Arrêt n° 601 du 21 juin 2018 (17-15.897) - Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C300601
Construction immobilière
Rejet
Sommaire :
Ne refuse pas d’évaluer le dommage dont elle a constaté l’existence la cour d’appel qui, saisie d’une demande tendant exclusivement au paiement du coût des travaux de démolition et de reconstruction d’un immeuble, la rejette en retenant, dans les limites fixées par les conclusions des parties et dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation des modalités de la réparation, qu’il n’y a pas lieu de procéder à la destruction totale de l’immeuble et à sa reconstruction pour réparer le désordre qui affecte le seul local commercial situé au rez-de-chaussée.
Demandeur : M. Roger X... ; et autres
Défendeur : M. G. Y... ; et autres
Sur les premier et second moyens, réunis :
Attendu, selon l’arrêt attaqué
(Aix-en-Provence, 12 janvier 2017), que M. et Mme X... ont fait
construire un immeuble comprenant au rez-de-chaussée un local commercial
sous la maîtrise d’oeuvre complète de la société CJC ingénierie,
assurée par la société Les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres et la
Société mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics ; que la
mission de gros oeuvre a été confiée à M. Y..., assuré par la société
Axa France IARD ; que, l’ouvrage réceptionné ne respectant pas les
normes d’accessibilité aux personnes handicapées en raison de la
présence d’un seuil de vingt centimètres au niveau de l’entrée
principale du local commercial, M. et Mme X... et la société Nana Kfé, à
laquelle ce local avait été donné à bail, ont, après expertise, assigné
la société CJC ingénierie, M. Y... et leurs assureurs en démolition et
reconstruction totale de l’immeuble ;
Attendu que M. et Mme X... et la société Nana Kfé font grief à l’arrêt de rejeter leur demande d’indemnisation du vice affectant le local commercial, du préjudice lié à la perte de revenus locatifs et des préjudices liés à la perte du fonds de commerce, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut refuser
d’évaluer le préjudice dont il a constaté l’existence ; qu’ayant
constaté que le local commercial construit par M. Y... sous la maîtrise
d’oeuvre de la société CJC Ingénierie était impropre à sa destination,
la cour d’appel a refusé d’accorder à M. et Mme X... une quelconque
indemnisation au titre de ce vice affectant leur construction aux motifs
que ces derniers ont exclusivement sollicité la démolition et la
reconstruction de l’ouvrage, que cette solution n’est pas envisagée par
l’expert et qu’ils ne démontrent pas que les deux solutions retenues par
l’expert sont impraticables ; qu’en refusant d’évaluer et de réparer le
préjudice de M. et Mme X... dont elle a pourtant constaté l’existence,
la cour d’appel a violé l’article 4 du code civil ;
2°/ que, saisi d’une demande en réparation d’un dommage dont il a constaté l’existence, le juge est tenu de procéder à son évaluation selon la méthode qui lui parait la plus appropriée ; qu’en refusant d’allouer à M. et Mme X... une quelconque indemnisation pour réparer les dommages liés au vice affectant leur local commercial dont elle a pourtant constaté qu’il est impropre à sa destination, aux motifs inopérants que leur demande de démolition et de reconstruction n’est pas fondée, quand il lui appartenait de procéder à l’évaluation de ces dommages selon la méthode qui lui apparaissait la plus appropriée, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ;
3°/ que, en refusant d’indemniser M. et Mme X... de leur demande de préjudice lié à leur perte de loyers après avoir pourtant constaté que le local commercial donné à bail à la société Nana Kfé était impropre à sa destination, ce dont il résultait nécessairement une perte de loyers, la cour d’appel a violé l’article 4 du code civil ;
4°/ que la cour d’appel a constaté que le local commercial loué par la société Nana Kfé était impropre à sa destination puisqu’il était affecté d’un vice lié au fait qu’il ne respectait pas les normes d’accessibilité aux personnes handicapées ; qu’il s’évince de ces constatations que, contrainte de cesser son activité au cours des travaux propres à remédier à ce vice, la société Nana Kfé sollicitait une somme de 200 000 euros en indemnisation de son préjudice ; qu’en se bornant à énoncer qu’il n’y a pas lieu de recevoir la demande d’indemnisation de la société Nana Kfé sans donner aucun motif à sa décision, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que, saisi d’une demande de réparation, il appartient au juge d’évaluer le montant d’un dommage dont il a constaté l’existence en son principe ; que la société Nana Kfé sollicitait l’allocation d’une somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice lié à l’obligation de cesser son activité à cause du vice affectant son local commercial ; qu’après avoir constaté que le local commercial loué par la société Nana Kfé était impropre à sa destination, la cour d’appel a néanmoins considéré qu’il n’y avait pas lieu de recevoir sa demande d’indemnisation ; qu’en refusant d’évaluer le préjudice de la société Nana Kfé dont elle a néanmoins constaté l’existence, la cour d’appel a violé les articles 4 et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant, par motifs
propres et adoptés, constaté que l’expert avait, pour remédier aux
désordres, préconisé non pas la démolition et la reconstruction de
l’immeuble dans son entier mais deux solutions alternatives, consistant,
la première, dans l’aménagement du trottoir, sous réserve d’obtenir
l’autorisation de la commune, et la seconde, dans l’abaissement du
plancher du local commercial, et retenu souverainement que M. et
Mme X... ne démontraient pas avoir effectué des démarches auprès de la
mairie pour obtenir l’autorisation d’aménager le trottoir ni s’être
heurtés à un refus de celle-ci et n’établissaient pas plus que
l’abaissement du plancher préconisé dans la seconde option aurait rendu
impraticables l’accès et l’usage de la pièce située au sous-sol ni que
cette modification eût été refusée par les services d’urbanisme, la cour
d’appel, qui était tenue par les conclusions des parties et devait
statuer dans les limites ainsi fixées et qui, par une décision motivée,
a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des modalités
de la réparation des désordres, retenu qu’il n’y avait pas lieu de
procéder à la destruction totale de l’immeuble et à sa reconstruction
pour réparer le défaut de conformité qui affectait le seul local
commercial, en a exactement déduit, sans refuser d’évaluer un dommage
dont elle avait constaté l’existence en son principe, que devaient être
rejetées les demandes de M. et Mme X... et de la société Nana Kfé qui
tendaient exclusivement au paiement du coût des travaux de démolition et
de reconstruction de l’immeuble, ainsi que de la perte de revenus
locatifs et du fonds de commerce en raison de la cessation complète
d’activité pendant la période de réalisation de ces travaux ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Jacques
Avocat général : M. Charpenel, premier avocat général
Avocats : Me Le Prado - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
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