La mesure de suspension de l'instance de cassation par retrait ou radiation d'un pourvoi (ordonnances « 1009-1 »)

par Mme Ingrid ANDRICH, conseillère à la troisième chambre civile, déléguée de la première présidente de la Cour de cassation
(Texte diffusé à l’occasion de la Rencontre avec les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation du 5 mars 2020).

La mesure de suspension de l'instance de cassation par retrait ou radiation d'un pourvoi du rôle, résultant de l'article 27 du décret du 20 juillet 1989 a désormais plus de trente ans.

En sa rédaction originelle, toute la mesure était contenue en un seul article 1009-1 du (nouveau) code de procédure civile qui prévoyait le retrait du rôle, sauf s'il apparaissait au premier président que l'exécution était de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives et la réinscription sur justification de l'exécution de la décision attaquée.

L'application de ces dispositions au fil du temps a révélé des difficultés que plusieurs décrets successifs ont entendu pallier, aboutissant à la construction d'un mécanisme procédural rencontrant un succès qui se mesure au nombre des requêtes en constante augmentation, dont plus d'une quarantaine sont examinées actuellement chaque semaine par six conseillers délégués par ordonnance de la première présidente.

En 1999, pour mettre un terme aux dépôts après désignation du rapporteur, et même après dépôt du rapport, de requêtes dilatoires, le décret no 99-131 du 26 février 1999 a modifié l'article 1009-1 en enfermant la recevabilité de la demande de retrait, émanant du défendeur au pourvoi, dans les délais du mémoire en défense (art. 982 et 991 C. pr. civ.) et en précisant que les délais du mémoire ampliatif n'étaient pas suspendus.

Ce décret a ajouté deux articles au code de procédure civile :

–   l'article 1009-2 stipulant que le retrait du rôle ne fait pas obstacle à la péremption de l'instance, fixant le point de départ à la date de notification de l'ordonnance et prévoyant que ce délai peut être interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter ;

–   l'article 1009-3 qui prévoit la réinscription de l'affaire sur justification de l'exécution et, comme nouveau point de départ du délai du mémoire en défense, interrompu par l'ordonnance de radiation, la notification de la décision de réinscription.

En 2005, selon le décret no 2005-1678, un autre cas susceptible de faire obstacle à la mesure qualifiée désormais de « radiation », a été ajouté à l'article 1009-1, celui résultant de l'impossibilité du demandeur d'exécuter la décision.

En 2008, le décret no 2008-484 du 22 mai 2008 a permis, en modifiant l'article 1009-2 du code de procédure civile, la saisine d'office du premier président ou de son délégué pour constater la péremption après expiration d'un délai de deux années.

Enfin, en 2014, l'article 1009-1 a été enrichi d'une disposition relative au sort du pourvoi incident dont l'examen est désormais interdit par la mesure de radiation frappant le pourvoi principal (Décret no 2014-1338 du 6 nov. 2014).

Parallèlement, les principes issus de la Convention européenne des droits de l'homme tels que rappelés par la CEDH ont pris une importance plus prégnante.

Comme la Commission avant elle, tout en déniant le caractère absolu du droit à un tribunal ou à l'accès au juge de cassation et en retenant qu'une telle mesure avait pour but légitime d'assurer une bonne administration de la justice, la Cour européenne a jugé qu'à l'occasion de la mise en œuvre concrète d'une restriction telle que celle prévue à l'article 1009-1 du code de procédure civile, les exigences de la Convention pouvaient être méconnues et de nombreuses décisions ont sanctionné les membres de l'Union européenne.

L'arrêt de référence est sans doute l'arrêt CEDH du 28 mai 1985 rendu contre le Royaume-Uni sur requête no 8225/78 dans lequel cette Cour énonce que la juridiction applique la réglementation, doit s'assurer que les limitations qui en résultent n'ont pas restreint l'accès ouvert à l'individu « d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même », que ces limitations « poursuivent un but légitime » et enfin qu'il « existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ».

Cette jurisprudence a été réaffirmée, le 14 novembre 2000, dans un arrêt rendu contre l'État français sur requêtes nos S31819/96 et 33293/96. La Cour européenne énonce que les buts poursuivis par l'article 1009-1 du (nouveau) code de procédure civile qui sont : assurer la protection du créancier, éviter les pourvois dilatoires, renforcer l'autorité des juges du fond, désengorger le rôle de la Cour de cassation, sont légitimes. Elle rappelle qu'elle a, elle-même, considéré que « l'exécution d'un jugement ou arrêt doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l'article 6 de la convention » mais retient qu'il lui appartient de déterminer « si les mesures de retrait, telles qu'elles ont été appliquées aux cas litigieux, s'analysent en une entrave disproportionnée au droit d'accès des requérants à la haute juridiction » (ce qu'en l'espèce, elle a retenu).

Si la doctrine des grandes décisions publiées, notamment celles rendues par MM. les premiers présidents Drai et Canivet au début des années 2000, reste suivie, les décisions rendues en application des articles 1009-1 et suivants ont évolué parallèlement à l'évolution des textes et à la prise en compte des principes issus de la Convention européenne des droits de l'homme.

Sans originalité, je suivrai dans ma présentation, la distinction classique entre les trois attributions conférées à la première présidente ou ses délégués, la radiation du rôle (A), puis la réinscription (B) et, enfin le constat de la péremption (C).

 

La radiation du rôle

La mesure de suspension de l'instance en cassation n'est pas définitive puisque l'affaire peut être réenrôlée, notamment si la décision attaquée est exécutée, mais elle est lourde de conséquences puisqu'elle ouvre un délai de péremption à l'issue duquel l'instance en cassation s'éteint.

