Arrêt n°584 du 27 juin 2019 (17-28.871) - Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C300584
Association syndicaleRejet
Sommaire :
Les articles 22 et 24 de la loi du 21 juin 1865 n’étant pas d’ordre public, une association syndicale libre est fondée à prévoir dans ses statuts la désignation d’un directeur non membre de l’association.
Demandeur(s) : M. A... X... ; et autres
Défendeur(s) : société B... Y...-C... Z...-D... E...-F... G..., société civile professionnelle ; et autres
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rouen,
27 septembre 2017), que la société Résonnance Diderot Hugo, appartenant
au groupe Quarante, a acquis l’immeuble du château de la Chaussade en
vue de le revendre à la découpe en offrant des produits immobiliers
défiscalisés ; que M. H..., notaire associé de la société civile
professionnelle I...-H...-Y...-Z...- E... (la SCP), a établi l’état
descriptif de division et le règlement de copropriété ; que les lots ont
été commercialisés auprès d’investisseurs au moyen d’un démarchage
effectué par des sociétés de conseil en gestion de patrimoine (CGP),
notamment les sociétés Thesaurus, Ingénierie et stratégie financière
(ISF) et J... consultants (MLNC) ; que M. H... a été chargé de rédiger
les actes de vente des lots aux investisseurs ; que les ventes des lots
se sont échelonnées entre le 31 décembre 2003 et le 28 juin 2005 ; que,
le 31 décembre 2003, les statuts de l’Association syndicale libre
Château de
la Chaussade (ASL), ayant pour objet la réalisation des travaux de
restauration, la répartition des dépenses et le recouvrement des fonds
auprès de ses membres, ont été déposés en l’étude de M. H... ; que l’ASL
a confié les travaux à la société Continentale TMO (la société CTMO),
qui les a sous-traités à la société Segment à l’exception de la
démolition, confiée à un autre sous-traitant ; que les appels de fonds
ont été versés sur un compte ouvert au nom de l’ASL par l’étude de
M. H... auprès de la Caisse des dépôts et consignations ; que seuls les
travaux de démolition ont été réalisés, les travaux de restauration
ayant été à peine commencés par le sous-traitant de la société CTMO ;
que celle-ci, qui avait encaissé environ deux tiers des fonds destinés
aux travaux, a été placée en liquidation judiciaire ; qu’à partir de
2007, de nombreux copropriétaires ont fait l’objet de redressements
fiscaux au motif que les sommes versées par ces contribuables à la
société CTMO ne correspondaient à des travaux que pour partie, seule
cette partie pouvant les faire bénéficier des déductions fiscales
prévues par l’article 31-I-1er du code général des impôts ; que M. X...
et onze autres copropriétaires (les consorts X...) ont assigné en
responsabilité la SCP et les sociétés ISF, MLNC et Thesaurus, puis les
liquidateurs des sociétés ISF et MLNC, la société Covea Risks, assureur
de la société Thesaurus, la société MMA, assureurs de M. H... ; que la
société MLNC a appelé en garantie son assureur, la société Allianz
IARD ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexés :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq autres branches :
Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes formées à l’encontre de la SCP et de son assureur, les MMA, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en se bornant à affirmer que
M. H... ne pouvait être alerté par le fait que le procès-verbal du 31
décembre 2003 mentionnait la présence de M. K... à l’assemblée générale
Château de la Chaussade, tandis qu’il signait ce même jour un acte de
vente en son étude, motif pris que M. H... n’avait aucun motif de faire
un rapprochement entre les dates de son acte et de l’assemblée générale,
sans rechercher, comme elle y était invitée, si les mentions
contradictoires de ce procès-verbal, mentionnant tout à la fois que
M. K... était présent et représenté, aurait dû attirer l’attention de
M. H... sur la fausseté de ces mentions, la cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans
sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que seul un membre de l’association syndicale libre peut exercer les fonctions de directeur de celle-ci ; que cette disposition est d’ordre public ; qu’en décidant néanmoins que M. H... n’avait pas commis de faute en exécutant les instructions données par le directeur de l’association syndicale libre Château de la Chaussade et en se départissant ainsi des fonds, bien que celui-ci n’ait pas eu la qualité de membre de l’association syndicale libre, motif pris que la disposition imposant de désigner un directeur parmi les membres de l’association n’est pas d’ordre public, la cour d’appel a violé les articles 22 et 24 de la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales ;
