Arrêt n° 525 du 9 septembre 2020 (19-11.882) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100525
Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelleCassation partielle sans renvoi
Sommaire :
La responsabilité de l’exploitant d’un magasin dont l’entrée est libre ne peut être engagée, à l’égard de la victime d’une chute survenue dans ce magasin et dont une chose inerte serait à l’origine, que sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil, à charge pour la victime de démontrer que cette chose, placée dans une position anormale ou en mauvais état, a été l’instrument du dommage.
Dès lors, encourt la cassation l’arrêt qui, pour accueillir la demande indemnitaire formée par une cliente ayant trébuché sur un panneau publicitaire, énonce que, conformément à l’article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la consommation, l’exploitant d’un tel magasin est débiteur d’une obligation générale de sécurité de résultat.
Demandeur(s) : La société Carrefour hypermarchés ; et autres
Défendeur(s) : la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire ; et autres
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 11 décembre 2018), Mme P... a été victime d’une chute au sein d’un magasin exploité par la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), après avoir trébuché sur un panneau publicitaire métallique.
2. Elle a obtenu en référé la désignation d’un expert, puis a assigné en responsabilité et indemnisation la société Carrefour, ainsi que son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, et mis en cause la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire (la CPAM), qui a demandé le remboursement de ses débours.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Carrefour et son assureur font grief à l’arrêt de les condamner solidairement à payer différentes sommes à Mme P... en réparation de son préjudice corporel et à la CPAM au titre de ses débours, alors « que l’arrêt a constaté, en fait, que Mme P... s’était fracturé le poignet en trébuchant sur un panneau publicitaire métallique dans l’hypermarché Carrefour de Mably
; que la responsabilité de l’exploitant d’un magasin en libre-service
ne peut être recherchée, par une personne ayant fait une chute dans le
magasin, que sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle et
non sur celui de l’article L. 221-1, devenu l’article L. 421-3 du code
de la consommation, ainsi que l’a indiqué l’arrêt isolé et non publié
rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 20
septembre 2017 ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a écarté la
responsabilité délictuelle de la société Carrefour hypermarchés
en l’absence de preuve du positionnement anormal du panneau ; que dès
lors, en retenant néanmoins sa responsabilité sur le fondement du
principe posé par l’arrêt du 20 septembre 2017 précité, la cour d’appel a
violé l’article L. 221-1, devenu l’article L. 421-3 du code de la
consommation, par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu
les articles 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil
et L. 221-1, alinéa 1er, devenu L. 421-3 du code de la consommation :
4.
La responsabilité de l’exploitant d’un magasin dont l’entrée est libre
ne peut être engagée, à l’égard de la victime d’une chute survenue dans
ce magasin et dont une chose inerte serait à l’origine, que sur le
fondement du premier des textes susvisés, à charge pour la victime de
démontrer que cette chose, placée dans une position anormale ou en
mauvais état, a été l’instrument du dommage.
5.
Si le second de ces textes édicte au profit des consommateurs une
obligation générale de sécurité des produits et services, il ne soumet
pas l’exploitant d’un tel magasin à une obligation de sécurité de
résultat à l’égard de la clientèle, contrairement à ce qui a été jugé
(1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.109).
6. Pour accueillir les demandes de Mme P... et de la CPAM,
après avoir estimé que la preuve du positionnement anormal du panneau
publicitaire litigieux n’était pas rapportée et en avoir déduit que la
responsabilité de la société Carrefour
ne pouvait pas être engagée sur le fondement de l’article 1384, alinéa
1er, devenu 1242, alinéa 1er, du code civil, l’arrêt énonce que,
conformément à l’article L. 221-1, devenu L. 421-3 du code de la
consommation, cette dernière est débitrice d’une obligation générale de
sécurité de résultat et que le fait que Mme P... ait été blessée suffit à retenir sa responsabilité sur ce fondement.
7. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8.
Après avis donné aux parties, conformément à l’article 1015 du code de
procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa
2, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure
civile.
9. L’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Les demandes formées par Mme P... à l’encontre de la société Carrefour,
sur le fondement de l’article L. 221-1, alinéa 1er, devenu L. 421-3 du
code de la consommation, doivent être rejetées, ainsi que la demande en
remboursement de ses débours formée par la CPAM.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette la demande formée par Mme P...
sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa
1er, du code civil, l’arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les
parties, par la cour d’appel de Lyon ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Canas, conseiller référendaire
Avocat général : M. Lavigne
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire - SCP Foussard et Froger - SCP Waquet, Farge et Hazan
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