Ordonnance n° 90346 du 9 mars 2023 (droit européen)

Pourvoi n° 22-15.604

Requête n° 1065/22

 

ORDONNANCE ENTRE :

 

- M. [X], ayant la SCP Lyon-Caen et Thiriez pour avocat à la Cour de cassation,

ET :

- la société Stella, exploitant sous l’enseigne Restaurant [1],ayant la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol pour avocat à la Cour de cassation,

 

Michèle Graff-Daudret, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assistée de Vénusia Ismail, greffier lors des débats du 9 février 2023, a rendu l'ordonnance suivante :

 

Vu la requête du 13 septembre 2022 par laquelle M. [X] demande, par application de l'article 1009-1 du code de procédure civile, la radiation du pourvoi numéro R 22-15.604 formé le 27 avril 2022 par la société Stella, exploitant sous l’enseigne Restaurant [1], à l'encontre de la décision rendue le 13 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Vu les observations développées au soutien de la requête ;

Vu les observations présentées en défense à la requête ;

Vu l'avis de Jean-Christophe Crocq, avocat général, recueilli lors des débats ;

Par arrêt du 13 janvier 2022, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a notamment condamné la société anonyme monégasque (S.A.M.) Stella à verser à M. [X] la somme de 73 429,29 euros à titre de rappel de salaires pour majoration des heures de nuit, outre 7 342,92 euros de congés payés afférents, ainsi qu’à la somme de 2.0000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Stella, exploitant sous l’enseigne « Restaurant [1] », a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par requête du 13 septembre 2022, M.[X] demande la radiation du pourvoi du rôle de la Cour, sur le fondement de l’article 1009-1 du code de procédure civile, en invoquant la non-exécution de l’arrêt attaqué.

Par observations du 2 février 2023, la société Stella soutient que l’exécution de l’arrêt aurait pour elle des conséquences manifestement excessives, dès lors que cette exécution emporterait le versement d’une somme supérieure à 150% de ses frais mensuels de personnel, alors qu’elle n’a pas de trésorerie constituée, qu’elle est dans l’impossibilité de financer la condamnation par un emprunt, que ses comptes sociaux font apparaître un chiffre d’affaires hors taxes de 1 067 425,79 euros avec des charges d’approvisionnement et de production qui ont représenté 936 198,40 euros, que le résultat net de l’activité principale pour l’exercice 2021 présente une perte d’exploitation de 98 547,82 euros, et qu’elle a un endettement à court terme de 323 208,97 euros. Elle ajoute qu’elle espère être libérée d’une dette qui lui apparaît, selon ses moyens sur le fond, sans pertinence au regard du droit de la principauté de Monaco. Elle entend, enfin, souligner que M.[X] n’a pas obtenu l’exequatur de la décision attaquée, conformément aux dispositions de la Convention relative à l’aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco du 21 septembre 1949, de sorte que la décision attaquée n’est pas exécutoire sur le territoire de Monaco sur lequel elle est implantée. A l’audience, la société Stella soutient encore que l’arrêt attaqué ne serait pas exécutoire, faute de signification.

Par observations complémentaires du 3 février 2023, M. [X] indique que la société Stella ne conteste pas que l’arrêt attaqué n’a pas reçu le moindre commencement d’exécution, et qu’elle ne justifie pas en quoi une exécution, même partielle, serait impossible, tandis qu’il se trouve, quant à lui, privé de sommes dues à titre notamment de salaires, donc présentant un caractère alimentaire. Il souligne que l’arrêt attaqué a été rendu en France, où il est exécutoire en dehors de toute procédure d’exequatur, peu important l’implantation de la société Stella à Monaco.

Aux termes de l’article 1009-1 du code de procédure civile, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l'avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d'une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu'il ne lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

L’arrêt attaqué ayant été rendu en France, il est exécutoire sur le territoire national, peu important qu’il ne soit pas revêtu de l’exequatur, la procédure d’exequatur visant à assurer l’exécution forcée, alors que la présente juridiction est saisie d’une demande de radiation au motif de la non-exécution volontaire de la décision frappée de pourvoi.

L’arrêt attaqué est exécutoire, même en l’absence de signification. En effet, si l'article 503 du code de procédure civile prévoit que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, il résulte toutefois de l'article 504 du même code que la preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lorsque celui-ci n'est susceptible d'aucun recours suspensif.

Tel est bien le cas de l' arrêt attaqué frappé d'un pourvoi par la société Stella. En outre, indépendamment de l'incidence de la signification de l' arrêt , elle a nécessairement eu connaissance de cette décision puisqu'elle est demanderesse au pourvoi.

La radiation, prévue par l’article 1009-1 du code de procédure civile, constitue, non une mesure d'exécution forcée ni une mesure conservatoire, mais une mesure de suspension de l'instance de cassation qui n'est pas définitive, destinée à rappeler le caractère extraordinaire du recours en cassation et à faire assurer au bénéficiaire d'une décision de justice exécutoire son effectivité. Il en résulte qu'elle peut être demandée, dès lors que l'instance de cassation a été engagée, peu important l’absence de signification de l' arrêt attaqué.

Le caractère sérieux des moyens de cassation invoqués et l’éventualité d’une cassation sont sans incidence sur la radiation. La non-exécution de l’arrêt frappé de pourvoi est, en l’espèce, patente et non contestée.

L’attestation de l’expert-comptable de la société Stella et la production, par cette société, de ses derniers comptes sociaux, ne sont pas de nature à démontrer son impossibilité d’exécuter, même partiellement, l’arrêt attaqué, alors que la dette est ancienne, et que la société Stella aurait dû, à tout le moins, la provisionner. Aucun élément comptable ou financier n’est produit pour l’année 2022.

La société Stella ne justifie, par ailleurs, pas avoir effectué la moindre démarche auprès d’établissements bancaires en vue d’obtenir un prêt pour s’acquitter, ne serait-ce qu’en partie, de sommes qui revêtent pour M. [X], pour la plupart, un caractère alimentaire. Enfin, la situation financière de la société Stella n’est pas obérée à ce point que celle-ci ait sollicité l’ouverture d’une procédure collective. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les conséquences manifestement excessives ne sont pas établies et d’ordonner la radiation.

EN CONSÉQUENCE : L’affaire enrôlée sous le numéro R 22-15.604 est radiée.

En application de l'article 1009-3 du code de procédure civile, sauf constat de la péremption, l'affaire pourra être réinscrite au rôle de la Cour de cassation sur justification de l'exécution de la décision attaquée.  

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