Le pourvoi en matière civile, sauf disposition particulière, n'est pas suspensif et il constitue une voie de recours extraordinaire. Selon les décisions fondatrices et la jurisprudence de la CEDH, le but poursuivi par le mécanisme de l'article 1009-1 répond, d'une part à la nécessité d'assurer (l'expression est du premier président Drai) « la pleine effectivité des prérogatives qui ont été reconnues par les juges du fond au bénéficiaire de la décision de justice, l'effectivité des décisions des juges du fond » et d'autre part au souci de « désengorger la Cour de cassation ».

La radiation dans ses modalités actuelles, ne peut véritablement servir au désengorgement de la Cour de cassation dans la mesure où l'exécution de la décision attaquée n'est pas une condition de recevabilité du pourvoi et que le premier président ne peut, pour retirer l'affaire du rôle, se saisir d'office de l'inexécution de l'arrêt attaqué qui doit être invoquée par le défendeur au pourvoi au soutien d'une requête en radiation.

Néanmoins, l'expérience démontre que la seule menace de radiation, concrétisée par le dépôt de la requête, peut permettre au défendeur au pourvoi d'obtenir l'exécution puisque nous rendons chaque semaine une ou plusieurs ordonnances constatant cette exécution qui n'était pas acquise à la date du dépôt de la requête et qu'une décision de radiation emporte bien souvent exécution au moins partielle de la décision attaquée.

Au-delà des obstacles inscrits à l'article 1009-1 du code de procédure civile (délai prescrit à peine de nullité, conséquences manifestement excessives et impossibilité d'exécuter) qui seront abordés dans un second temps, l'examen des ordonnances révèle que le succès de la demande en radiation est également conditionné à la forme de la requête, à la nature de la décision attaquée par le pourvoi, à la qualité des parties, au nombre des demandeurs au pourvoi, ainsi qu'au nombre des pourvois formés.

 

1. La requête

La demande de retrait du rôle doit être faite par un écrit séparé du mémoire en défense adressée au premier président et dans le délai du mémoire en défense (art. 982 C. pr. civ.) : deux mois ou trois mois de la signification du mémoire en demande ou selon l'article 991 du même code, trois mois de la déclaration de pourvoi, sans préjudice des prorogations dues à l'éloignement.

Le délai étant prescrit à peine d'irrecevabilité, celle-ci est généralement soulevée en défense, mais elle peut être aussi prononcée d'office, après que les parties ont été mises en mesure de présenter des observations.

 

2. Le bénéfice de la condamnation inexécutée

La pertinence de la requête suppose que le requérant, défendeur au pourvoi, soit le bénéficiaire d'une condamnation inexécutée.

Dans le cas où le pourvoi a plusieurs défendeurs bénéficiaires de condamnations qui ne sont pas solidaires, l'inexécution d'une condamnation prononcée au profit d'un seul d'entre eux ne peut être invoquée utilement au soutien d'une demande de radiation par un autre, à moins d'une subrogation dans les droits du bénéficiaire.

(Ord. du 5 févr. 2015, pourvoi no P 14.16 030 rejet de la demande de radiation au motif suivant : « la disposition dont l'inexécution est avancée par l'association pour obtenir la radiation du pourvoi a été prononcée au seul bénéfice de M. et Mme X, autres défendeurs au pourvoi, dès lors l'association ne peut s'emparer de cette inexécution pour démontrer la pertinence de sa requête qu'il y a lieu de rejeter »).

À l'inverse, l'existence d'une condamnation solidaire permettant au créancier d'exiger l'exécution de n'importe lequel des coobligés ne fait pas obstacle au retrait même si l'inexécution n'est reprochée qu'à un seul débiteur qui est le demandeur au pourvoi.

La nécessité de satisfaire à une bonne administration de la justice est évoquée ou sous-jacente aux décisions dans lesquelles le pourvoi est commun à plusieurs demandeurs. Il est généralement retenu que l'inexécution par l'un ne peut servir de fondement à la radiation du pourvoi si les autres sont dans l'impossibilité d'y procéder ou peuvent exciper de conséquences manifestement excessives ou dans le cas où les condamnations ne sont pas solidaires si les autres ont exécuté la part des condamnations prononcées à leur encontre.

(Ord. 1er déc. 2011, pourvois nos U 11.11 354 et U 11.12 113, la première ordonnance retient que « le défaut d'exécution de Mme G. conduirait à radier le pourvoi alors que M. G. qui fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire est dans l'impossibilité juridique d'exécuter » ; la seconde se réfère expressément à une « bonne administration de la justice » en présence d'un pourvoi commun et d'une situation précaire de l'un des codemandeurs).

Cette nécessité d'assurer une bonne administration permet d'ailleurs d'étendre cette solution dans les hypothèses de pourvois connexes où la radiation de tous n'est pas demandée mais où l'existence d'un lien entre les affaires implique qu'elles soient instruites et jugées dans un même temps, pour permettre une appréhension générale du problème juridique posé et éviter des solutions qui pourraient être inconciliables ou difficilement compréhensibles (notamment dans le cas des contentieux « de masse » qu'ils soient prud'homaux ou de consommation).

Mais, être bénéficiaire de la condamnation inexécutée ne suffit pas toujours, si le demandeur au pourvoi oppose et démontre que c'est le requérant lui-même qui fait obstacle à l'exécution, en ne le mettant pas en mesure de procéder à l'exécution totale ou partielle de la décision attaquée, la requête sera rejetée.

Il peut en être ainsi d'un requérant qui, par la multiplication de mesures d'exécution forcée de la décision attaquée (une saisie-arrêt sur salaires, saisie-attribution de biens), gèle les disponibilités du débiteur, d'un requérant qui ne répond pas aux demandes répétées d'un décompte des sommes restant dues après exécution d'une partie des condamnations, de celui qui ne prend pas possession du bien à restituer mis à sa disposition.

Néanmoins dans tous ces cas où la radiation n'a pas été prononcée, il est souligné que les diligences effectuées par le demandeur au pourvoi démontrent sa volonté de ne pas se soustraire à l'exécution, ce qui interdit à un demandeur au pourvoi de se cantonner à l'inaction.

