Arrêt n°30 du 16 janvier 2019 (18-10.603) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C100030
DonationCassation partielle
Sommaire :
Il résulte des articles 953 et 954 du code civil que l’action en révocation d’une donation pour inexécution des charges, qui tend à la restitution du bien donné, peut être intentée par le donateur ou ses héritiers.
Viole ces textes la cour d’appel qui, après avoir constaté qu’une donation d’oeuvres d’art avait été subordonnée par leur auteur à l’absence de revente et d’exploitation à des fins commerciales de ces oeuvres, déclare irrecevable la demande de révocation pour inexécution des charges formée par sa veuve, bénéficiaire notamment de l’attribution intégrale en toute propriété des biens meubles dépendant de la communauté universelle, aux motifs que les charges relevant, par leur nature, du droit moral de l’artiste, entièrement dévolu à ses enfants, celle-ci n’avait pas qualité à agir.
Demandeur(s) : M. Y... et autre(s)
Défendeur(s) : Association L’incitation à la création et autre(s)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Simon Y...
a consenti à l’association L’Incitation à la création (IAC) une
donation portant sur quatorze de ses oeuvres, en précisant, par lettre
du 5 mars 1987 adressée au vice-président de celle-ci, que « ces oeuvres
ne pourront en aucun cas être revendues et qu’elles ne pourront être
utilisées que pour des accrochages ou des expositions à caractère non
commercial et non publicitaire » ; que Simon Y... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder son épouse, Mme X...,
bénéficiaire de l’attribution intégrale en toute propriété des biens
meubles et immeubles dépendant de la communauté universelle, ainsi que
de l’usufruit des droits patrimoniaux d’auteur, et ses cinq enfants
issus de leur union, Daniel, Jean-Marc , André, Pierre et Anna (les consorts Y... ),
qui ont reçu la nue-propriété de ces droits et le droit moral ;
qu’ayant découvert, en novembre 2012, que l’oeuvre « [...] », incluse
dans cette donation, allait faire l’objet d’une vente aux enchères
publiques à la requête de la société Total lubrifiants, et que le
débiteur saisi n’était pas l’association IAC mais M. A... , son président depuis 1988, Mme X... a fait procéder, avant la vente, à une saisie-revendication, puis a assigné l’association IAC, M. A...
et la société Total lubrifiants en révocation de la donation pour
inexécution fautive des charges ; que ses enfants sont intervenus
volontairement à l’instance ;
Sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi principal et les deux moyens du pourvoi incident, ci-après annexés :
Attendu
qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée
sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, qui est recevable :
Vu les articles 953 et 954 du code civil ;
Attendu
que l’action en révocation d’une donation pour inexécution des charges
peut être intentée par le donateur ou ses héritiers ;
Attendu que, pour dire que Mme X...
est dépourvue de qualité pour agir en révocation de la donation et en
conséquence déclarer irrecevables ses demandes, l’arrêt relève que
celle-ci sollicite la révocation de la donation au motif que la volonté
de son époux tenant à l’absence de revente des oeuvres ou à leur
exposition n’a pas été respectée ; qu’il énonce que ces charges
invoquées ne relèvent pas, par leur nature, de la propriété matérielle
des supports des oeuvres et ne peuvent être assimilées à des charges
grevant des donations portant sur des biens matériels, mais relèvent du
droit moral de l’artiste, peu important que l’association n’ait pas été
investie du moindre droit d’auteur ; qu’il en déduit que Mme X... agit donc afin que soit respecté le droit moral de Simon Y... , lequel a été dévolu à ses enfants ;
Qu’en
statuant ainsi, alors que la donation portait sur des biens corporels,
dont l’action en révocation pour inexécution de charges engagée par Mme X... tendait à la restitution, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que Mme X...
est dépourvue de qualité pour agir en révocation de la donation et en
conséquence déclare irrecevables ses demandes, l’arrêt rendu le 22
décembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état
où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d’appel de Paris ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Auroy
Avocat général : Mme Marilly, avocat général référendaire
Avocats : SCP Alain Bénabent , SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
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