Ordonnance n° 91185 du 9 novembre 2023 (appel civil)

Pourvoi n° 22-20.074

Requête n° 523/23

 

   

ORDONNANCE ENTRE :

M. [A] [B], ayant Me Guermonprez pour avocat à la Cour de cassation,

 

ET :

M. [C] [D], ayant la SARL Le Prado - Gilbert pour avocat à la Cour de cassation,

 


Michèle Graff-Daudret, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assistée de Océane Gratian, greffier lors des débats du 12 octobre 2023, a rendu l'ordonnance suivante :

Vu la requête du 7 juin 2023 par laquelle M. [A] [B] demande, par application de l'article 1009-1 du code de procédure civile, la radiation du pourvoi formé le 9 août 2022 par M. [C] [D] à l'encontre de l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Lyon, dans l’instance enregistrée sous le  numéro Z 22-20.074 ;

Vu les observations développées au soutien de la requête par Me Guermonprez ;

Vu les observations présentées oralement à la requête par la SARL Le Prado - Gilbert ;

Vu l'avis de Fabrice Burgaud, avocat général, recueilli lors des débats ;

Par arrêt du 28 juin 2022, la cour d’appel de Lyon a notamment :

- confirmé la déclaration du 5 janvier 2017 par laquelle la directrice du greffe du tribunal de grande instance de Draguignan a constaté la force exécutoire en France de la décision du 6 novembre 2014, référence 60/07, rendue par le tribunal d'instance d'Ansbach (Allemagne) ;

- condamné M. [C] [D] à payer à Maître [A] [B], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société de droit allemand à responsabilité limitée [D] GmbH & Co OHG, la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. 

Par requête du 7 juin 2023, M. [B], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la société de droit allemand [D], a demandé la radiation du pourvoi sur le fondement de l’article 1009-1 du code de procédure civile, en invoquant l’inexécution, en France, par M. [D] de la décision du juge allemand qui a condamné ce dernier à payer une somme de plus de 2 300 000 euros à la procédure collective, outre les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile.  

Dans ses observations du 9 octobre 2023, M. [D] fait valoir que, après avoir fluctué, la jurisprudence décide désormais que la décision d’exequatur ne comporte pas de condamnation et ne saurait, par conséquent, justifier une radiation, et qu’en outre, il est disposé à régler la somme due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, étant toutefois observé qu’une radiation fondée sur la seule inexécution de condamnation au titre des frais irrépétibles ou des dépens porterait une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge de cassation. Il conclut au rejet de la requête. 

Dans ses observations en réplique du 10 octobre 2023, M. [B], ès qualités, soutient que, par le passé, il a été admis, dans une affaire où la cour d’appel avait déclaré irrecevable l’appel contre une ordonnance accordant l’exequatur à un compromis d’arbitrage, que la cour d’appel avait « ainsi, de manière implicite, mais nécessaire, rendu exécutoire le compromis d’arbitrage revêtu de l’exequatur » (Ord. 21 mars 1995, Bull. n°12) et que cette solution doit être approuvée car elle est conforme à l’esprit de la procédure prévue par l’article 1009-1 du code de procédure civile, étant encore rappelé la caractère extraordinaire et non suspensif du recours en cassation. De plus, il résulte de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, qu’un jugement étranger peut faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée en France, après y avoir été rendu exécutoire, comme en l’espèce. Il souligne que M. [D] ne dit mot de la décision allemande à laquelle il tente de se soustraire, ni de ce qu’il serait dans l’impossibilité de s’acquitter des condamnations prononcées.    

Aux termes de l’article 1009-1 du code de procédure civile, hors les matières où le pourvoi empêche l'exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l'avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d'une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu'il ne lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.     

L'application de ce texte est conditionnée à l'existence d'une condamnation susceptible d'exécution dont la décision frappée de pourvoi constitue le titre.

Or, l’arrêt dont l’inexécution est invoquée est une décision d’exequatur qui, en rendant exécutoire une décision étrangère, ne fait qu’en constater la régularité et ne comporte pas en elle-même une condamnation à paiement.

Dès lors, elle ne peut donner lieu à application de l’article 1009-1 du code de procédure civile.

En outre, sauf circonstance exceptionnelle non invoquée en la cause, l'inexécution de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne peut, à elle seule, justifier la radiation du rôle.

En effet, une telle mesure conduirait à figer la situation contentieuse en considération d'une condamnation accessoire et porterait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de cassation.

Dès lors, il n'y a pas lieu de radier l'affaire du rôle de la Cour.

EN CONSÉQUENCE :

La requête en radiation est rejetée.                               

   

Procédure civile

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