 

3. La décision attaquée

La radiation du pourvoi suppose que la décision attaquée prononce une condamnation qui est inexécutée ou infirme un jugement de condamnation que le défendeur au pourvoi avait, en son temps, exécuté.

Une radiation peut être ordonnée quelle que soit la nature de la créance dont le défendeur au pourvoi est bénéficiaire, qu'elle emporte obligation de faire, donner, déposer, publier, modifier des écrits, restituer un bien ou des sommes ou obligation de payer une somme.

Mais, l'exigence qu'une condamnation susceptible d'exécution ait été prononcée contre le demandeur au pourvoi, a pour conséquence d'empêcher le retrait du rôle, lorsque l'inexécution prétendue est celle d'une décision confirmant un débouté, ou encore celle d'une décision interprétative ou déclarative qui ne comporte pas de condamnation.

Au-delà de ces cas qui restent tout de même rares, l'analyse des décisions récentes fait apparaître une évolution plus restrictive pour l'application des dispositions de l'article 1009-1 du code de procédure civile, à l'inexécution de décisions arbitrales ou d'arrêts statuant sur déféré d'ordonnances du conseiller de la mise en état, plusieurs ordonnances retenant que « littéralement l'article 1009-1 du code de procédure civile limite son champ d'application au constat du défaut d'exécution de la décision frappée de pourvoi ».

Alors que par le passé plusieurs décisions publiées avaient admis l'existence d'une condamnation au fond susceptible d'exécution, entrant dans le champ d'application de l'article 1009-1, dans une affaire où la cour d'appel avait déclaré irrecevable l'appel contre l'ordonnance accordant l'exequatur à un compromis d'arbitrage, il avait été retenu que la cour d'appel avait « ainsi, de manière implicite, mais nécessaire, rendu exécutoire le compromis d'arbitrage revêtu de l'exequatur » (ord., 21 mars 1995, Bull. no 12, p. 9).

Des décisions plus récentes ferment cette possibilité de trouver dans la décision de première instance la condamnation dont l'inexécution permettrait le retrait du rôle. Ainsi, pour illustration d'une solution devenue classique :

–   une ordonnance du 29 septembre 2016 (pourvoi no P 15.18 784) a rejeté la radiation sollicitée au motif que « la décision d'exequatur qui n'est pas susceptible d'un recours suspensif et qui rend exécutoire une décision étrangère ne fait qu'en constater la régularité, ne comporte pas en elle-même condamnation à paiement, ne peut être invoquée au soutien d'une demande de radiation » ;

–   une ordonnance du 15 mai 2014 (pourvoi no T 13.20 975) a rejeté la requête en radiation d'un pourvoi attaquant un arrêt confirmant une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevable comme tardif, l'appel formé contre un jugement prononçant une condamnation au paiement d'une somme, pour ce même motif d'absence de condamnation ;

–   dans une affaire plus récente, (pourvoi no V 18.21 250) où le jugement déboutait une assurée de ses demandes contre une société d'assurances, un premier arrêt qui avait infirmé et condamné la société d'assurances au paiement de diverses sommes, avait été cassé et la cour d'appel de renvoi n'avait que partiellement infirmé le jugement. La société d'assurances prétendait qu'à défaut de restitution des sommes versées en exécution de la condamnation prononcée par le premier arrêt d'appel, le pourvoi devait être retiré du rôle. L'ordonnance du 11 avril 2019 rejette la requête au motif que le titre ouvrant droit à restitution ne procède pas de l'arrêt attaqué qui ne prononce pas de condamnation à l'encontre de la demanderesse au second pourvoi ;

–   dans le pourvoi no R 18.21 269 : les circonstances étaient les mêmes, la requête en radiation du pourvoi formé contre l'arrêt de renvoi est rejetée au motif « que la décision qui avait fait naître l'obligation de restituer des sommes versées en exécution du premier arrêt était l'arrêt de cassation et non pas la décision attaquée par le pourvoi », l'ordonnance du 6 juin 2019 rappelant que l'application de l'article 1009-1 du code de procédure civile est conditionnée à l'existence d'une condamnation susceptible d'exécution dont la décision frappée de pourvoi constitue le titre.

 

4. L'inexécution de la condamnation

Le moyen de défendre à la requête, le plus radical, est évidemment la démonstration que la ou les condamnations ont été exécutées avant que le délégué ne statue.

La charge de la preuve de l'exécution repose logiquement sur le demandeur au pourvoi qui est en mesure de la fournir. S'agissant d'une obligation de faire, le demandeur peut produire des attestations ou procès-verbaux ou tout autre moyen et s'il s'agit d'une obligation de payer, il produira les justificatifs du paiement.

Une remarque doit néanmoins être faite dans le cas d'une créance de restitution née de l'infirmation d'un jugement, lorsque l'arrêt ne se prononce pas expressément sur la restitution due, la charge de la preuve se dédouble, car il appartiendra au requérant de justifier qu'il a exécuté et, dans quelle proportion, le jugement pour pouvoir prétendre utilement à l'absence de restitution, créance dont l'arrêt constitue le titre.

Par ailleurs, il est admis que le débiteur puisse opposer que la créance du requérant est éteinte par compensation, ce qui suppose néanmoins la démonstration que les dettes réciproques sont de même nature ou fongibles et liquides et exigibles, démonstration qui incombe au demandeur au pourvoi.

La consignation volontaire du montant des condamnations, argument parfois opposé par le demandeur au pourvoi, est écartée et plusieurs ordonnances rappellent que la « consignation, entre les mains d'un tiers, laquelle ne serait pas le résultat d'un accord entre les parties ou d'une autorisation judiciaire, ne constitue pas l'exécution de la condamnation ».

