Arrêt n°421 du 2 avril 2019 (18-81.917) - Cour de cassation - Chambre criminelle
- ECLI:FR:CCASS:2019:CR00421
Action civile
Rejet
Sommaire :
L’arrêt qui caractérise un préjudice d’affection causé par les conséquences pathologiques du deuil, distinct du préjudice résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique consécutive au décès d’un frère, réparé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, n’indemnise pas deux fois le même préjudice.
Demandeur(s) : Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)
Sur le moyen unique de
cassation, pris de la violation du principe de réparation intégrale sans
perte ni profit pour la victime, ensemble les articles 591 et 593 du
code de procédure pénale ;
“en ce que la cour d’appel, dont l’arrêt a été déclaré opposable au Fonds de garantie, a confirmé le jugement entrepris en tant qu’il a condamné M. X... à payer à Mme Y... la somme de 28 976,50 euros au titre du préjudice extra-patrimonial ;
“aux motifs propres que le jugement querellé sera encore confirmé, s’agissant des diverses sommes exactement allouées, au terme d’une juste appréciation des éléments de la cause, et au vu des pièces justificatives régulièrement versées aux débats, tant à Mme Z... Y..., à hauteur de 600 euros (préjudice patrimonial), 28 976,50 euros (préjudice extra-patrimonial), et 1 500 euros (au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale), étant en effet nécessaires mais toutefois suffisantes pour lui assurer la réparation des entiers postes des préjudices qu’elle établit précisément avoir subis, qu’à M. Y... et Mme A... B..., épouse Y..., à concurrence, pour chacun d’entre eux, de la somme 1 500 euros, au titre du même article 475-1 dudit code, après leur avoir décerné acte de qu’ils ne présentaient, quant à eux, aucune demande d’indemnisation de leur préjudice ; que, en effet, et s’agissant tout particulièrement de l’indemnisation des postes des préjudices patrimonial et extra-patrimonial soufferts par Mme Z... Y..., que ceux-ci sont globalement incontestés, d’ailleurs non sérieusement contestables, et, au demeurant, dûment justifiés par les productions, à l’exception, de première part, du quantum de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, sollicitée par l’intéressée à hauteur de la somme de 30 euros par jour, au lieu de celle de 23 euros, apparaissant toutefois avoir été à juste titre retenue, dans cette mesure, par le tribunal, de deuxième part, de la réparation du pretium doloris, sollicitée à concurrence de 7 000 euros au lieu de 6 000 euros, mais non moins justement arbitrée par le tribunal à cette dernière somme de 6 000 euros, et, de troisième part, du principe même de la réparation de son préjudice d’affection, par ailleurs remise en cause par le FGAO, au motif que celle-ci serait déjà prise en compte au titre de l’indemnisation du pretium doloris, intégrant le préjudice physique et moral, ainsi que du déficit fonctionnel permanent, sans qu’un tel moyen de contestation puisse toutefois prospérer en l’espèce, où, indépendamment même des souffrances endurées par Mme Z... Y..., et certes réparées au titre de l’indemnisation du poste de préjudice, tant physique que moral, constitué par le pretium doloris subi, outre de cet autre poste de préjudice consistant dans le déficit fonctionnel permanent souffert, et ce, ensemble, en raison du deuil, décrit, à dire d’experts, comme pathologique, de son frère intéressée n’en reste pas moins, dans le principe, parfaitement fondée à prétendre en outre l’indemnisation de son préjudice d’affection, demeurant, au cas d’espèce, totalement distinct des précédents, et ce, à hauteur de la somme de 9 000 euros, par ailleurs allouée à bon escient par les premiers juges ;
“et aux motifs réputés adoptés que la souffrance est caractérisée par le traumatisme initial, les traitements subis, la souffrance morale ; que cotée à 3/7, elle sera réparée par l’allocation de la somme de 6 000 euros ; que le déficit fonctionnel permanent a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence ; qu’il a été évalué à 6 % par l’expert ; que la victime étant âgée de 26 ans lors de la consolidation de son état, intervenue le [...] 2014, il lui sera alloué une indemnité calculée sur la base de 1925 euros du point, soit une somme totale de 11 550 euros ; que, s’agissant du préjudice d’affection, le préjudice propre subi par Mme Z... Y..., tel qu’évalué ci-dessus, est distinct du préjudice d’affection que toute personne subi à la suite du décès d’un proche ; qu’au vu des liens existant entre Mme Z... Y... et le défunt il convient de lui allouer une somme de 9 000 euros ;
