Communiqué de presse "Contrôles d’identité discriminatoires"
► Un contrôle d’identité discriminatoire engage la responsabilité de l’État
► Il
y a discrimination si le contrôle d’identité est réalisé sur la seule
base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou
supposée
► Le mode de preuve de la discrimination est précisé
Les faits
Treize personnes estiment avoir fait
l’objet d’un contrôle d’identité fondé uniquement sur leur apparence
physique : une origine africaine ou nord-africaine réelle ou supposée
(couleur de peau, traits, tenue vestimentaire). Elles ont assigné
l’Agent judiciaire de l’Etat en réparation de leur préjudice moral.
Le 24 mars 2015, la cour d’appel de Paris a rendu treize arrêts : dans cinq cas, l’Etat a été condamné à verser des dommages-intérêts à la personne contrôlée ; dans les huit autres, la responsabilité de l’Etat n’a pas été retenue.
Des pourvois ont été formés contre ces treize arrêts, soit par l’Agent judiciaire de l’Etat, soit par les personnes contrôlées. La Cour de cassation se prononce donc, pour la première fois, sur ces questions.
Repères juridiques
- Un
contrôle d’identité peut être réalisé en cas de flagrant délit, de
risque à l’ordre public ou sur réquisitions du procureur de la
République (article 78-2 du code de procédure pénale).
-
Lorsqu’ils n’ont pas conduit au déclenchement par les autorités
publiques d’une procédure judiciaire ou administrative, les contrôles
d’identité ne font l’objet d’aucun enregistrement.
- En
droit commun, une personne qui estime avoir fait l’objet de
discrimination peut saisir un tribunal, devant lequel elle doit apporter
la preuve de cette discrimination.
- En
droit du travail, la personne qui estime être victime de discrimination
n’a pas à en apporter la preuve, mais uniquement à présenter des
éléments qui la laissent présumer. C’est au défendeur de démontrer
l’absence de discrimination.
La décision de la Cour de cassation
Un contrôle d’identité fondé sur des
caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée,
sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il
s’agit d’une faute lourde qui engage la responsabilité de l’Etat.
La Cour précise la façon dont la
discrimination doit être prouvée ; il s’agit d’un aménagement de la
charge de la preuve en trois temps :
- la personne qui a fait l’objet d’un
contrôle d’identité et qui saisit le tribunal doit apporter au juge des
éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination ;
- c’est
ensuite à l’administration de démontrer, soit l’absence de
discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des
éléments objectifs ;
- enfin, le juge exerce son contrôle.
.
La Cour de cassation constate que la cour d’appel a correctement appliqué cette méthode :
- l’Etat a été condamné lorsqu’il n’a pas démontré que la différence de traitement était justifiée par des éléments objectifs ;
- l’Etat n’a pas été condamné lorsque
la différence de traitement était justifiée par des éléments
objectifs : la personne contrôlée correspondait au signalement d’un
suspect recherché ;
- l’Etat n’a pas été condamné lorsque
la personne contrôlée n’a pas apporté les éléments de fait qui
traduisaient une différence de traitement et laissaient présumer
l’existence d’une discrimination : l’invocation de statistiques qui
attestent de la fréquence de contrôles effectués sur une même catégorie
de population appartenant aux "minorités visibles" ne
constituait pas, à elle seule, une preuve suffisante ; de plus, les
témoignages apportés ne mettaient pas en évidence une différence de
traitement.
.
Onze des pourvois formés contre les arrêts de la cour d’appel sont donc rejetés.
Dans deux affaires, cependant, l’arrêt
est cassé : dans un cas, pour non-respect d’une règle de procédure
civile indépendante de la question des contrôles d’identité ; dans
l’autre, parce que la cour d’appel n’a pas recherché si la différence de
traitement n’était pas justifiée par des éléments objectifs apportés
par l’administration.
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