Mais certaines procédures plus particulières ont des conséquences sur l'exécution de la décision attaquée par le pourvoi notamment celles qui sont suivies devant le juge de l'exécution ou celles qui relèvent du surendettement des particuliers ou d'une procédure collective de sauvegarde, redressement ou liquidation.

Lorsque la commission de surendettement ou le juge de l'exécution sont saisis, la pratique la plus courante des délégués est de surseoir à statuer ou de renvoyer l'examen de la requête en attente de la décision du juge de l'exécution.

Ce renvoi se justifie parce qu'un aménagement de l'exécution par l'octroi de délais fait obstacle à une exécution immédiate et intégrale des causes de l'arrêt attaqué et que cet aménagement démontrera l'impossibilité financière dans laquelle se trouve le demandeur au pourvoi de faire face ou les conséquences manifestement excessives qu'emporterait l'exécution de la décision attaquée.

Les délais de l'instance devant le juge de l'exécution peuvent toutefois être incompatibles avec la nécessaire célérité du traitement des requêtes en radiation pendant lequel le délai du mémoire en défense est suspendu et, dans pareil cas, il peut parfois être retenu qu'en l'absence de décision du juge de l'exécution, le demandeur, au pourvoi, ne démontrant pas son impossibilité d'exécuter ou que cette exécution emporterait des conséquences manifestement excessives, le pourvoi doit être radié, sans préjudice toutefois, d'une possible réinscription si des modalités d'exécution particulières viennent à être arrêtées par le juge de l'exécution.

Ces mêmes observations peuvent être faites en matière de surendettement mais, dans ce cas, sans qu'il soit nécessaire d'attendre l'établissement d'un plan d'apurement des dettes, la décision de la commission de surendettement admettant la régularité de sa saisine peut être prise en compte pour rejeter la requête, dans la mesure où elle présume la précarité de la situation du débiteur et les conséquences manifestement excessives d'une exécution de la décision.

Autre cas de présomption bénéficiant au demandeur au pourvoi, il est depuis toujours retenu que l'admission à l'aide juridictionnelle, qui suppose un examen des facultés contributives du demandeur, au pourvoi, constitue également un obstacle au retrait du rôle.

 

5. L 'exécution partielle

En principe, elle ne suffit pas à faire échec à une demande de radiation, mais elle permet au débiteur de démontrer sa bonne foi caractérisée par une volonté de ne pas se soustraire à l'exécution.

Le paiement fractionné peut aboutir au même résultat. Si nombre d'ordonnances rappellent que cette modalité d'exécution ne peut être imposée au créancier par le débiteur, d'une part, l'existence d'un accord sur le principe d'un paiement échelonné de la créance et l'exécution de cet accord, fera obstacle à la radiation du pourvoi et, d'autre part, la preuve de versements réguliers de sommes d'un montant proportionné aux revenus et aux charges du débiteur sera prise en compte pour caractériser une volonté d'exécuter, entravée par des difficultés financières, justifiant le maintien au rôle de l'affaire.

Plusieurs versements peuvent être retenus comme suffisants à faire obstacle à la radiation même si l'intégralité de la condamnation n'est pas exécutée. Ainsi s'agissant de débiteurs aux moyens modestes qui s'efforcent d'exécuter l'arrêt attaqué, la démonstration de leur volonté de ne pas se soustraire à l'exécution peut suffire et une requête déposée dans ces circonstances peut être vouée à l'échec, sauf si la situation du défendeur est également précaire.

On peut ajouter, que si la volonté d'exécuter est absente dans les hypothèses où l'exécution partielle n'est que le résultat d'une mesure d'exécution forcée, le caractère substantiel de l'exécution ainsi réalisée pourra être pris en considération pour faire échec à la demande de radiation lorsque, par ailleurs, le débiteur justifie la précarité de sa situation.

 

6. L'exécution des condamnations accessoires

Lorsque le principal a été réglé, la radiation n'est pas prononcée au motif que le débiteur, même s'il doit exécuter intégralement, n'a pas payé les intérêts.  Ainsi lorsqu'un décompte des intérêts a été réclamé au créancier et non obtenu ou, que le décompte obtenu est contestable au regard de la disposition relative aux intérêts, le paiement du principal est toujours considéré comme caractérisant la volonté du débiteur de ne pas échapper à ses obligations.

 

7. L'exécution de la condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens 

L'inexécution de la condamnation aux dépens qui a pu être retenue à l'origine comme justifiant la radiation de l'affaire, suit depuis de très longues années le sort de l'inexécution des frais du procès non compris dans ces dépens.

Sur ce point, de 2000 jusqu'en 2014, la position des premiers présidents et des délégués, inspirée par (ou se conformant à) la jurisprudence de la CEDH, est restée pratiquement monolithique : une radiation fondée sur l'inexécution de l'arrêt attaqué au seul motif du défaut de paiement des dépens et des frais du procès non compris dans les dépens porterait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de cassation.

Deux décisions en 2014 ont été considérées comme ouvrant la possibilité d'invoquer utilement la seule inexécution des condamnations prononcées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La première du 13 février retirant du rôle l'affaire M. 13-20.578 dans laquelle l'arrêt attaqué qui déclarait irrecevable un recours formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état et rejetait le recours en annulation d'une sentence arbitrale, ne comportait pas de condamnation principale susceptible d'être exécutée, mais prononçait une condamnation au paiement d'une somme de 60 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La seconde du 3 avril 2014 prononçant la radiation du pourvoi R. 13-20.099, affaire dans laquelle l'ordonnance relevait pourtant que le défendeur au pourvoi, qui ne justifiait pas avoir versé des sommes en exécution du jugement infirmé par l'arrêt attaqué, ne pouvait prétendre à l'inexécution d'une créance de restitution née de l'arrêt, a admis la radiation pour inexécution de la condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'analyse de ces deux décisions, dont l'effet immédiat a été une augmentation du nombre des requêtes, doit néanmoins conduire à considérer qu'elles relèvent de cas d'espèces très particuliers et isolés. La première ordonnance retient spécialement que l'inexécution de la condamnation au paiement de la somme de 60 000 euros doit être appréciée au regard de la situation économique des demandeurs au pourvoi, qui avaient été en mesure de régler une somme de plus de 900 000 euros au titre de leurs propres frais de conseil et d'assistance dans l'instance arbitrale et le cas, spécifié d'espèce de la seconde, permet de retenir que la disparité des situations financières respectives de la société demanderesse au pourvoi et de la personne physique défendeur n'a pas été étrangère à la décision du délégué.