“1°) alors que le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans les postes des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, quelle que soit l’origine desdites souffrances ; qu’en conséquence, c’est à ce titre exclusivement, que le retentissement pathologique du deuil des proches de la personne décédée peut être indemnisé lorsqu’il se manifeste par une dépression réactionnelle justifiant une réparation des victimes par ricochet à ce titre ; que la cour d’appel ne pouvait dès lors retenir que Mme Y... pouvait cumuler une somme au titre de son préjudice d’affection avec celles allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ;
“2°) alors que si le juge peut
allouer à la victime par ricochet une somme au titre du préjudice
d’affection en plus de celles déjà allouées au titre des souffrances
endurées et du déficit fonctionnel permanent, c’est à la condition de
caractériser une atteinte qui n’est pas déjà réparée au titre de ces
postes de préjudice ; que la cour d’appel ne pouvait dès lors pas
allouer à Mme Y... la somme de 9 000 euros au titre d’un préjudice
d’affection, sans dire en quoi ce préjudice était distinct de celui
réparé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel
permanent « en raison du deuil, décrit, à dire d’experts, comme
pathologique” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué,
du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure, que le 3 novembre
2013, C... Y... qui circulait à moto, a été percuté par un véhicule
conduit par M. X..., lequel a pris la fuite, que la victime est décédée
des suites de ses blessures et que M. X... a été poursuivi et renvoyé
devant le tribunal correctionnel, le Fonds de garantie des assurances
obligatoires de dommages ( FGAO), intervenant auprès des ayants droit de
la victime principale, compte tenu du défaut d’assurance de M. X... ;
que si un accord est intervenu entre le FGAO et M. et Mme Y..., parents
de la victime, pour l’indemnisation de leurs préjudices, Mme Z... Y...,
soeur de la victime, n’a en revanche pas accepté l’offre d’indemnisation
présentée par celui-ci sur la base d’un rapport d’expertise
psychiatrique amiable contradictoire ; que, par jugement du 11 janvier
2017, le tribunal correctionnel a déclaré M. X... coupable d’homicide
involontaire et statuant sur l’action civile, a reçu la constitution de
partie civile de Mme Z... Y..., déclaré M. X... entièrement responsable
du dommage de celle-ci et l’a notamment condamné à lui verser les sommes
de 600 euros au titre de son préjudice patrimonial et celle de 28
976,50 euros au titre du préjudice extra-patrimonial, incluant une somme
de 9 000 euros au titre du préjudice d’affection ; que le FGAO et
Mme Y... ont interjeté appel des dispositions civiles de ce jugement,
M. X... relevant appel des dispositions tant pénales que civiles ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu’il avait retenu au bénéfice de Mme Y... un préjudice au titre du pretium doloris, du déficit fonctionnel permanent et un préjudice d’affection distinct de ceux-ci, l’arrêt attaqué a prononcé par les motifs propres et réputés adoptés repris au moyen ;
Attendu qu’en prononçant ainsi et dès
lors qu’elle a caractérisé un préjudice d’affection causé par les
conséquences pathologiques du deuil, distinct du préjudice résultant de
l’atteinte à l’intégrité psychique consécutive au décès de son frère,
réparé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel
permanent, la cour d’appel n’a pas indemnisé deux fois le même préjudice
et a assuré une réparation intégrale sans perte ni profit pour la
victime ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Soulard
Rapporteur : M. Lavielle
Avocat général : M. Lemoine
Avocat(s) : société civile professionnelle DELVOLVÉ et TRICHET - société civile professionnelle L. POULET-ODENT
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