseil d’Etat, dans la circulaire applicable aux magistrats administratifs, indique que les intérêts à déclarer sont seulement ceux dont la nature pourrait conduire l’intéressé à se déporter. Cette option est exprimée de manière restrictive, en ce qu’il n’est pas nécessaire de déclarer des intérêts qui, de toutes façons, ne conduiraient pas le magistrat à se déporter : cela exclut par exemple, selon l’interprétation qu’en fait le Conseil d’Etat, les activités professionnelles accessoires dont l’exercice ne conduirait pas à se déporter si l’employeur était concerné dans l’affaire que doit juger le magistrat (application de la notion d’intensité de l’interférence.) Cette orientation du Conseil d’Etat ne permet cependant pas de déduire que le magistrat doit se mettre en mesure d’imaginer, pour choisir de déclarer ou non une fonction, toutes les situations potentielles dans lesquelles son activité le mettrait en situation de se déporter.

Dans cette acception de la déclaration d’intérêts, la notion de devoir d’impartialité se superposerait à la notion d’intérêts devant figurer dans la déclaration du magistrat. Or, si elle est concevable pour des corps d’agents publics dont le statut ne prévoit pas de règles d’impartialité et de déport, cette précaution paraît inutile dans le cas des magistrats judiciaires qui ont déjà dans leur statut des règles obligeant à se déporter au cas par cas. Les magistrats judiciaires ayant potentiellement à intervenir dans des champs très variés et ce, même dans le cadre des fonctions spécifiquement exercées (un juge correctionnel, un juge d’instruction peut entendre comme parties dans les affaires qu’il traite des catégories infinies de personnes physiques ou morales), cette interprétation du texte aboutirait à déclarer trop largement l’ensemble des activités et investissements ressortant de la vie privée des magistrats. Il convient donc de ne pas retenir une conception aussi extensive du champ des intérêts à déclarer.   Le rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique remis le 26 janvier 2011 confirme cette position dans le passage suivant : « il apparaît de même illusoire d’entendre régir a priori toutes les situations de prévention des conflits d’intérêts par le droit. Ainsi que le relève l’OCDE dans son rapport de 2005, « il est matériellement impossible de définir à l’avance toutes les formes envisageables de conflits d’intérêts pour n’avoir ensuite qu’à les interdire. La probité et l’impartialité peuvent certes s’appuyer sur des dispositifs normatifs, être renforcées par des prescriptions spécifiques, mais elles relèvent aussi de la conscience individuelle et collective, ce qui suppose la plus large diffusion d’une véritable culture de la déontologie  ».

 C. Les intérêts moraux : les fonctions bénévoles à déclarer

Concernant les fonctions bénévoles, le texte prévoit explicitement que seules celles qui sont susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts sont à déclarer. La définition des intérêts à déclarer en l’occurrence est donc très restrictive.

L’article 7-2 de la loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que la déclaration d’intérêts ne comporte aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophique d’un magistrat, sauf lorsque leur révélation résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement.

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a abordé, dans son Guide du déclarant, la question des « fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts » en se fondant sur deux critères qui pourront également fonder notre raisonnement.

Ses termes sont les suivants : « Pour apprécier une situation de conflit d’intérêts, deux critères doivent être considérés :

- L’interférence potentielle entre l’activité bénévole et le mandat ou la fonction. Par exemple, portent-ils sur le même secteur d’activité ou les mêmes thématiques ? - L’intensité de cette interférence. Par exemple : le déclarant est-il conduit dans ses fonctions publiques, à entre en contact avec la structure où il exerce son activité bénévole ? Attribue-t-il des subventions à ce type de structure ?  »

Cette notion est reprise par le Conseil d’Etat dans son propre Guide du déclarant à destination des magistrats administratifs. Le Conseil d’Etat précise qu’il convient de déclarer non pas les activités bénévoles en qualité de simple adhérent mais seulement les fonctions dirigeantes, opérationnelles, administratives dans les organismes. En effet, c‘est le terme de fonctions qui est utilisé et non le terme d’activité bénévole pour décrire ce qui doit être déclaré.

Cette question avait été abordée pour les magistrats judiciaires préalablement aux textes sur la déclaration d’intérêts concernant les associations intervenant dans le champ pénal qu’il s’agisse d’associations d’aides aux victimes ou de contrôle judiciaire. La création prétorienne du contrôle judiciaire socio-éducatif avait par exemple conduit les magistrats à s’impliquer dans le conseil d’administration ou le bureau d’associations auxquelles ils confiaient des mesures financées, au moins partiellement, par le ministère de la Justice. Il leur avait été rappelé que s’il restait possible d’être membre de telles structures, ils ne pouvaient appartenir aux organes décisionnels ou opérationnels de ces associations.