En l'état actuel des décisions rendues, l'immense majorité des ordonnances rejette une requête qui ne serait fondée que sur l'inexécution d'une telle condamnation dans des termes qui excluent même une appréciation du montant des sommes en cause ou qui précisent que seule une circonstance exceptionnelle pourrait conduire à l'admettre, invoquant notamment l'hypothèse où la non-exécution porterait atteinte, en le limitant, à l'exercice des droits de la défense.

S’il entend obtenir la radiation pour inexécution d’une condamnation de cette nature, le requérant, qui ne peut se contenter de déclarer que la décision attaquée n'a pas été exécutée, doit apporter des éléments de nature à établir son caractère exceptionnel.

Plusieurs ordonnances peuvent être citées, comme exemples de rejet : 11 mai 2017 (pourvoi no F 16.22 126), 16 mars 2017 (pourvoi n° P 16.23 099) et 29 mai 2018 (pourvoi no V 17.22 051) qui, pour les deux dernières, ont pour motif identique :

« La radiation fondée sur l'inexécution de l'arrêt attaqué au seul motif du défaut de paiement de la condamnation en remboursement des frais de procès non compris dans les dépens qui, nonobstant son montant, a été allouée en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée, porterait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge de cassation ».

Une demande de radiation qui passe ces premiers écueils, doit encore, pour aboutir, dépasser les obstacles énoncés à l'article 1009-1 du code de procédure civile, à savoir l'impossibilité d'exécuter et les conséquences manifestement excessives attachées à l'exécution.

 

8. L'impossibilité d'exécuter

La pertinence du moyen tiré de l'inexécution d'une décision suppose que le demandeur au pourvoi soit juridiquement en mesure de l'exécuter.

S'agissant de l'ouverture d'une procédure collective, coïncidant au temps du dépôt de la requête, l'interdiction du paiement des créances antérieures est un principe posé à l'article L. 622-7 du code de commerce (renvoi art. 631-14) : « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture ».

Il sera retenu en ce cas, comme dans celui où le demandeur au pourvoi bénéficie d'un plan d'apurement de sa dette qui l'oblige à en respecter les termes, qu'il est dans une impossibilité (juridique) d'exécuter.

Dans le cadre des procédures collectives, une distinction s'impose néanmoins en raison de la nature de l'obligation pesant sur le demandeur au pourvoi.

Si le requérant se prévaut d'une créance monétaire, toute décision postérieure à la décision frappée de pourvoi plaçant le débiteur dans l'impossibilité de disposer de ses biens ou de gérer son patrimoine, ou le contraignant à respecter un ordre défini, est susceptible de faire obstacle à l'exécution de la décision et donc obstacle à la radiation.

Lorsque le demandeur au pourvoi régulièrement représenté par un mandataire judiciaire, est débiteur d'une obligation de faire, comme une obligation de restituer une chose, cas fréquent d'un créancier bénéficiaire d'une réserve de la propriété d'une machine ou d'un équipement, l'exécution de cette obligation n'est pas paralysée par l'ouverture d'une procédure collective et, en cas d'inexécution, le pourvoi pourra être retiré du rôle.

À côté de l'impossibilité juridique, l'impossibilité financière est parfois retenue. Elle ne résulte pas exactement d'une situation du débiteur simplement précaire ou fragilisée, mais du constat que cette situation est totalement obérée et qu'elle n'est pas susceptible de rétablissement.

Un rapport disproportionné entre le montant de la condamnation pécuniaire et la situation patrimoniale est en pratique, indifféremment retenu pour établir que le débiteur est dans l'impossibilité d'exécuter ou établir que l'exécution de l'obligation pécuniaire emporterait pour lui des conséquences manifestement excessives.

Certaines décisions ne font état pour rejeter la requête que « de la disproportion existant entre les revenus ou ressources patrimoniales d'une personne et le montant de la condamnation », il ne semble pas qu'il puisse en être déduit l'existence d'un nouveau critère : la disproportion met en évidence que le débiteur est dans l'incapacité, donc dans l'impossibilité d'exécuter.

 

9. Les conséquences manifestement excessives

Il existe une multitude d'hypothèses dans lesquelles il peut être retenu que l'exécution emporterait des conséquences manifestement excessives, pour peu, et c'est à souligner, que le demandeur au pourvoi en rapporte la preuve, la seule affirmation n'y suffisant pas. Le demandeur au pourvoi doit produire les éléments permettant d'appréhender la situation concrètement pour que son objection portant le caractère irrémédiable de l'exécution soit retenue fondée.

Une abstention de défendre à la requête emporte de ce fait, radiation de l'affaire.

Sont ainsi retenus : l'absence de revenus, la perte de l'emploi, l'invalidité, l'âge, la maladie, les charges de famille, la nécessité d'avoir un logement, l'éventuelle perte du local permettant d'exercer une activité.

Pour l'appréciation de la situation du débiteur, il peut être souligné que si certaines ordonnances maintenant anciennes, relevaient, pour écarter le caractère précaire de la situation du débiteur, qu’il était propriétaire d'un bien immobilier, de nombreuses ordonnances, plus récentes, rejettent cette thèse lorsque le bien immobilier en question est le seul possédé par le demandeur au pourvoi ou  qu'il constitue le logement familial dont la perte occasionnerait des conséquences manifestement excessives.

