Arrêt n° 450 du 9 septembre 2020 (19-12.573) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100450
VenteRejet
Sommaire :
Il résulte des articles L. 125-5, I et III, et R. 125-23 à R. 125-27 du code de l’environnement, dans leur rédaction applicable en la cause, que le vendeur d’un bien immobilier n’est tenu d’informer l’acquéreur de l’existence des risques visés par un plan de prévention des risques technologiques prescrit qu’après que le préfet a arrêté la liste des communes concernées, ainsi que, pour chacune d’entre elles, la liste des risques technologiques auxquels elle est exposée et des documents auxquels le vendeur peut se référer.
Demandeur(s) : M. V... R... ; et autre
Défendeur(s) : Mme P... G.. veuve M... ; et autres
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt
attaqué (Angers, 7 décembre 2018), par acte sous seing privé du 25
octobre 2007, établi avec le concours de la société AJ immobilier, aux droits de laquelle vient la société Square habitat Atlantique Vendée (l’agence immobilière), M. et Mme R...
(les acquéreurs) se sont engagés à acquérir une maison d’habitation
située sur le territoire de la commune de Saint-Crespin-sur-Moine et
appartenant à Mmes P..., L... et X... M... (les vendeurs). L’acte de vente a été reçu le 26 mars 2008 par M. U..., notaire associé au sein de la SCP D..., U... et Y..., avec la participation de M. H..., notaire associé au sein de la SCP [...], devenue la société Office notarial de l’estuaire
(les notaires). Cet acte mentionne qu’il n’existe pas de plan de
prévention des risques technologiques (PPRT) applicable à l’immeuble et
comporte, en annexe, un état des risques naturels et technologiques
établi sur la base des informations résultant d’un arrêté préfectoral du
16 février 2006.
2. Reprochant aux
vendeurs, à l’agence immobilière et aux notaires de ne pas les avoir
informés que l’élaboration d’un PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford
implanté à Saint-Crespin-sur-Moine avait été prescrite par arrêté
interpréfectoral du 25 septembre 2007, les acquéreurs les ont assignés
en résolution de la vente. Le PPRT approuvé par arrêté interpréfectoral
du 28 octobre 2013 ayant classé leur immeuble en zone d’aléa faible, ils
ont, en cours d’instance, abandonné leur demande en résolution et
sollicité le remboursement du coût de travaux, ainsi que l’allocation de
dommages-intérêts.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3.
Les acquéreurs font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes tendant à
voir condamner in solidum les vendeurs, les notaires et l’agence
immobilière à leur payer la somme de 3 593,39 euros, représentant le
montant de travaux de reprise, outre la somme de 6 500 euros à titre de
dommages-intérêts pour préjudice moral et de jouissance, alors :
«
1°/ qu’en vertu de l’article L. 125-5 du code de l’environnement, les
acquéreurs de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un
plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de
prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, sont
informés par le vendeur de l’existence des risques visés par ce plan ;
que la cour d’appel a constaté que les vendeurs avaient, par contrat du
26 mars 2008, et après signature d’un compromis du 25 octobre 2007,
vendu aux époux R...
une maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l’acte
précisant l’existence d’un plan de prévention des risques naturels
prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l’absence de plan de
prévention des risques technologiques, informations figurant sur l’état
des risques naturels et technologiques annexé à l’acte de vente ;
qu’ayant constaté l’existence d’un arrêté interpréfectoral du 25
septembre 2007 prescrivant l’élaboration d’un PPRT autour du site de la
société Nitro-Bickford
sise à Saint-Crespin- sur-Moine, « sur les parties des territoires des
communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
»
et considéré que l’obligation d’information de l’article L. 125-5 du
code de l’environnement s’imposait pour la vente litigieuse aux
acquéreurs, la cour d’appel, pour débouter ceux-ci de leurs demandes à
l’encontre des vendeurs, a relevé que ceux-ci s’étaient fait assister de
professionnels et notamment de l’agence immobilière chargée de
solliciter toutes les pièces nécessaires au dossier, de sorte qu’il
n’était ni démontré ni allégué qu’ils auraient eu connaissance du PPRT ;
qu’en statuant par des motifs insusceptibles d’exonérer les vendeurs de
leur obligation d’information à l’égard des acquéreurs prévue par
l’article L. 125-5 du code de l’environnement, la cour d’appel en a
violé les dispositions ;
2°/ que, tenus
d’éclairer les parties sur la portée et les conséquences des actes
auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc procéder à
la vérification des faits et des conditions nécessaires pour assurer
l’utilité, l’efficacité et la sécurité de ces actes et notamment
vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il
existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale
aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par
leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou
l’efficacité de l’acte qu’ils dressent, et notamment les informations
concernant les risques du site sur lequel se situe l’immeuble objet de
la vente ; que la cour d’appel a constaté, d’une part, que les vendeurs
avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d’un compromis
du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la
commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l’acte précisant l’existence d’un
plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16
février 2006 et l’absence de plan de prévention des risques
technologiques, et d’autre part, qu’un arrêté interpréfectoral du 25
septembre 2007 prescrivant l’élaboration d’un PPRT autour du site de la
société Nitro-Bickford
sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des
communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
»
et que l’obligation d’information de l’article L. 125-5 du code de
l’environnement s’imposait donc pour la vente litigieuse aux acquéreurs ;
que, pour exonérer la SCP B... D... T... U... W... Y...