Pour le Syndicat de la magistrature, ces notions sont très utiles et elles fonderont notre doctrine.   Au préalable, il se déduit de l’article 7-2 III alinéa 1 de la loi organique relative au statut de la magistrature que, si la fonction bénévole renvoie uniquement à une conviction politique, syndicale, religieuse ou philosophique, il n’y a aucun motif de la déclarer. Le fait d’avoir des convictions est en effet un droit pour tout citoyen. C’est le devoir d’impartialité qui est alors le principe cardinal, permettant au magistrat de recevoir l’ensemble des arguments, indépendamment de ses opinions. Il n’est même pas besoin de mentionner alors cette activité lors de l’entretien. C’est ce qui résulte de l’analyse même du rapport de 2011 en matière d’intérêts moraux.

A partir du principe selon lequel les intérêts à déclarer ne se superposent pas avec les déports potentiels exigés dans le cadre du devoir d’impartialité, il convient de retenir que ce n’est que si la fonction bénévole exercée par le magistrat le conduit à se trouver de manière prévisible et répétée en situation de conflit d’intérêts dans un certain nombre de cas, et non si elle pouvait seulement l’exposer à se déporter dans un éventuel cas particulier, qu’il faudra déclarer cet intérêt. Les obligations attachées au devoir d’impartialité, et imposant le déport conformément aux dispositions des articles L111-6 et L111-7 du code de l’organisation judiciaire, prendront le relais en cas de conflit d’intérêts dans une affaire particulière.

Pour mémoire, aux termes de ces textes, « sous réserve de dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d’un juge peut être demandée :

- Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation - Si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l’une des parties - Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l’une des parties ou de son conjoint jusqu’au quatrième degré inclusivement - S’il y a eu ou s’il procès entre lui ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint - S’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties - Si le juge ou son conjoint est chargé d’administrer les biens de l’une des parties - S’il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint - S’il y a une amitié ou une intimité notoire entre le juge et l’une des parties - S’il existe un conflit d’intérêts au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. Les magistrats du ministère public peuvent être récusés dans les mêmes cas.

Le juge qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer par un autre juge spécialement désigné. Le magistrat du ministère public qui suppose en sa personne un conflit d’intérêts au sens de l’article 7-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ou estime en conscience devoir s’abstenir se fait remplacer.  »

Ces critères de prévisibilité et de répétition traduisent l’application, pour le magistrat judiciaire en tant que professionnel intervenant dans l’ensemble du champ social, du critère d’intensité de l’interférence.

Pour déterminer si son activité bénévole entre en conflit de manière prévisible avec ses fonctions, le magistrat devra se référer aux fonctions particulières exercées au sein du tribunal, selon sa fonction ou son affectation dans une chambre ou un service traitant un contentieux précis.

Ainsi, il n’y aurait pas d’utilité à déclarer des fonctions de responsabilité dans une association prenant en charge des mesures de contrôle judiciaire pour un juge aux affaires familiales, tandis que le doyen des juges d’instruction, chargé d’instruire l’agrément de telles associations, se trouvera lui dans un tel conflit d’intérêts. Dès lors, deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que l’intérêt fasse l’objet de déclaration : le degré de responsabilités exercées dans l’association et l’intensité de l’interférence de l’activité bénévole avec l’activité spécifique du magistrat

Sur ce point, le décret et la circulaire du Conseil d’Etat réservent deux sorts différents aux magistrats administratifs : l’article R131-7 du code de la justice administrative prévoit un nouvel entretien déontologique pour un membre du Conseil d’Etat qui change de section, ce qui permet d’imaginer une actualisation de la déclaration d’intérêts en fonction des contentieux traités. Mais à contrario, la circulaire du Conseil d’Etat ne prévoit pas de nouvelle déclaration d’intérêts quand le magistrat administratif change de chambre ou de fonction au sein d’une juridiction ou que lui est attribué un nouveau contentieux.

La modification de la déclaration d’intérêts en cas de changement de service, lorsque les mêmes fonctions sont conservées au sein d’un même tribunal, n’est pas explicitement prévue pour les magistrats judiciaires : selon la loi, « toute modification substantielle des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes et peut donner lieu à un entretien déontologique ». Or, en matière de fonctions bénévoles, l’intérêt à déclarer étant par définition celui susceptible de faire naître un conflit d’intérêts, il en découle logiquement que la liste des intérêts à déclarer peut évoluer en rapport avec les fonctions exercées de nature à faire naître un conflit.

