Arrêt n° 573 du 30 septembre 2020 (19-17.796) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100573
FiliationRejet
Sommaire :
Si un jugement supplétif régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, est réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de l’enfant à la date de sa naissance, cette filiation n’emporte des effets utiles en matière de nationalité, pour les enfants nés hors mariage, que dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l’article 311-25 du code civil et du 6° du paragraphe II de l’article 20 de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation.
Or, il résulte de ces dispositions combinées que si l’indication de la mère dans l’acte de naissance d’un enfant né hors mariage avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 4 juillet 2005, le 1er juillet 2006, établit la filiation à son égard, elle est sans effet sur la nationalité de l’enfant majeur à cette date.
Dès lors, le jugement supplétif d’acte de l’état civil et l’acte de naissance désignant la mère sont sans incidence sur la nationalité de la fille, née hors mariage et majeure au 1er juillet 2006, en l’absence de reconnaissance maternelle.
Demandeur(s) : Mme E... K...
Défendeur(s) : procureur général près la cour d’appel de Rennes
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2018), aux termes de son acte de naissance, Mme K... est née le [...] à Grand-Bassam (Côte d’Ivoire) de M. K... et de Mme A... ,
cette dernière étant de nationalité française. Invoquant un jugement
supplétif rendu le 25 juillet 2005 par le tribunal de première instance
de Grand-Bassam, elle a, par acte du 17 juillet 2014, assigné le
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes
afin d’obtenir la transcription de son acte de naissance et de son acte
de mariage sur les registres français de l’état civil.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. Mme K...
fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de transcription, sur les
registres de l’état civil français, de son acte supplétif de naissance,
alors :
« 1°/ que l’acte d’état civil
étranger, établi conformément à la loi de l’Etat où il a été dressé,
fait foi sauf s’il est irrégulier, falsifié ou mensonger ; qu’en
écartant l’acte supplétif sans constater préalablement qu’il était
irrégulier, falsifié ou mensonger, les juges du fond, qui se sont
affranchis des conditions du texte, ont violé l’article 47 du code civil
;
2°/ que, selon les propres
constatations de l’arrêt, l’exigence d’une reconnaissance n’est requise
par la loi ivoirienne qu’en l’absence d’acte de naissance ; qu’en
l’espèce, un acte de naissance a été produit ; qu’en exigeant une
reconnaissance hors des cas où elle était imposée par la loi ivoirienne
selon les constatations mêmes de l’arrêt attaqué, les juges du fond ont
de nouveau violé l’article 47 du code civil ;
3°/
que la circonstance que la mère n’ait pas été appelée à la procédure
gracieuse portée devant le tribunal de première instance de Grand-Bassam
ne peut être révélatrice d’une atteinte à l’ordre public international,
dès lors notamment qu’en matière gracieuse et dans l’ordre interne, la
requête ayant été présentée, la loi laisse aux juges la faculté
d’appeler ou d’entendre les personnes dont les intérêts sont
susceptibles d’être affectés par cette décision ; qu’en décidant le
contraire, les juges du fond ont violé l’article 3 du code civil et les
principes du droit international privé en tant qu’ils concernent l’ordre
public international ;
4°/ que, de la même manière l’absence de Mme K...
à la procédure gracieuse ne pouvait pas davantage être regardée comme
contraire à l’ordre public international et ce, pour la même raison ;
qu’à cet égard l’arrêt a été rendu en violation de 3 du code civil et
les principes du droit international privé en tant qu’ils concernent
l’ordre public international ;
5°/ qu’en toute hypothèse, seule Mme K...
avait de toute façon qualité et intérêt pour se prévaloir de ce que,
devant le juge étranger et dans le cadre de la procédure gracieuse, elle
n’a pas été appelée ou entendue ; qu’à cet égard, l’arrêt attaqué doit
être censuré pour violation de l’article 3 du code civil et les
principes du droit international privé en tant qu’ils concernent l’ordre
public international. »
Réponse de la Cour
3.
En application de l’article 311-14 du code civil, la filiation est
régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de
l’enfant.
4. Si un jugement supplétif
régulier, quelle que soit la date à laquelle il est prononcé, est
réputé, en raison de son caractère déclaratif, établir la filiation de
l’enfant à la date de sa naissance (1re Civ., 17 décembre 2010, pourvoi
n° 09-13.957, Bull. 2010, I, n° 272), cette filiation n’emporte des
effets utiles en matière de nationalité, pour les enfants nés hors
mariage, que dans les conditions prévues par les dispositions combinées
de l’article 311-25 du code civil et du 6° du paragraphe II de l’article
20 de l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la
filiation.
5. Il résulte de ces
dispositions combinées que si l’indication de la mère dans l’acte de
naissance d’un enfant né hors mariage avant l’entrée en vigueur de
l’ordonnance du 4 juillet 2005, le 1er juillet 2006, établit la
filiation à son égard, elle est sans effet sur la nationalité de
l’enfant majeur à cette date.
6. La cour d’appel ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que Mme A... n’avait jamais reconnu Mme K... ,
née hors mariage, il en résulte que le jugement supplétif d’acte de
l’état civil et l’acte de naissance la désignant comme mère étaient sans
incidence sur la nationalité de Mme K... ,
majeure au 1er juillet 2006, de sorte que son acte de naissance ne
pouvait être transcrit sur les registres français de l’état civil.
7.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les
conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de
procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Le Cotty
Avocat général : Mme Caron-Déglise
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