de toute responsabilité, la cour d’appel a déclaré, d’une part, que les
notaires avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement
un PPRN, et non un PPRT, de sorte qu’ils n’avaient pas à faire des
recherches complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes
administratifs, aucune pièce ne montrant qu’ils avaient des raisons de
soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la
disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des
arrêts préfectoraux reconnaissant l’état de catastrophes naturelles ou
technologiques, n’était plus d’actualité, et d’autre part, que le
notaire rédacteur, implanté non loin de Saint-Crespin-sur-Moine, pouvait
certes à tout le moins connaître l’existence de l’usine Nitro-Bickford,
dont la présence n’avait toutefois pendant longtemps pas donné lieu à
un PPRT ; qu’en statuant ainsi, cependant que, tenu d’assurer
l’efficacité de l’acte qu’il dressait, le notaire avait l’obligation de
procéder à toutes recherches permettant d’actualiser la situation du
bien objet de la vente au regard des risques naturels ou technologiques y
afférents, a fortiori au regard de l’obligation d’information prévue
par l’article L. 125-5 du code de l’environnement, la cour d’appel n’a
pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé
l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à
l’ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du code civil ;
3°/
que, tenus d’éclairer les parties sur la portée et les conséquences des
actes auxquels ils prêtent leur ministère, les notaires doivent donc
procéder à la vérification des faits et des conditions nécessaires pour
assurer l’utilité, l’efficacité et la sécurité de ces actes et notamment
vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il
existe une obligation légale imposée au vendeur et une publicité légale
aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par
leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou
l’efficacité de l’acte qu’ils dressent, et notamment les informations
concernant les risques du site sur lequel se situe l’immeuble objet de
la vente ; que la cour d’appel a constaté, d’une part, que les vendeurs
avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après signature d’un compromis
du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une maison située sur la
commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l’acte précisant l’existence d’un
plan de prévention des risques naturels prescrit par arrêté du 16
février 2006 et l’absence de plan de prévention des risques
technologiques, et d’autre part, qu’un arrêté interpréfectoral du 25
septembre 2007 prescrivant l’élaboration d’un PPRT autour du site de la
société Nitro-Bickford
sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des
communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
»
et que l’obligation d’information de l’article L. 125-5 du code de
l’environnement s’imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que pour exonérer la SCP [...]
de toute responsabilité, la cour d’appel a déclaré que les notaires
avaient consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN,
et non un PPRT, de sorte qu’ils n’avaient pas à faire des recherches
complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes
administratifs, aucune pièce ne montrant qu’ils avaient des raisons de
soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la
disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des
arrêts préfectoraux reconnaissant l’état de catastrophes naturelles ou
technologiques, n’était plus d’actualité ; qu’en statuant ainsi,
cependant que le notaire avait l’obligation de procéder à toutes
recherches permettant d’actualiser la situation du bien objet de la
vente au regard des risques naturels ou technologiques y afférents, a
fortiori au regard de l’obligation d’information prévue par l’article L.
