Arrêt n°3521 du 16 janvier 2019 (17-86.581) - Cour de cassation - Chambre criminelle - ECLI:FR:CCASS:2019:CR03521
Action civile
Cassation partielle
Sommaire :
Les dispositions des articles L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale permettant aux caisses de sécurité sociale d’obtenir la répétition des sommes indûment versées aux professionnels de santé en cas d’inobservation des règles de tarification ou de facturation, ou bien en cas de facturation d’actes non effectués ou de prestations et produits non délivrés, ne font pas obstacle à ce que ces organismes exercent, en application de l’article 3 du code de procédure pénale, l’action en réparation du préjudice résultant d’une infraction qu’ils ont subi.
Demandeur : M. A... Z....
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Z...
a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef susvisé ;
qu’il était pour l’essentiel reproché au prévenu, en sa qualité
d’infirmier libéral, au préjudice de la caisse primaire d’assurance
maladie (CPAM) Roubaix-Tourcoing et du régime social des indépendants (RSI),
d’avoir obtenu le versement de sommes indues, en facturant des actes
sans prescription médicale, disproportionnés ou fictifs, ou bien en
obtenant par pression ou menace de fausses prescriptions médicales ou en
utilisant la carte vitale de personnes de son entourage à leur insu ;
que, par jugement en date du 21 octobre 2016, le tribunal a déclaré le
prévenu coupable des faits poursuivis ; que M. Z... puis le ministère public, la CPAM et le RSI ont relevé appel de la décision ;
En cet état ;
Sur
premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3,
313-1 du code pénal, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut
de motifs et manque de base légale ;
Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n’est pas de nature à être admis ;
Sur
le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles
313-1 du code pénal, L. 133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité
sociale, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs
et manque de base légale ;
"en ce que l’arrêt attaqué a déclaré un professionnel de santé, M. Z... , responsable du préjudice subi par deux organismes sociaux, la CPAM de Roubaix-Tourcoing et la caisse RSI
des professions libérales, parties civiles, et l’a condamné à leur
verser des sommes en réparation de leur préjudice de désorganisation et
de leur préjudice financier résultant des faits commis à leur encontre ;
"aux
motifs qu’il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce
qu’il avait déclaré recevables les constitutions de parties civiles de
la caisse primaire d’assurance maladie Roubaix-Tourcoing et du régime social des indépendants, déclaré M. Z...
responsable de leurs préjudices et fait droit à leurs demandes de
dommages et intérêt justifiées dans leur principe et leurs montants ;
"alors
que l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction
ne peut être exercée devant la juridiction pénale en même temps que
l’action publique que pour les chefs de dommages découlant des faits qui
sont l’objet de la poursuite ; qu’est seule recevable l’action engagée
selon la procédure de recouvrement de l’article L. 133-4 du code de la
sécurité sociale par un organisme de prise en charge lorsque la demande
de ce dernier porte exclusivement sur le remboursement de prestations
indues en raison de l’inobservation des règles de tarification ou de
facturation des actes imposées au professionnel de santé, que celles-ci
résultent d’une simple erreur ou d’une faute délibérée ; que la
juridiction répressive ne pouvait condamner le prévenu à verser aux
caisses des dommages et intérêts en réparation du préjudice de
désorganisation et du préjudice financier découlant des différentes
anomalies de facturation d’actes, de prestations et de produits imputées
au prévenu quand il résultait de ses constatations que le litige
portait exclusivement sur le remboursement d’indus en raison de
l’inobservation par un infirmier libéral des règles de tarification ou
de facturation et que les caisses de sécurité sociale demandaient en
réalité ce remboursement sur le fondement de l’article 1382 du code
civil ;
"alors que tout jugement ou arrêt
doit contenir les motifs propres à le justifier et que l’insuffisance
des motifs équivaut à leur absence ; que n’a pas satisfait pas à cette
exigence et n’a pas mis le juge de cassation en mesure d’exercer son
contrôle sur la légalité de la décision attaquée, la cour d’appel qui
s’est abstenue de préciser quels étaient, parmi les faits constitutifs
de l’infraction d’escroquerie imputée au prévenu, ceux qui avaient causé
aux parties civiles des préjudices ouvrant droit à réparation" ;
Attendu que pour condamner le demandeur à payer à la CPAM
les sommes de 33 639,89 euros en réparation du préjudice de
désorganisation et de 451 246,93 euros en réparation du préjudice
financier, et au RSI les sommes de 800
euros en réparation du préjudice de désorganisation et de 16 186,95
euros en réparation du préjudice financier, l’arrêt énonce, par motifs
adoptés, qu’au vu des éléments du dossier, il convient de faire droit à
l’intégralité des demandes présentées par les parties civiles ;
Attendu
qu’en statuant ainsi, et dès lors que les dispositions des articles L.
133-4 et R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale permettant aux
caisses de sécurité sociale d’obtenir la répétition des sommes indûment
versées aux professionnels de santé en cas d’inobservation des règles de
tarification ou de facturation, ou bien en cas de facturation d’actes
non effectués ou de prestations et produits non délivrés, ne font pas
obstacle à ce que ces organismes exercent, en application de l’article 3
du code de procédure pénale, l’action en réparation du préjudice qu’ils
ont subi, la cour d’appel, qui a évalué la réparation des préjudices
résultant pour les parties civiles de l’infraction en usant de son
pouvoir d’apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des
parties, l’indemnité propre à réparer le dommage né de l’infraction, a
justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais
sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles
131-21 et 313-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs et manque de base légale ;
"en
ce que l’arrêt attaqué a ordonné la confiscation de deux biens
immobiliers saisis à l’encontre du prévenu à titre de peine
complémentaire ;
"alors que la peine
complémentaire de confiscation est encourue par une personne reconnue
coupable du délit d’escroquerie sur un bien mobilier ou immobilier
répondant aux exigences de l’article 131-21 du code pénal ; que la cour
d’appel ne pouvait ordonner la confiscation des deux biens immobiliers
saisis à l’encontre du prévenu déclaré coupable du délit d’escroquerie
sans vérifier qu’ils remplissaient les conditions prévues par la loi ;
Vu les articles 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu
qu’en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit
motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la
personnalité et de la situation personnelle de son auteur ;
Que,
hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur,
porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit de
l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le
caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de
l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet
examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du
patrimoine ;
Qu’il incombe en
conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être
assuré de son caractère confiscable en application des conditions
légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le
fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la
nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de
propriété du prévenu ;
Attendu que pour
prononcer la confiscation d’un immeuble à usage de commerce et
d’habitation situé à Roubaix et d’une maison à usage d’habitation située
à Comines, l’arrêt retient qu’il y a lieu d’ordonner à l’encontre de M.
Z... la confiscation des deux biens
immobiliers saisis à titre de peine complémentaire, en application de
l’article 131-21 du code pénal ;
Mais
attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs qui ne précisent pas à
quel titre le bien a été confisqué, la cour d’appel, qui ne met pas la
Cour de cassation en mesure de s’assurer que les exigences de motivation
rappelées ci-dessus ont été respectées, n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens de cassation proposés :
CASSE
et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Douai, en date du 28
août 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux peines ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE
la cause et les parties devant la cour d’appel de Douai, autrement
composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du
conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Président : M. Soulard
Rapporteur : M. Ascensi, conseiller référendaire
Avocat général : M. Valat
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Foussard et Froger
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