Cette position n'est pas étrangère à des considérations plus prosaïques qu'humanitaires : obliger à la mise en vente d'un bien n'en permet pas toujours la réalisation, le bien peut être grevé au profit de tiers de telle manière que la condamnation n'en sera pas pour autant exécutée et une famille pourrait se retrouver à la rue, sans que le créancier soit désintéressé. Ces mêmes considérations peuvent être étendues à la propriété de biens autres que celui qui constitue la résidence principale.

Mais c'est en matière d'obligation de faire que ces conséquences manifestement excessives sont les plus souvent invoquées et retenues comme empêchement à la radiation : il s'agira toujours d'une appréciation au cas par cas, qui prendra en compte l'hypothèse qui ne peut être écartée au stade où intervient la requête, d'une cassation remettant les parties et la cause en leur état antérieur.

Un bâtiment détruit peut être reconstruit, mais un bâtiment séculaire sera irrémédiablement perdu, un arbre taillé n'est pas abattu, mais il peut en mourir. Des travaux accomplis pourraient-ils être repris, une réintégration dans des locaux serait-elle possible ? Voilà quelques-unes des considérations ou interrogations soulevées.

Parfois le demandeur oppose que le risque de non-restitution des sommes versées, à laquelle une cassation obligerait le défendeur, est réel compte tenu de la situation du bénéficiaire de la condamnation (chômage, surendettement ou procédure collective). Je n'ai pas trouvé d'exemple récent d'ordonnance admettant que, dans ce cas, l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences excessives. Au contraire, plusieurs ordonnances qui radient le pourvoi, retiennent que l'absence d'exécution n'est pas étrangère aux difficultés financières du créancier.

La nécessité de prendre en compte une réalité économique difficile et l'enseignement à tirer des condamnations prononcées par la CEDH à l'encontre de la France ont poussé à la recherche de solutions pragmatiques parmi lesquelles, il peut être mentionné :

–   la prise en compte de la nature alimentaire de la créance ou de l'affectation, en l'absence d'autre source de revenus, aux dépenses de la vie courante des sommes reçues par le débiteur d'une obligation de restituer : non pas dans le cas où le défendeur est directement créancier d'une obligation alimentaire, mais dans celui où le demandeur au pourvoi en doit restitution après infirmation du jugement. Il ressort de l'examen des décisions que, sont rejetées les requêtes fondées sur l'inexécution des obligations d'un ancien salarié de restituer à l'ancien employeur les sommes reçues en exécution d'un jugement du conseil de prud'hommes infirmé, celles fondées sur l'inexécution des obligations d'une victime d'un accident de restituer au responsable ou à son assureur des sommes versées en réparation d'un préjudice corporel ou personnel, et en général les sommes versées en réparation de la perte d'un salaire ou se substituant à un revenu.

Il ne peut être néanmoins être exclu qu'une disproportion manifeste existe entre le montant des sommes perçues et les besoins de la vie courante et dans une affaire qui avait en son temps défrayé la chronique prud'homale opposant un trader à son employeur, si la requête en radiation a été rejetée, c'est pour un motif autre que l'existence d'une créance prud'homale ayant un caractère alimentaire ;

–   la nécessité que le litige trouve une issue rapide afin de ne pas figer les parties dans une situation particulièrement conflictuelle préjudiciable constitue le motif de rejet de nombreuses requêtes.

C'est à cette nécessité que se réfère le rejet quasi systématique des rares requêtes déposées en matière, notamment, de liquidation de communauté après divorce ou en matière de liquidation successorale opposant les membres d'une même famille.

Cette nécessité s'impose lorsque l'intérêt d'un enfant est en cause et également lorsque le litige d'une nature quelconque, oppose les membres d'une même famille ou déchire une copropriété ;

–   l'ancienneté du litige est parfois retenue comme justifiant qu'une issue rapide soit recherchée, ce qui est le cas généralement d'un pourvoi visant un arrêt de renvoi suivant une ou plusieurs cassations et ce qui a été le motif retenu dans l'affaire prud'homale évoquée plus haut, opposant un trader à son ancien employeur.

On voit également apparaître dans certaines décisions la prise en considération de ce que, au cours de la suspension de l'instance, le demandeur pourra opérer des versements dont l'importance et le caractère substantiel dépendent de ses facultés contributives et ainsi interrompre la péremption qui pourrait ne jamais être acquise de sorte que l'existence même de la mesure porterait une atteinte disproportionnée au droit à ce que la cause soit entendue dans un délai raisonnable.

 

10. L'ordonnance du conseiller délégué

La requête reçoit, à l'issue de son examen, une réponse qui prend la forme d'une ordonnance de rejet ou de radiation.

La notification du rejet de la demande de radiation qui a pour conséquence la reprise de l'instance de cassation, fait courir le délai du mémoire en défense qui avait été interrompu au dépôt de la requête.

La radiation du pourvoi emporte retrait du rôle la chambre de la Cour à laquelle l'affaire avait été distribuée qui en est dessaisie.

Elle n'opère pas dessaisissement de la première présidente ou de ses délégués qui peuvent et doivent apprécier, s'ils en sont requis, si le maintien de la mesure de retrait du rôle reste fondé au regard du but légitime poursuivi ou d'office vérifier si ce maintien se justifie au regard d'une bonne administration de la justice.

La deuxième partie de mon propos sera consacrée à l'examen de la demande en réinscription ainsi qu'à la demande en constat de la péremption qui constituent deux faces souvent indissociables de la même problématique.

 

La réinscription de l'affaire au rôle

1. La réinscription d'office

Conséquence de la nature administrative de la radiation ordonnée en application de l'article 1009-1 du code de procédure civile, la réinscription après radiation peut être ordonnée d'office, lorsqu'elle est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les parties devant être mises en mesure de présenter leurs observations.

