Arrêt n°263 du 20 mars 2019 (18-50.005) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C100263
Conflit de juridictionsCassation partielle
Sommaire :
Il résulte de l’article 16 de la Convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition entre la France et le Maroc du 5 octobre 1957 qu’en matière civile, la décision rendue par une juridiction siégeant au Maroc a de plein droit l’autorité de chose jugée en France si elle émane d’une juridiction compétente, si les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes, si elle est, d’après la loi marocaine, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution, si elle ne contient rien de contraire à l’ordre public français et n’est pas contraire à une décision judiciaire française possédant à son égard l’autorité de la chose jugée. Selon l’article 19 de la même Convention, le juge saisi d’une demande de reconnaissance d’un jugement marocain, qui procède d’office à l’examen des conditions de sa régularité internationale, se borne à vérifier si ces conditions sont réunies.
Procède à la révision au fond du jugement, en violation de ces textes, une cour d’appel qui rejette la demande d’exequatur d’un jugement marocain ayant constaté la naissance d’un enfant et ordonné sa transcription sur les registres de l’état civil, au motif qu’il existe des doutes sérieux sur la grossesse de la femme désignée comme mère par ce jugement.
Demandeur(s) : Procureur général près la cour d’appel de Rennes
Défendeur(s) : les consorts A...
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 18 janvier 2013, M. A... , né le [...] à Tarnante Berkane (Maroc), et Mme G... , son épouse, née le [...] à Mohammedia (Maroc), tous deux de nationalité française, ont sollicité la transcription de l’acte de naissance de l’enfant L... A... , née le [...]
à Mohammedia, auprès du service central d’état civil ; que, le
procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes
s’y étant opposé, ils l’ont assigné afin d’obtenir, à titre principal,
l’exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia
du 9 octobre 2012 ordonnant la transcription de la naissance de l’enfant
L... A... comme étant née le [...] de M. M..., fils de T... A... et de Mme Q..., fille de O... G... , et, à titre subsidiaire, la transcription sur les registres de l’état civil français de l’acte de naissance de l’enfant ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis, ci-après annexés :
Attendu
que le procureur général fait grief à l’arrêt d’ordonner la
transcription partielle, sur les registres de l’état civil français, de
l’acte de naissance dressé par l’officier de l’état civil de Mohammedia,
de L... A... , née le [...] à Mohammedia de M. A... ;
Attendu
que, la cour d’appel étant saisie, à titre principal, d’une demande
d’exequatur du jugement du tribunal de première instance de Mohammedia
du 9 octobre 2012 ordonnant la transcription de l’acte de naissance de
l’enfant L... A... ,
elle devait examiner la régularité internationale de ce jugement, au
regard des conditions posées par la Convention d’aide mutuelle
judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition entre la France
et le Maroc du 5 octobre 1957, avant tout examen de la demande de
transcription de l’acte de naissance étranger sur les registres français
de l’état civil ; que le moyen, en ce qu’il invoque la violation des
articles 47 et 312 du code civil, est inopérant ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche :
Vu
les articles 16 et 19 de la Convention d’aide mutuelle judiciaire,
d’exequatur des jugements et d’extradition entre la France et le Maroc
du 5 octobre 1957 ;
Attendu qu’il résulte
du premier de ces textes qu’en matière civile, la décision rendue par
une juridiction siégeant au Maroc a de plein droit l’autorité de chose
jugée en France si elle émane d’une juridiction compétente, si les
parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées
défaillantes, si elle est, d’après la loi marocaine, passée en force de
chose jugée et susceptible d’exécution, si elle ne contient rien de
contraire à l’ordre public français et n’est pas contraire à une
décision judiciaire française possédant à son égard l’autorité de la
chose jugée ; que, selon le second, le juge saisi d’une demande de
reconnaissance d’un jugement marocain, qui procède d’office à l’examen
des conditions de sa régularité internationale, se borne à vérifier si
ces conditions sont réunies ;
Attendu
que, pour rejeter la demande d’exequatur du jugement marocain du 9
octobre 2012, l’arrêt retient qu’il existe des doutes sérieux sur la
grossesse de Mme G... , épouse A... , de sorte que la décision est contraire à l’ordre public français ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le jugement du tribunal de Mohammedia du 9 octobre 2012 constatait, après enquête, que L... était née de Mme Q... G... , sa mère, la cour d’appel, qui a procédé à la révision au fond du jugement, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident :
REJETTE le pourvoi principal ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur
Avocat général : M. Sossoust
Avocats : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer
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