Arrêt n°1116 du 20 décembre 2018 (17-27.814) - Cour de cassation - Troisième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C301116
Urbanisme
Rejet
Sommaire :
Il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l’urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l’enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d’enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause. Doit dès lors être accueillie la demande de rétractation d’une ordonnance ayant donné force exécutoire à une transaction enregistrée plus d’un mois après sa conclusion.
Demandeur(s) : société Financière Saxe, société à responsabilité limitée
Défendeur(s) : société March promotion construction vente, société à responsabilité limitée
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué
(Grenoble, 3 octobre 2017), que,
la société March promotion construction vente (la société March) ayant
obtenu un permis de construire deux bâtiments comprenant plusieurs
logements, la société Simpic, propriétaire d’une parcelle voisine, a
demandé au juge administratif l’annulation de ce permis ; que, les 4 et
22 septembre 2014, la société March a conclu avec la société Simpic et
son gestionnaire de patrimoine, la société Financière Saxe, une
transaction qui, en contrepartie du désistement du recours pour excès de
pouvoir, prévoyait à la charge de la société March le nettoyage des
vitres de la maison située sur le terrain appartenant à la société
Simpic, la plantation d’un mur végétal et le paiement de la somme de 12
000 euros ; que, sur requête des sociétés Simpic et Financière Saxe, le
président du tribunal de grande instance a, par ordonnance du 5 août
2016, conféré force exécutoire à la transaction ; que la société March a
assigné les sociétés Simpic et Financière Saxe en rétractation de cette
ordonnance ;
Attendu que la société Financière Saxe fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le délai d’enregistrement
d’un mois à compter de sa date d’une transaction prévoyant en
contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un
avantage en nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir
formé contre un permis de construire, prévu par les articles 635, 1, 9°
du code général des impôts et L. 600-8 du code de l’urbanisme, n’est pas
une condition de validité de la transaction ; qu’en conséquence, le
juge saisi d’une requête tendant à l’homologation d’une telle
transaction est tenu de lui conférer force exécutoire dès lors qu’il
constate que la transaction a été enregistrée à la date où il statue,
peu important le non-respect du délai d’un mois ; qu’en refusant
l’homologation du protocole transactionnel conclu entre les parties les 4
et 22 septembre 2016, tout en constatant que celui-ci avait été
enregistré le 24 mai 2016, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, a violé l’article L. 600-8,
alinéa 2, du code de l’urbanisme ;
2°/ que, la cause de la contrepartie prévue par une transaction visée par l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme réside dans le désistement du requérant ; que cette contrepartie ne peut dès lors être réputée sans cause une fois que le requérant s’est désisté de son recours et qu’il n’est plus recevable à former un nouveau recours contre le permis de construire litigieux ; qu’en refusant d’homologuer la transaction, tout en constatant que la société Simpic s’était désistée de sa requête et qu’il lui en avait été donné acte par le juge administratif par ordonnance du 5 novembre 2016, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme ;
Mais attendu qu’il ressort de la combinaison des articles L. 600-8 du code de l’urbanisme et 635, 1, 9° du code général des impôts que la formalité de l’enregistrement doit être accomplie dans le mois de la date de la transaction et que, à défaut d’enregistrement dans ce délai, la contrepartie prévue par la transaction non enregistrée est réputée sans cause ;
Que considérer que le délai d’un mois est dépourvu de sanction et admettre ainsi qu’une transaction ne pourrait être révélée que tardivement serait en contradiction avec l’objectif de moralisation et de transparence poursuivi par le législateur ;
Que ce délai d’enregistrement est un délai de rigueur qui ne peut être prorogé et dont l’inobservation entraîne l’application de la sanction légale, quel que soit le motif du retard ;
Que, si la transaction ne peut être considérée comme dépourvue de cause dès lors que l’obligation de l’autre partie a existé au moment de la formation du contrat et a été exécutée, la référence à l’absence de cause ne renvoie pas à la notion de cause au sens du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, mais signifie que la transaction est tenue par le législateur pour illégale et que les sommes perçues en exécution de cette transaction sont indues ;
Que l’article 80, IV, 9°, de la loi
n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de
l’aménagement et du numérique, qui, modifiant l’alinéa 2 de l’article L.
600-8 du code de l’urbanisme, précise que la contrepartie est réputée
sans cause dès lors que la transaction n’a pas été enregistrée dans le
délai d’un mois prévu à l’article 635 du code général des impôts, a un
caractère interprétatif, dès lors qu’il se borne à reconnaître sans rien
innover un état de droit préexistant, et conforte cette solution ;
Attendu que la cour d’appel, qui a
constaté que la transaction conclue les 4 et 22 septembre 2014 n’avait
été enregistrée que le 24 mai 2016, en a exactement déduit que la
société March était fondée en sa demande de rétractation de l’ordonnance
lui ayant donné force exécutoire ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi
Président : M. Chauvin
Rapporteur : M. Jacques
Avocat général : M. Kapella
Avocats : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel - SCP Foussard et Froger
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