Arrêt n°712 du 18 novembre 2020 (19-15.353) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100712
Cassation partielle
Demandeur(s) : M. K... W...
Défendeur(s) : Mme S... M... , épouse W...
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 20 février 2019), un jugement a prononcé le divorce de M. W... et de Mme M... , mariés sous le régime de la séparation de biens. Des difficultés sont nées pour le règlement de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. M. W... fait grief à l’arrêt de le condamner au paiement de la somme de 74 723,19 euros à Mme M...
au titre d’une créance entre époux, alors « que le caractère
irréfragable de la présomption de contribution aux charges du mariage,
au jour le jour, instituée par le contrat de mariage, interdit aux époux
de prouver que l’un ou l’autre d’entre eux ne se serait pas acquitté de
son obligation ; qu’il en résulte qu’un époux ne peut se prétendre
créancier de l’autre au titre du remboursement d’un emprunt bancaire
contracté pour la construction du logement familial, lequel participe de
l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage ;
qu’en statuant comme elle l’a fait, motifs pris que le caractère
irréfragable de cette clause n’interdit pas à un époux de faire la
démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés
contributives" et que si la sur-contribution est démontrée, elle a pour
effet de rendre la clause inefficace", la cour d’appel a violé l’article
214 du code civil, ensemble l’article 1537 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 214 et 1537 du code civil :
3.
Il résulte de ces textes que lorsque les juges du fond ont
souverainement estimé irréfragable la présomption résultant de ce que
les époux étaient convenus, en adoptant la séparation de biens, qu’ils
contribueraient aux charges du mariage à proportion de leurs facultés
respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le
jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seraient assujettis à
aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet aucune quittance l’un de
l’autre, un époux ne peut, au soutien d’une demande de créance, être
admis à prouver l’insuffisance de la participation de son conjoint aux
charges du mariage pas plus que l’excès de sa propre contribution.
4. Pour accueillir la demande de Mme M...
tendant à se voir reconnaître titulaire d’une créance au titre du
financement par des deniers personnels de la construction d’un immeuble
ayant constitué par la suite le domicile conjugal, et ce, sur un terrain
appartenant à son mari, après avoir relevé que le contrat de mariage
des époux prévoit qu’ils contribueront aux charges du mariage à
proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux sera réputé
avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne
seront assujettis à aucun compte entre eux ni à retirer à ce sujet
aucune quittance l’un de l’autre, l’arrêt retient, d’une part, que le
caractère irréfragable de cette clause, dont se prévaut M. W... ,
n’interdit pas à un époux de faire la démonstration de ce que sa
participation a excédé ses facultés contributives, d’autre part, que si
la sur-contribution est démontrée, elle a pour effet de rendre la clause
inefficace.
5. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. Mme M... fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que M. W...
soit condamné à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de
prestation compensatoire, alors « que la cassation de l’arrêt en ce
qu’il a condamné M. W... à payer à Mme M...
la somme de 74 723,19 euros au titre d’une créance entre époux
entraînera nécessairement la cassation, par voie de conséquence, du chef
de dispositif par lequel la cour d’appel a débouté Mme M...
de sa demande de versement d’une prestation compensatoire, dès lors que
pour statuer ainsi, la cour d’appel s’est fondée sur la créance de 74
723,19 euros dont M. W... était débiteur envers Mme M... , en application de l’article 624 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
7.
Il résulte de ce texte que la cassation s’étend à l’ensemble des
dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien
d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
8.
La cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de
conséquence du chef de dispositif de l’arrêt rejetant la demande de
prestation compensatoire de Mme M... , qui se trouve avec elle dans un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. W... au paiement de la somme de 74 723,19 euros à Mme M... au titre d’une créance entre époux et rejette la demande de prestation compensatoire de Mme M... , l’arrêt rendu le 20 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
Remet,
sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de
Montpellier ;
Condamne Mme M... aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit
que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation,
le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la
suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : M. Buat-Menard, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Marilly, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
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