Il en va ainsi lorsque, postérieurement à la décision de radiation, une connexité est révélée par un autre pourvoi dont l'examen des mérites ne peut faire l'objet d'une appréciation distincte de celui qui a été retiré du rôle, le rétablissement peut être ordonné ; il se justifie également en cas de déchéance du pourvoi ou de désistement.

Les magistrats délégués vont, dans chacun de ces cas, autoriser la réinscription au rôle pour une bonne administration de la justice, il pourrait en être de même s'ils sont informés de l'ouverture d'une procédure collective ou de tout autre incident d'instance.

 

2. La réinscription du pourvoi à la requête des parties

N'importe quelle partie peut solliciter la réinscription qui est, par principe, acquise lorsque la décision est exécutée.

Longtemps, cette réinscription n'a été admise que si la preuve d'une exécution intégrale était rapportée. Le constat que postérieurement à la décision de radiation, le demandeur peut être placé dans l'impossibilité d'exécuter, a conduit à une atténuation de la rigueur de cette exigence.

La pratique a d'abord exclu que cette impossibilité d'exécuter soit autre que juridique, comme celle résultant par exemple d'une procédure collective ou d'un plan d'apurement des dettes opposable au défendeur, cas dans lesquels la réinscription était souvent sollicitée, après reprise d'instance, par le mandataire judiciaire.

Puis, dans des cas où « la situation du demandeur fait irrémédiablement obstacle à l'exécution intégrale de la condamnation », il a pu être admis que la réinscription pouvait être autorisée « en cas d'exécution partielle significative effectuée dans l'extrême limite des facultés contributives du débiteur ».

Des ordonnances plus récentes prononcent la réinscription lorsque la situation personnelle d'un demandeur s'avère irrémédiablement compromise, malgré les efforts accomplis (vente d'un bien, paiement échelonné) en se référant à l'entrave disproportionnée au but légitime recherché, que constituerait le maintien de la mesure de suspension, privant le droit d'accès au juge de cassation, de sa substance même.

Quelques décisions de réinscription se fondent également sur le respect du droit à ce qu'une cause soit entendue dans un délai raisonnable alors qu'en considération d'une exécution partielle (étant entendu qu'elle corresponde aux facultés contributives du demandeur au pourvoi et manifeste sans équivoque sa volonté d'exécuter), par l'effet des versements successifs retenus comme interrompant le délai de la péremption, l'instance de cassation pourrait rester suspendue pendant de nombreuses années sans que son extinction ne puisse être constatée.

On voit là nettement l'inspiration directe de la jurisprudence de la CEDH, il s'agit de procéder à un contrôle de pertinence du maintien de la mesure qui peut se trouver privée de toute justification et ne constituer qu'une entrave à un droit conventionnellement protégé.

Les aménagements judiciaires de l'exécution de l'obligation (décision du juge de l'exécution autorisant la consignation, l'existence d'un plan de continuation homologué et respecté par le débiteur) permettent une réinscription de l'affaire tout comme un accord entre les parties la prévoyant.

Il ne s'agit pas de rouvrir un débat qui, parfois, n'a pas eu lieu du fait d'un défaut de défense à la demande de radiation et plusieurs décisions rappellent que c'est en vain que le demandeur au pourvoi se prévaut, après une radiation, des conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution qui ont été nécessairement écartées par la mesure de radiation, il s'agit de prendre en compte un élément nouveau ou une évolution depuis l'examen de la requête.

 

Le constat de la péremption

Toutefois, la réinscription ne pourra intervenir, si la péremption est acquise, ce qui suppose que dans les deux années suivant la notification de la décision de radiation, le débiteur n'ait accompli aucun acte d'exécution significatif.

À cet égard, l'exécution même intégrale de la décision attaquée, en dehors du délai de péremption, c'est-à-dire même celle qui aurait été antérieure au prononcé de la radiation, ne peut faire obstacle à l'extinction de l'instance de cassation.

Il appartient au demandeur dont le pourvoi est radié, d'agir et de demander la réinscription du pourvoi, en cas d'exécution.

Plusieurs ordonnances ont retenu ainsi qu'à l'expiration du délai de péremption, le demandeur ne peut plus prétendre poursuivre son pourvoi : une particulière vigilance s'impose alors, dans le cas où le demandeur n'a pas défendu à la requête estimant qu'il n'y avait pas lieu de le faire puisque la décision était exécutée, « avoir sa conscience pour soi ne suffit pas ».

Il sera rappelé ici, que pour mettre un terme à l'errance de certains pourvois dans les limbes d'une suspension dont toutes les parties se désintéressaient, le décret no 2008-484 du 22 mai 2008 a permis au premier président ou son délégué de se saisir d'office pour constater la péremption. Depuis plus de dix ans maintenant, les placards ont été vidés et le nombre des saisines d'office a fortement baissé. Néanmoins elles restent souvent l'occasion de vérifier la régularité de la notification de l'ordonnance.

Selon l'article 1009-3 du code de procédure civile, la péremption est acquise, si deux années à compter de la notification de la décision de radiation se sont écoulées sans que le ou les demandeurs au pourvoi n'aient accompli d'acte manifestant sans équivoque sa volonté d'exécuter.

La première vérification qui s'impose au magistrat délégué est celle relative à la régularité de la notification de la décision de radiation. Car, si la procédure 1009-1 du code de procédure civile oppose nécessairement deux parties qui sont représentées devant la Cour de cassation, dont les écritures sont régulièrement notifiées d'avocat au Conseil à avocat au Conseil, la notification de la radiation doit être faite à la partie en demande au pourvoi, par lettre recommandée dont le défaut de remise à personne, oblige à une notification par huissier.