3°/ que seul un membre de l’association syndicale libre peut exercer les fonctions de directeur de celle-ci ; que cette disposition est d’ordre public ; qu’en décidant néanmoins que M. H... n’avait pas commis de faute en exécutant les instructions données par le directeur de l’association syndicale libre Château de la Chaussade et en se départissant ainsi des fonds, motif pris que l’association syndicale libre Château de la Chaussade ne pouvait ignorer que les directeurs successifs n’étaient pas membres de leur association, qu’ils n’étaient pas personnellement intéressés par son fonctionnement et qu’ils étaient mis à disposition par le Groupe Quarante, la cour d’appel, qui s’est prononcée par un motif inopérant, a violé les articles 22 et 24 de la loi du 21 juin 1865, relative aux associations syndicales, ensemble l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ qu’en décidant que M. H... n’avait pas commis de faute en se départissant des fonds en vertu des instructions qui lui avaient été données par le directeur de l’association syndicale libre Château de la Chaussade, désigné lors d’une assemblée générale prétendument tenue le 31 décembre 2003 et dont les mentions étaient en réalité mensongères, au motif inopérant que l’annulation de ce procès-verbal n’avait pas été sollicitée, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5°/ que le notaire est tenu de
s’assurer de la réalité et de l’étendue des pouvoirs du mandataire qui
lui donne des instructions ; qu’en décidant que M. H... était fondé à se
départir des fonds en vertu des instructions qui lui étaient données
par le directeur de l’association syndicale libre Château de la
Chaussade, prétendument désigné lors d’une assemblée générale du 31
décembre 2003, sans pour autant être tenu de vérifier la feuille
d’émargement de cette assemblée générale, de nature à faire apparaître
l’irrégularité de la désignation, la cour d’appel a violé l’article 1382
du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131
du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu’ayant relevé, procédant
à la recherche prétendument omise, que le fait que M. H... avait reçu
le même jour en son étude M. K..., parmi d’autres acquéreurs de lots,
alors que ce dernier était censé se trouver à Montpellier, avait pu
légitimement échapper au notaire qui n’avait aucun motif de faire un
rapprochement entre les dates de son acte et de l’assemblée générale,
qu’en l’absence de toute contestation, il ne pouvait être prétendu qu’il
appartenait au notaire de solliciter la feuille d’émargement de
l’assemblée générale litigieuse pour vérifier la conformité du
procès-verbal, dont il n’était apparu que bien plus tard, qu’il
contenait des indications erronées et retenu souverainement que le
notaire ne disposait d’aucun élément susceptible de lui faire soupçonner
que les mentions du procès-verbal relatives à l’assemblée générale
s’étant tenue le 31 décembre 2003 eussent été inexactes et à bon droit
que, les articles 22 et 24 de la loi du 21 juin 1865 n’étant pas d’ordre
public, l’ASL étant fondée à prévoir dans ses statuts la désignation
d’un directeur non membre de l’association, la cour d’appel a pu rejeter
les demandes des consorts X... et a légalement justifié sa décision de
ce chef ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes formées à l’encontre du liquidateur de la société ISF, de la société Allianz, de la société Thesaurus et des sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks, assureurs de la société Thesaurus, alors, selon le moyen :
1°/ que, tenu à l’égard de son
client d’une obligation de conseil et d’information, le conseil en
gestion de patrimoine doit informer ce dernier des conditions auxquelles
le succès de l’opération financière projeté est subordonné et des
risques qui découlent, notamment du point de vue fiscal, du défaut de
réalisation de ces conditions ; qu’en se bornant à énoncer, pour
débouter les investisseurs de leurs demandes en réparation de leurs
préjudices, que ces derniers ne soutenaient pas que l’objectif recherché
par le montage juridique et fiscal mis en place par les conseils en
gestion de patrimoine n’aurait pas été atteint et qu’ils n’établissaient
pas que ces derniers auraient eu, lors de la proposition et de la
souscription des investissements, des informations inquiétantes ou
préoccupantes sur les sociétés du Groupe Quarante, sans rechercher,
comme elle y était invitée, si les conseils en gestion de patrimoine
avaient informé les investisseurs des risques pouvant découler du défaut
de réalisation des conditions auxquelles l’opération était subordonnée,
s’agissant notamment de la remise en cause des avantages fiscaux liés à
l’opération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à