125-5 du code de l’environnement, la cour d’appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations et a violé l’article 1147 du
code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février
2016 ;
4°/ que les tiers à un contrat
sont fondés à invoquer l’exécution défectueuse de celui-ci lorsqu’elle
leur a causé un dommage ; que la cour d’appel a constaté, d’une part,
que les vendeurs avaient, par contrat du 26 mars 2008, et après
signature d’un compromis du 25 octobre 2007, vendu aux acquéreurs une
maison située sur la commune de Saint-Crespin-sur-Moine, l’acte
précisant l’existence d’un plan de prévention des risques naturels
prescrit par arrêté du 16 février 2006 et l’absence de plan de
prévention des risques technologiques, et d’autre part, qu’un arrêté
interpréfectoral du 25 septembre 2007 prescrivant l’élaboration d’un
PPRT autour du site de la société Nitro-Bickford
sise à Saint-Crespin-sur-Moine, « sur les parties des territoires des
communes de Saint Crespin sur Moine Clisson, Gétigné et Mouzillon
»
et que l’obligation d’information de l’article L. 125-5 du code de
l’environnement s’imposait donc pour la vente litigieuse aux époux R... ; que, pour exonérer l’agence immobilière, la société AJ immobilier aux droits de laquelle se trouve la Square Habitat,
de toute responsabilité, la cour d’appel a déclaré qu’elle avait
consulté le dossier communal, qui prévoyait seulement un PPRN, et non un
PPRT, de sorte qu’elle n’avait pas à faire des recherches
complémentaires, notamment en consultant le recueil des actes
administratifs, aucune pièce ne montrant qu’elle avait des raisons de
soupçonner que ce dossier, fondé sur « les informations mises à la
disposition par le préfet du département » et contenant un extrait des
arrêts préfectoraux reconnaissant l’état de catastrophes naturelles ou
technologiques, n’était plus d’actualité ; qu’en statuant ainsi, sans
rechercher si le mandat donné à l’agence immobilière d’obtenir et
solliciter toutes pièces, actes et certificats nécessaires au dossier,
auprès de toute personne publique ou privée, n’englobait pas
l’obligation de faire toutes recherches permettant d’actualiser la
situation du bien objet de la vente au regard des risques naturels ou
technologiques y afférents, la cour d’appel a privé sa décision de base
légale au regard de l’article 1382 du code civil, dans sa rédaction
antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, devenu article 1240 du
code civil. »
Réponse de la Cour
4.
L’article L. 125-5, I et III, du code de l’environnement, dans sa
rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, applicable
en la cause, dispose que :
« I.- Les acquéreurs ou
locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un
plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de
prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou
dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d’Etat, sont
informés par le vendeur ou le bailleur de l’existence des risques visés
par ce plan ou ce décret.
A cet effet, un état des
risques naturels et technologiques est établi à partir des informations
mises à disposition par le préfet. En cas de mise en vente de
l’immeuble, l’état est produit dans les conditions et selon les
modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la
construction et de l’habitation.
[...]
III.-
Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions
du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune
concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte. »
5.
Conformément aux articles R. 125-23 à R. 125-26 du même code, dans leur
rédaction applicable en la cause, l’obligation d’information instituée
par le texte précité au profit de l’acquéreur s’applique, dans chacune
des communes dont la liste est arrêtée par le préfet, pour les biens
immobiliers situés dans le périmètre mis à l’étude dans le cadre de
l’élaboration d’un PPRT prescrit, et impose au vendeur d’établir un état
des risques qui sont mentionnés dans les documents dont la liste est
arrêtée par le préfet, ainsi que dans le dossier annexé à cet arrêté.
6.
Selon l’article R. 125-27 dudit code, cette obligation est applicable à
compter du premier jour du quatrième mois suivant la publication au
recueil des actes administratifs dans le département des arrêtés prévus
au III de l’article L. 125-5 précité.
7.
Il s’ensuit que le vendeur d’un bien immobilier n’est tenu d’informer
l’acquéreur de l’existence des risques visés par un PPRT prescrit
qu’après que le préfet a arrêté la liste des communes concernées, ainsi
que, pour chacune d’entre elles, la liste des risques technologiques
auxquels elle est exposée et des documents auxquels le vendeur peut se
référer.
8. En l’espèce, l’arrêt relève
que ce n’est que par arrêté du 3 mars 2009 que le préfet de
Maine-et-Loire a fixé la liste des communes concernées par le PPRT dont
l’élaboration avait été prescrite par arrêté interpréfectoral du 25
septembre 2007, ainsi que les éléments nécessaires à l’information des
acquéreurs.
9. Il en résulte qu’au jour
de la conclusion de la promesse de vente comme au jour de la signature
de l’acte authentique, ni les vendeurs ni, par suite, l’agence
immobilière et les notaires n’étaient tenus d’informer les acquéreurs de
l’existence des risques visés par ce plan.
10.
Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux
critiqués par le moyen, la décision déférée se trouve légalement
justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Canas, conseiller référendaire
Avocat général : M. Sudre
Avocat(s) : Me Le Prado - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret - SARL Cabinet Munier-Apaire - SCP Lyon-Caen et Thiriez
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