La situation spécifique des magistrats placés, mais aussi celle des magistrats généralistes affectés dans une juridiction de taille réduite dans laquelle ils seront amenés à exercer toutes les missions du juge, les conduiront en revanche à devoir déclarer plus d’intérêts que les autres magistrats, l’occurrence d’un conflit étant possible pour l’ensemble de leurs fonctions ou attributions. Néanmoins, un oubli lors de la déclaration initiale n’empêchera nullement le magistrat placé de modifier sa déclaration à l’occasion d’une délégation ou d’un changement de service.

Aussi, si la loi ne prévoit pas une nouvelle déclaration d’intérêts suite à un changement de service au sein du tribunal, on peut y voir la volonté de ne pas multiplier les cas d’établissement de la déclaration, l’obligation de conduire cet exercice, dans les hypothèses, nombreuses, où le changement de service ne modifie pas les les intérêts à déclarer. En revanche, il appartient au magistrat, comme lorsque ses intérêts sont modifiés en raison de l’évolution de sa situation personnelle, de déclarer la modification de ses intérêts s’il apparait que, dans son nouveau service, il se trouve in concreto en situation potentielle de conflit d’intérêts avec ses fonctions bénévoles. Il pourra alors solliciter également un nouvel entretien déontologique.

Pour le Syndicat de la magistrature, les critères à retenir pour la déclaration des fonctions bénévoles sont les suivants : - Seules les fonctions dirigeantes et opérationnelles dans les organismes sont à déclarer (à défaut, déclarer une simple adhésion à une association serait susceptible d’instaurer un véritable délit d’opinion et il ne peut en être question) - Les fonctions bénévoles renvoyant uniquement à une conviction politique, religieuse, syndicales, philosophique ne sont pas déclarées quelle que soit la nature des responsabilités exercées - La fonction bénévole n’est à déclarer que si elle conduit le magistrat à se trouver de manière prévisible en situation de conflit d’intérêts dans un certain nombre de cas ; la déclaration doit intervenir dans le cas où l’implication dans les fonctions bénévoles revêt une intensité certaine et où le conflit est susceptible de naître de manière répétée. En revanche, il n’y a pas à faire de déclaration préalable si la fonction bénévole peut potentiellement l’exposer à se déporter dans un cas particulier - La notion d’interférence doit être appréciée non seulement au regard de la fonction précise exercée par le magistrat au sein du tribunal mais de façon plus restrictive au regard du service (chambre spécialisée dans un type de contentieux) qui lui est confié.

D - La question spécifique des fonctions syndicales

L’article 7-2 de la loi organique précité définit une interdiction de mentionner les opinions et activités, politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques et la possibilité (qui ne correspond donc pas à une obligation ou un principe de déclaration) d’y déroger lorsqu’elles résultent de mandat ou fonctions exercées publiquement. Encore faut-il que ces fonctions soient susceptibles de constituer un des termes de l’interférence.

Il convient de préciser à titre liminaire que les fonctions syndicales ne sont pas comprises dans les mandats électifs à déclarer : ces mandats ne concernent que les mandats politiques. C’est d’ailleurs ce qui figure dans la circulaire du Conseil d’Etat pour les magistrats administratifs.

Au titre des fonctions bénévoles, l’application du principe selon lequel il n’y a pas à déclarer les activités, qui renvoient uniquement à une conviction, conduit à exclure totalement la déclaration des fonctions syndicales et ce d’autant que celles-ci ont pour objet la défense des intérêts professionnels et ne peuvent par définition être à l’origine d’un conflit d’intérêts dans l’exercice des fonctions. Cela vaut aussi pour l’exercice de fonctions syndicales dirigeantes ou publiques.

Dans le cas de l’exercice de responsabilités syndicales nationales ou locales, la prise de position à l’égard d’une personne publique, de ses activités ou de ses propos doit conduire au déport du responsable syndical qui aurait à traiter d’un litige dans lequel ce personnage public serait partie. Ce n’est pas la déclaration du mandat syndical a priori qui permet de prévenir le conflit d’intérêts puisque l’exercice de ce mandat n’implique pas en soi la critique d’une personne publique. L’exemple des fonctions syndicales illustre parfaitement qu’en matière de fonctions bénévoles, d’engagement militant et associatif, déclarer par avance tout ce qui pourrait être à l’origine de l’occurrence d’un conflit n’a pas de sens, ni pour la prévention, ni pour le contrôle a posteriori des situations de conflit d’intérêts, lesquelles se résoudront par les règles du déport.

Enfin, la déclaration d’un intérêt « syndical » impliquerait nécessairement qu’il y ait une trace écrite de ce mandat dans la déclaration d’intérêts, pièce administrative qui concerne le magistrat, ce qui serait totalement contraire aux principes garantissant la liberté syndicale selon lesquels une telle mention ne peut figurer nulle part.

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