l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que, tenu à l’égard de son client d’une obligation de conseil et d’information, le conseil en gestion de patrimoine doit informer ce dernier de ce que l’acquisition conseillée ne garantit pas la bonne fin de l’opération, dont le succès est économiquement subordonné à la commercialisation rapide et à la réhabilitation complète de l’immeuble, ce qui constitue un aléa essentiel de l’investissement immobilier de défiscalisation ; qu’à ce titre, il doit attirer l’attention de son client sur les risques liés aux clauses et conditions du marché de travaux conclu en vue de réhabiliter l’immeuble ; qu’en déboutant les investisseurs de leurs demandes en réparation de leurs préjudices, motifs pris qu’il ne ressortait d’aucune des missions des conseils en gestion de patrimoine de vérifier le contenu des contrats signés, bien qu’ils aient été tenus d’informer les acquéreurs des risques ou anomalies que contenait le marché de travaux qui avait été conclu avec une société du Groupe Quarante en vue de la réhabilitation du Château de la Chaussade, dont ils étaient des partenaires habituels, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°/ que, tenu à l’égard de son client d’une obligation de conseil et d’information, le conseil en gestion de patrimoine doit informer ce dernier de ce que l’acquisition conseillée ne garantit pas la bonne fin de l’opération, dont le succès est économiquement subordonné à la commercialisation rapide et à la réhabilitation complète de l’immeuble, ce qui constitue un aléa essentiel de l’investissement immobilier de défiscalisation ; qu’à ce titre, il doit attirer l’attention de son client sur les risques liés aux clauses et conditions du marché de travaux conclu en vue de réhabiliter l’immeuble ; que le conseil en gestion de patrimoine, qui conseille un investissement immobilier à son client, sans avoir connaissance des clauses et conditions du marché de travaux de réhabilitation de l’immeuble, est tenu de suivre l’évolution de la réalisation des travaux, afin de s’assurer de leur bonne fin ; qu’en décidant néanmoins que les conseils en gestion de patrimoine n’étaient pas tenus de suivre l’évolution de la réalisation des travaux, réalisés au titre des investissements qu’ils avaient conseillé, alors même qu’ils n’avaient pas connaissance des clauses et conditions du marché de travaux, et notamment des conditions de versement des fonds entre les mains de l’entrepreneur, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°/ qu’il résulte de plusieurs correspondances versées aux débats par les investisseurs que les appels de fonds, qui étaient destinés à financer les travaux, leur étaient directement adressés par les conseils en gestion de patrimoine, lesquels percevaient à ce titre une commission correspondant à 10 % de chaque appel de fonds ; qu’en affirmant néanmoins qu’il résultait des pièces versées aux débats que les appels de fonds étaient effectués par l’association syndicale libre Château de la Chaussade, tandis que les conseils en gestion de patrimoine se seraient bornés à en récupérer une copie au profit de leurs clients pour leurs déclarations fiscales, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces correspondances, en violation de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;
5°/ que les documents publicitaires
peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment
précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du
cocontractant ; qu’en se bornant à affirmer que la mission de suivi de
chantier ne relève pas a priori des obligations du conseil en gestion de
patrimoine, sauf conventions particulières, dont il n’est pas démontré
en l’espèce si elles étaient conclues par M. X... ni par d’autres
investisseurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette
mission de suivi de chantier était entrée dans le champ contractuel en
raison de ce qu’elle figurait dans les documents publicitaires des
conseils en gestion de patrimoine, de manière suffisamment précise pour
avoir influé sur le consentement des investisseurs, la cour d’appel a
privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code
civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10
février 2016 ;
Mais attendu qu’ayant souverainement
retenu, par motifs adoptés, qu’il ne ressortait d’aucune des obligations
des CGP de vérifier les contrats signés après leur intervention au
titre d’opérations qu’ils avaient pu conseiller, seule l’ASL ayant
signé, en sa qualité de maître de l’ouvrage, le contrat de marché
litigieux et, par motifs propres, qu’il n’était pas établi que les
consorts X... avaient donné mission aux CGP d’assurer le suivi de
chantier et que cette mission appartenait à l’ASL et, sans dénaturation,
que c’était pas une présentation trompeuse, à l’aide de documents
tronqués par leur occultation partielle que les acquéreurs tentaient de
démontrer que les CGP effectuaient eux-mêmes des appels de fonds, alors
qu’ils ne faisaient qu’exécuter leurs obligations contractuelles
d’assistance à leurs clients pour la réalisation des déclarations
fiscales visant à opérer les déductions afférentes à l’opération
litigieuse, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des
recherches non demandées, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Burgaud, avocat général référendaire
Avocat : SCP Richard - SCP Baraduc, Duhamel et Rameix - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
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