Une difficulté peut apparaître lorsque notamment les deux personnes distinctes constituant un couple ou non, ont été condamnées par la décision attaquée, la notification de la radiation à l'une d'entre elles seulement ne fait pas courir le délai de péremption contre l'autre, la péremption peut être acquise à l'encontre de l'une et n'aurait pas commencé à courir contre l'autre.

Les affaires les plus délicates sont celles relatives à la régularité des notifications dont le destinataire réside à l'étranger. Si dans la plupart des cas, la convention de La Haye du 15 novembre 1965 a permis une simplification des notifications par transmission à l'autorité compétente de l'État dans lequel réside le destinataire, l'article 684 du code de procédure civile ne permet cette transmission directe de l'acte à signifier que dans le cas où un règlement européen ou un traité international l'autorise.

Il appartient donc au défendeur au pourvoi, qui en a obtenu la radiation, de s'assurer de la régularité de la notification de l'ordonnance de radiation dont l'efficacité déterminera la péremption. Le réveil peut être difficile lorsque, par exemple, il est constaté, plus de deux années après le prononcé de la radiation, que le destinataire de l'ordonnance réside dans un État qui n'est pas signataire de la convention de La Haye du 15 novembre 1965, ni d'aucun autre traité international autorisant la transmission prévue à l'article 684 et qu'ainsi le délai de la péremption n'a pu commencer à courir.

Par ailleurs, ce délai de péremption de deux années à compter de la notification est susceptible d'être interrompu par un acte dont l'article 1009-2 du code de procédure civile précise qu'il doit manifester sans équivoque la volonté d'exécuter.

S'il s'agit d'une obligation pécuniaire, la plupart des décisions retenant une interruption de la péremption, considère que des versements substantiels manifestent une volonté d'exécuter interrompant le délai de péremption et certaines relèvent la date du dernier des versements à partir de laquelle ce délai recommence à courir.

Pour autant, l'importance de la somme versée se mesure, non pas au regard de l'importance de la dette, mais au regard des facultés contributives du débiteur.

Un paiement d'une somme modeste peut ainsi interrompre la péremption et, en outre, la démonstration de facultés contributives du débiteur très limitées ou irrémédiablement dégradées peut justifier la réinscription du pourvoi.

Si le demandeur est débiteur d'une obligation de faire, des diligences accomplies, un commencement d'exécution, voire la souscription d'un emprunt pour réaliser des travaux, un ordre de mission, pourront être retenus comme manifestant sans équivoque une volonté de procéder à l'exécution, susceptible d'interrompre la péremption.

Là encore, l'appréciation se fait in concreto, au cas par cas, « avec stupeur et tremblements » devant la gravité des conséquences de la péremption qui éteint l'instance de cassation et dans le souci partagé par tous les conseillers délégués, que ce mécanisme n'aboutisse pas à retarder, en vain, le cours de l'instance en cassation.

À propos de la célérité requise, en conclusion, j'insiste encore une fois sur l'impossibilité d'accomplir sereinement leur office dans laquelle sont mis les conseillers délégués, par la tardiveté des observations et productions qui sont déposées les jours qui précèdent immédiatement le jour de l'audience prévue pour l'examen des requêtes, voire la veille ou le jour même.

Le respect du principe de la contradiction oblige soit à écarter des pièces influentes sur la solution, ce qui peut conduire à une radiation qui aurait pu être évitée, soit à écarter une radiation alors qu'elle pourrait être justifiée, soit encore à renvoyer l'examen de la requête en le retardant ainsi autant que la décision à venir, donc que l'instance en cassation lorsque le retrait du rôle n'est finalement pas prononcé.

Ces observations sont d'autant plus tardives, qu'un long délai s'écoule entre la date du dépôt de la requête qui est signifiée à l'adversaire et la date pour laquelle le greffe adresse, très en avance, l'avis d'audience.

Cet avis est inscrit sur le bureau virtuel des pourvois en moyenne quatre mois avant cette audience et ainsi le « déclenchement de l'alerte » en cabinet pourrait peut-être être avancé.

S'il m'est permis une considération personnelle, disposer de dossiers complets bien avant l'audience prévue pour l'examen de la requête assurerait, est-il besoin de le redire, une préparation plus sereine mais surtout, permettrait aux magistrats délégués ou aux avocats généraux qui en exprimeraient le besoin, au vu de ce que ce dossier révèle, de solliciter de façon contradictoire, dans un temps n'obligeant pas à un renvoi, les explications ou documents nécessaires à une appréhension plus satisfaisante de la situation des parties et à la vérification de la régularité de la procédure.

Dans l'idéal vers lequel il faut tendre, le demandeur au pourvoi qui a connaissance de l'absence d'effet suspensif du recours extraordinaire et des dispositions de l'article 1009-1 du code de procédure civile, connaît le danger auquel il s'expose et doit, dès sa déclaration de pourvoi, exécuter la décision attaquée ou, s'il ne le fait pas, rassembler les éléments qui établissent qu'il est dans l'impossibilité de le faire ou que cette exécution emporterait des conséquences manifestement excessives, ce qui lui permettra de défendre à une éventuelle demande de radiation.

Dans cet idéal, un défendeur au pourvoi ne se lance pas dans cette procédure à titre simplement conservatoire pour le seul bénéfice de l'interruption du délai du mémoire en défense ni, encore, lorsqu'il peut se convaincre que la nature de la créance dont l'inexécution est invoquée ou que la situation du débiteur dont il a pu connaître au cours des procédures qui les ont opposées, compromettent, à l'évidence, le succès de sa requête.

Toujours pour viser l'idéal et prendre notre part du fardeau, la réduction des délais de traitements suppose sans doute que le « service des 1009-1 », remette en cause certains fonctionnements qui peuvent être chronophages et, surtout, se dote de moyens en personnel toutes catégories confondues, plus importants pour faire face à l'augmentation régulière du nombre de saisines.

Procédure civile

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