Arrêt n°126 du 14 février 2019 (17-26.403) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2019:C300126
Architecte entrepreneur
Rejet
Sommaire :
Ayant retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’imprécision des termes de la clause G 6.3.1 des conditions générales d’un contrat d’architecte, intitulée "Responsabilité et assurance professionnelle de l’architecte", rendait nécessaire, que l’application de cette clause, qui excluait la solidarité en cas de pluralité de responsables, n’était pas limitée à la responsabilité solidaire, qu’elle ne visait "qu’en particulier", une cour d’appel en a déduit à bon droit qu’elle s’appliquait également à la responsabilité in solidum.
Demandeur(s) : société Albingia, société anonyme
Défendeur(s) : société Malmezat-Prat - Lucas-Dabadie, société d’exercice libérale à responsabilité limitée, prise en qualité de liquidateur judiciaire de l’EURL Faye ; et autres
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris,
12 mai 2017), que la société civile de construction-vente Domaine du
parc (la SCCV) a fait construire un immeuble en vue de le vendre par
lots en l’état futur d’achèvement ; qu’une assurance dommages-ouvrage a
été souscrite auprès de la société Albingia ; que sont intervenus à
cette opération, l’Eurl Faye, assurée auprès de la société Mutuelle des
architectes français (la MAF), chargée d’une mission complète de
maîtrise d’oeuvre, la société Anco, en qualité de contrôleur technique,
la société Da Mota, assurée auprès de la société Axa France, en qualité
d’entreprise générale, M. X..., assuré auprès de la société Axa France,
en qualité de sous-traitant de la société Da Mota, chargé de l’exécution
des travaux d’étanchéité, puis après le dépôt de bilan de la société Da
Mota, d’entreprise chargée par le maître de l’ouvrage des travaux
d’étanchéité, initialement compris dans le marché de l’entreprise
générale, M. Y..., assuré auprès de la société MAAF, chargé des travaux
de pose des baies vitrées, fournies par la société Menuiseries
Grégoire ; qu’en cours de chantier, des infiltrations dans les logements
en provenance des toitures-terrasses et des balcons ont été
constatées ; que la SCCV a déclaré le sinistre à la société Albingia ;
qu’après expertise, la société Albingia, subrogée dans les droits de la
SCCV, a assigné les intervenants en remboursement des sommes versées au
maître de l’ouvrage ;
Attendu que la société Albingia fait grief à l’arrêt d’infirmer le jugement en ce que les premiers juges ont, s’agissant du premier désordre, condamné in solidum l’Eurl Faye, la MAF et M. X... à payer à la société Albingia la somme de 214 716,56 euros, dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilités s’effectuera de la manière suivante : M. X... : 80 %, l’Eurl Faye : 20 %, dit que dans leur recours entre eux, les parties déclarées responsables et la MAF seront garanties dans ces proportions, s’agissant du second désordre, condamné in solidum l’Eurl Faye, la MAF, la société Anco, M. Y... et la société MAAF assurances à payer à la société Albingia la somme de 7 637,07 euros, dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s’effectuera de la manière suivante : l’Eurl Faye : 45 %, la société Anco : 45 %, M. Daniel Y..., garanti par la société MAAF assurances : 10 %, dit que dans leurs recours entre eux, les parties déclarées responsables et leurs assureurs seront garantis dans ces proportions, puis, statuant à nouveau, et après avoir déclaré recevables les demandes formées par la société Albingia contre la MAF, d’avoir, s’agissant du premier désordre, condamné la MAF à payer à la société Albingia la somme de 42 943,31 euros, condamné M. X... à payer à la société Albingia la somme de 171 773,25 euros, s’agissant du second désordre, - condamné la MAF à payer à la société Albingia la somme de 2 291,12 euros, condamné in solidum la société Anco, M. Y... et la société MAAF assurances en sa qualité d’assureur de M. Y..., à payer à la société Albingia la somme de 5 345,94 euros, dit que dans leurs recours entre eux, la somme de 5 345,94 euros se répartira à hauteur de 1/7 à la charge de la MAF, 4/7 à la charge de la société Anco et 2/7 à la charge de M. Y... et de la MAAF puis de confirmer le jugement pour le surplus, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge est tenu de ne pas
dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’aux termes de la clause G
6.3.1 des conditions générales du contrat d’architecte intitulée
« Responsabilité et assurance professionnelle de l’architecte », il
était stipulé : « L’architecte assume sa responsabilité professionnelle
telle qu’elle est définie par les lois et règlements en vigueur,
notamment les articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 2270 du code civil, dans
les limites de la mission qui lui est confiée. Il ne peut donc être tenu
responsable, de quelque manière que ce soit, et en particulier
solidairement, des dommages imputables aux actions ou omissions du
maître d’ouvrage ou des autres intervenants dans l’opération faisant
l’objet du présent contrat. L’architecte est assuré contre les
conséquences pécuniaires de sa responsabilité professionnelle auprès de
la compagnie et par le contrat désigné au CCP. Ce contrat est conforme
aux obligations d’assurance prévues par les lois n° 77-2 du 3 janvier
1977 sur l’architecture et n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la
responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction.
L’attestation d’assurance professionnelle de l’architecte est jointe au
présent contrat » ; qu’ainsi cette clause d’exclusion de solidarité
était cantonnée aux seules hypothèses dans lesquelles l’architecte
pouvait être tenu responsable « des dommages imputables aux actions ou
omissions du maître d’ouvrage ou des autres intervenants dans
l’opération faisant l’objet du présent contrat » sans viser la
condamnation in solidum prononcée par le juge à l’encontre de
l’architecte tenu lui-même pour responsable de l’entier dommage ; qu’en
énonçant que « son application n’est pas limitée à la responsabilité
solidaire, qu’elle ne vise « qu’en particulier » et qu’elle est donc
applicable également à la responsabilité in solidum comme en l’espèce »,
la cour d’appel a dénaturé la clause G 6.3.1 des conditions générales
du contrat d’architecte et a violé le principe susvisé ;
2°/ et, à titre subsidiaire, que la
clause du contrat d’architecte excluant la solidarité ne saurait avoir
pour effet d’empêcher une condamnation in solidum prononcée par le juge
entre l’architecte et les entrepreneurs ; qu’en décidant du contraire,
la cour d’appel a violé l’article 1147 ancien du code civil, devenu
l’article 1231-1 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant retenu, par une
interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’imprécision
des termes de la clause G 6.3.1 des conditions générales du contrat
d’architecte, intitulée “Responsabilité et assurance professionnelle de
l’architecte”, rendait nécessaire, que l’application de cette clause,
qui excluait la solidarité en cas de pluralité de responsables, n’était
pas limitée à la responsabilité solidaire, qu’elle ne visait “qu’en
particulier”, la cour d’appel en a déduit à bon droit qu’elle
s’appliquait également à la responsabilité in solidum ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Pronier
Avocat général : M. Brun
Avocats : SARL Cabinet Briard - SCP Boulloche - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
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