Arrêt n° 19 du 14 janvier 2021 (19-24.881) - Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2021:C300019
Contrats et obligations conventionnellesRejet
Sommaire :
Le rejet de la demande principale en nullité d’une vente pour dol dirigée contre le vendeur ne fait pas obstacle à une demande subsidiaire en responsabilité quasi-délictuelle formée contre le professionnel chargé de la commercialisation du programme d’investissement immobilier défiscalisé et en indemnisation du préjudice en résultant pour les acquéreurs demeurés propriétaires du bien.
Demandeur(s) : IFB France, société par actions simplifiée unipersonnelle
Défendeur(s) : M. G... Y... et autre(s) ;
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 27 septembre 2019), en juin 2005, M. et Mme Y... , après avoir été démarchés par la société IFB France, chargée de la commercialisation d’immeubles en l’état futur d’achèvement
réalisés à la Réunion par la société civile de construction vente Le Jardin colonial (la société Le Jardin colonial),
ont acquis, au prix de 101 500 euros, un appartement à titre
d’investissement immobilier locatif bénéficiant d’un avantage fiscal.
3.
Le bien, financé à l’aide d’un prêt, a été livré en 2007, loué à
plusieurs reprises et évalué en 2013 entre 55 000 et 65 000 euros.
4. M. et Mme Y...
ont assigné le vendeur, le démarcheur, la banque et les assureurs à
titre principal en nullité de la vente pour dol. Subsidiairement, ils
ont sollicité la réparation d’un préjudice patrimonial et moral en
raison des fautes commises par la société IFB France dans l’exécution de son obligation d’information et de conseil.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
5.
En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure
civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner
la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société IFB France fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. et Mme Y... des dommages-intérêts d’un montant de 17 000 euros au titre de la perte de chance, alors :
«
1°/ que le manquement à une obligation d’information et de conseil
cause seulement un préjudice consistant en la perte d’une chance
d’éviter le dommage tel qu’il s’est réalisé, soit de ne pas contracter
ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; qu’il s’ensuit
qu’en l’état du rejet de leur action en nullité de la vente immobilière
pour dol, M. et Mme Y...
ne pouvaient obtenir réparation du préjudice constitué par la perte
d’une chance d’effectuer un investissement immobilier locatif plus
rentable par l’acquisition d’un bien en métropole qui aurait conservé
une valeur stable sans bénéfice d’un avantage fiscal ; qu’en affirmant
que le manquement de la société IFB
à son devoir d’information et de conseil leur ouvrait droit à obtenir
réparation de leur perte de chance d’avoir réalisé un investissement
immobilier locatif plus rentable, en dépit du maintien du contrat de
vente du bien immobilier, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code
civil dans sa rédaction applicable en l’espèce ;
2°/
que l’indemnisation de la perte d’une chance est subordonnée à la
constatation de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité
favorable ; qu’en évaluant le préjudice de M. et Mme Y...
à la somme de 17 000 €, après avoir rappelé que l’existence d’un
avantage fiscal venait diminuer l’impact de la dépréciation et qu’un
bien acquis en métropole aurait conservé sa valeur sans le bénéfice d’un
tel avantage, au lieu de déterminer in concreto, dans l’hypothèse d’une
exécution satisfaisante de l’obligation d’information, sous quelle
probabilité M. et Mme Y...
auraient ou non acquis le bien, ou, dans l’affirmative, s’ils
l’auraient acquis à des conditions différentes, la cour d’appel a privé
sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil
dans sa rédaction applicable en l’espèce ;
3°/
que la détermination d’un préjudice suppose la prise en compte des
avantages que le demandeur à l’action a pu retirer de la situation
dommageable ; qu’en évaluant le préjudice de M. et Mme Y...
à la somme de 17 000 €, après avoir rappelé que l’existence d’un
avantage fiscal venait diminuer l’impact de la dépréciation et qu’un
bien acquis en métropole aurait conservé sa valeur sans le bénéfice d’un
tel avantage, sans rechercher si M. et Mme Y... ,
en conservant dans leur patrimoine la propriété d’un immeuble
susceptible de s’apprécier, n’en avaient pas retiré un avantage de
nature à venir en compensation avec l’allocation d’une indemnité
compensant la perte d’une chance de réaliser un investissement plus
rentable, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa
rédaction applicable en l’espèce, ensemble le principe de la réparation
intégrale du dommage sans perte ni profit. »
Réponse de la Cour
7.
D’une part, le rejet de la demande principale en nullité de la vente
pour dol dirigée contre le vendeur ne fait pas obstacle à une demande
subsidiaire en responsabilité quasi-délictuelle contre le professionnel
chargé de la commercialisation du programme d’investissement immobilier
défiscalisé et à l’indemnisation du préjudice en résultant pour les
acquéreurs demeurés propriétaires du bien.
8.
D’autre part, la cour d’appel a relevé que le bien acquis en 2006 au
prix de 101 500 euros avait été estimé en 2013 entre 55 000 et 65 000
euros.
9. Procédant à une comparaison
prenant en compte l’avantage fiscal attaché à un investissement
Outre-mer avec un investissement locatif immobilier qui aurait été
réalisé en métropole en conservant une valeur stable, la cour d’appel a
pu en déduire, sans avoir à rechercher quelle aurait été la décision
prise par les acquéreurs s’ils avaient été correctement informés, que M.
et Mme Y...
avaient subi une perte de chance d’avoir effectué un investissement
plus rentable, qu’elle a souverainement évaluée à la somme de 17 000
euros.
10. Enfin, la cour d’appel n’était
pas tenue d’effectuer une recherche sur l’évolution du patrimoine des
acquéreurs qui n’était pas demandée.
11. La cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Maunand, conseiller doyen
Avocat général : M. Brun
Avocat(s) : SCP Boulez - SCP Piwnica et Molinié
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