Ordonnance n° 90054 du 5 janvier 2023 (Arbitrage)

Pourvoi n° : 21-23.005

Requête n° : 741/22


ORDONNANCE ENTRE :

- la commune de [Localité 2], ayant la SARL Ortscheidt pour avocat à la Cour de cassation,

- la République Gabonaise, ayant la SARL Ortscheidt pour avocat à la Cour de cassation, ET :

- la société Webcor ITP Limited, ayant la SARL Delvolvé et Trichet pour avocat à la Cour de cassation,

- la société Grand marché de [Localité 2], ayant la SARL Delvolvé et Trichet pour avocat à la Cour de cassation,

 

Michèle Graff-Daudret, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation, assistée de Vénusia Ismail, greffier lors des débats du 1er décembre 2022, a rendu l'ordonnance suivante :

Vu la requête du 21 juin 2022 par laquelle la commune de [Localité 2] et République Gabonaise demandent, par application de l'article 1009-1 du code de procédure civile, la radiation du pourvoi formé le 24 septembre 2021 par la société Webcor ITP Limited et la société Grand marché de [Localité 2] à l'encontre de l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris, dans l'instance enregistrée sous le numéro Q 21-23.005 ;

Vu les observations développées au soutien de la requête ;

Vu les observations développées en défense à la requête ;

Vu l'avis de Paul Chaumont, avocat général, recueilli lors des débats ;

Par arrêt du 27 octobre 2020, la cour d'appel de Paris a :

Confirmé l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 10 octobre 2019 qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel invoquée par la République gabonaise et la Commune de [Localité 2], rejeté toutes les demandes des sociétés Webcor ITP Limited et Grand marché de [Localité 2] et condamné in solidum ces sociétés à payer à la République gabonaise et à la Commune de [Localité 2] une indemnité de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamné in solidum les sociétés Webcor ITP Limited et Grand marché de [Localité 2] à payer à la République gabonaise et à la Commune de [Localité 2] la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 25 mai 2021, la cour d'appel de Paris a :

Annulé la sentence rendue à Paris le 21 juin 2018 sous l'égide de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale qui a condamné in solidum la République Gabonaise et la Commune de [Localité 2] à payer :

- à la société GML la somme de 6.534.540 USD en réparation des pertes causées par la résiliation des trois conventions,

- à la société Webcor ITP la somme de 565 676 EUR en réparation des pertes causées par la résiliation unilatérale des trois conventions,

- à la société GML la somme de 85 000 000 EUR en réparation du gain manqué par l'effet de la résiliation unilatérale des trois conventions ;

Condamné la société Webcor ITP et la société du GML à payer in solidum à la République Gabonaise et la Commune de [Localité 2] la somme globale de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Webcor ITP Limited et Grand marché de [Localité 2] ont formé un pourvoi en cassation contre ces arrêts.

Par requête du 21 juin 2022, la République Gabonaise et la Commune de [Localité 2] ont demandé la radiation du pourvoi du rôle de la cour, sur le fondement de l'article 1009-1 du code de procédure civile, en faisant valoir que les demanderesses au pourvoi n'ont pas réglé la somme globale de 65 000 euros mise à leur charge par les deux arrêts attaqués.

Dans des observations complémentaires du 21 octobre 2022, elles ajoutent que la sentence arbitrale du 21 juin 2018 les avait condamné à payer des sommes aux sociétés Grand marché de [Localité 2] et Webcor, que la République gabonaise est propriétaire d'un immeuble situé au [Adresse 1], au travers de sa participation dans deux sociétés civiles immobilières, la SCI Val and Co et la SCI des [Adresse 1], que par deux ordonnances du juge de l'exécution du 12 octobre 2018 et 8 janvier 2020, les demanderesses au pourvoi ont été autorisées à pratiquer des saisies conservatoires et/ou provisoires sur ces deux immeubles. Or, alors même que la sentence, c'est-à-dire le titre fondant ces mesures, a été annulée par l'arrêt attaqué du 25 mai 2021, les hypothèques provisoires, qui avaient été converties en hypothèques définitives, et qui courent jusqu'au 24 juin 2030, n'ont pas été levées et les inscriptions n'ont pas été radiées. Puisque l'arrêt attaqué a prononcé l'annulation du titre fondant les mesures d'exécution, même si cet arrêt n'en ordonne pas la mainlevée, le refus injustifié de mainlevée de ces mesures doit entraîner la radiation du rôle.

Dans leurs observations en défense du 22 novembre 2022, les sociétés Webcor ITP Limited et Grand marché de [Localité 2] font valoir qu'elles ont réglé les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et que les dispositifs des arrêts attaqués ne mettent à leur charge aucune obligation autre que le paiement des dépens et d'une indemnité au titre de l'article 700. Elles estiment que la radiation du pourvoi formé contre l'arrêt rejetant un recours en annulation ne saurait être sollicitée pour cause d'inexécution de la sentence visée par ce recours et que la décision qui prononce l'annulation de la sentence ne porte pas injonction du juge de mettre fin aux mesures conservatoires ou d'exécution. Enfin, la radiation ne peut être ordonnée lorsque le fondement que lui assigne la requête ne concerne que l'une des deux décisions attaquées par le pourvoi, étant souligné le caractère indivisible du pourvoi formé à l'encontre des deux arrêts.

Aux termes de l'article 1009-1 du code de procédure civile, hors les matières où le pourvoi empêche l'exécution de la décision attaquée, le premier président ou son délégué décide, à la demande du défendeur et après avoir recueilli l'avis du procureur général et les observations des parties, la radiation d'une affaire lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, à moins qu'il ne lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que le demandeur est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Les sociétés Webcor ITP Limited et Grand marché de [Localité 2] soutiennent, sans être démenties, avoir réglé les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le dispositif des arrêts attaqués ne comporte pas d'autres condamnations.

Tel est clairement le cas de l'arrêt du 27 octobre 2020, qui a confirmé l'ordonnance du magistrat de la mise en état qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'estoppel invoquée par la République gabonaise et la Commune de [Localité 2] ainsi que toutes les demandes des sociétés Webcor ITP Limited et Grand marché de [Localité 2] et condamné ces sociétés aux dépens et à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il en est de même de l'arrêt du 25 mai 2021.

En effet, la décision d'annulation de la sentence arbitrale, qui a condamné les demanderesses au pourvoi au paiement de certaines sommes en réparation de divers préjudices, et sur le fondement de laquelle ont été prises des mesures conservatoires ou d'exécution, si elle constitue le titre fondant l'obligation de mainlevée de ces mesures, n'emporte pas, en elle-même, condamnation pouvant justifier une radiation en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la requête.

 

EN CONSÉQUENCE :

La requête en radiation est rejetée.


Michèle Graff-Daudret, conseiller délégué par le premier président de la Cour de cassation 

Paul Chaumont, avocat général

Avocats : SARL Ortscheidt - SARL Delvolvé et Trichet

 

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