Arrêt n°184 du 20 février 2019 (17-27.967) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C100184
ConcurrenceCassation partielle
Sommaire 1 :
L’article L. 442-6, I, 1° et 2°, du code de commerce, relatif au partenariat commercial, n’a pas vocation à s’appliquer entre un avocat et le cabinet au sein duquel il collabore, en ce qu’il n’existe pas de relation commerciale entre eux.
Sommaire 2 :
Le principe de désintéressement, qui concerne les relations entre un avocat et son client, ne peut être appliqué à la rétrocession d’honoraires ou à la collaboration entre deux avocats.
Demandeur : M. B... E...
Défendeur (s) : société Cabinet S..., société civile professionnelle d’avocats et autre(s)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 19 août 2010, M. E... , avocat inscrit au barreau d’Angers, a conclu avec la société civile professionnelle d’avocats Cabinet S...
(la SCP) un contrat de collaboration libérale auquel celle-ci a mis fin
le 26 mars 2014, à l’issue d’un préavis de trois mois ; que M. E... a saisi le bâtonnier du barreau d’Angers de diverses réclamations formées contre la SCP ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. E...
fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour
disproportion manifeste au regard du service rendu ou déséquilibre
significatif dans les droits et obligations des parties, alors, selon le
moyen, que les dispositions du livre quatrième du code de commerce et,
donc, notamment, les dispositions de l’article L. 442-6, 1° et 2°, du
code de commerce sont applicables à toutes les activités de production,
de distribution et de services ; que les dispositions de l’article L.
442-6, 1° et 2°, du code de commerce sont donc applicables aux rapports
entre des avocats liés par un contrat de collaboration ; qu’en retenant
le contraire, pour déclarer M. E...
mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer
la somme de 190 000 euros à titre de dommages-intérêts pour
disproportion manifeste au regard du service rendu ou déséquilibre
significatif dans les droits et obligations des parties et le débouter
de cette demande, la cour d’appel a violé les dispositions des articles
L. 410-1 et L. 442-6, 1° et 2°, du code de commerce ;
Mais
attendu que, le partenariat commercial visé à l’article L. 442-6, I, 1°
et 2°, du code de commerce s’entendant d’échanges commerciaux conclus
entre les parties, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que ce
texte n’avait pas vocation à s’appliquer, dès lors qu’il n’existe pas
de relation commerciale entre un avocat et le cabinet au sein duquel il
collabore ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. E...
fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour
violation de l’obligation de désintéressement de l’avocat, alors, selon
le moyen :
1°/
que l’avocat est tenu de respecter, en toutes circonstances, le
principe de désintéressement dans l’exercice de sa profession ; que ce
principe est donc applicable en matière de rétrocession d’honoraires
entre avocats et dans les rapports en des avocats liés par un contrat de
collaboration ; qu’en énonçant, par conséquent, pour déclarer M. E...
mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer
des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de
désintéressement de l’avocat et pour le débouter de cette demande, que
l’obligation de désintéressement ne concernait que la question des
honoraires entre un avocat et son client et ne pouvait être appliquée
dans le cadre de la rétrocession d’honoraires entre deux avocats ou de
la collaboration ayant existé entre M. E...
et la SCP, sauf à considérer que le contrat de collaboration conclu
entre les parties était contraire à la relation de confiance attendue
d’un avocat et de son collaborateur, ce que ne soutenait pas M. E... ,
la cour d’appel a violé les dispositions des articles 1er et 3 du
décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie
de la profession d’avocat et de l’article 1147 du code civil, dans sa
rédaction applicable à la cause ;
2°/ que les juges du fond ont l’obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en énonçant, pour déclarer M. E...
mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer
des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de
désintéressement de l’avocat et pour le débouter de cette demande, que
M. E...
n’avait pas indiqué en quoi l’obligation de désintéressement n’avait
pas été respectée par la SCP, quand, dans ses conclusions d’appel, M. E...
avait exposé en quoi l’obligation de désintéressement n’avait pas été
respectée par la SCP, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et
précis des conclusions d’appel de M. E... , en violation des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile ;
3°/
que l’avocat est tenu de respecter, en toutes circonstances, le
principe de désintéressement dans l’exercice de sa profession ; qu’en
énonçant, pour déclarer M. E...
mal fondé en sa demande tendant à la condamnation de la SCP à lui payer
des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de
désintéressement de l’avocat et pour le débouter de cette demande, que
les parties avaient conclu un contrat de collaboration écrit, qui avait
été appliqué durant plusieurs années, que M. E... ,
qui était un avocat de plein exercice, ne justifiait pas avoir agi sous
la contrainte et devait être conscient que les écrits engagent leurs
signataires, qu’il ne pouvait, dans ces conditions, être fait grief à la
SCP d’avoir respecté la lettre du contrat signé entre les parties, qui
ne prévoyait pas de révision de la rétrocession de M. E... et que M. E...
n’avait jamais, durant l’exécution du contrat, sollicité de
réévaluation ou d’ajustement de sa rémunération pour tenir compte du
chiffre d’affaires qu’il contribuait à réaliser au bénéfice de la SCP,
quand ces circonstances n’excluaient nullement que la SCP eût méconnu le
principe de désintéressement auquel elle était tenue et étaient, par
suite, inopérantes, la cour d’appel a violé les dispositions des
articles 1er et 3 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux
règles de déontologie de la profession d’avocat et de l’article 1147 du
code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais
attendu que l’arrêt énonce exactement que le principe de
désintéressement, qui concerne les relations entre un avocat et son
client, ne peut être appliqué à la rétrocession d’honoraires ou à la
collaboration entre deux avocats ; que le moyen, inopérant en sa seconde
branche qui critique des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le
surplus ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 564 du code de procédure civile, ensemble l’article 455 du même code ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande d’indemnisation formée par M. E...
pour plainte téméraire, dont la nouveauté était invoquée, l’arrêt se
borne à énoncer que cette demande est présentée pour la première fois en
cause d’appel ;
Qu’en
se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé,
si cette prétention n’était pas recevable comme étant née de la
survenance d’un événement postérieur à la décision de première instance,
la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l’article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. E...
tendant à la condamnation de la SCP à lui payer des dommages-intérêts
pour violation des obligations prévues à l’article 2.2 du règlement
intérieur national de la profession d’avocat et par l’article 5.3.1 du
règlement intérieur du barreau d’Angers, l’arrêt retient que l’exécution
de l’ordonnance autorisant la saisie, confirmé par l’arrêt rendu le 19
avril 2016 par la cour d’appel de Rennes (RG n° 15/05235), ne peut
ouvrir droit à des dommages-intérêts, sauf à démontrer, ce que ne fait
pas M. E... , qu’elle s’est déroulée dans des conditions fautives ;
Attendu,
cependant, que l’arrêt précité a fait l’objet d’une cassation partielle
en ce qu’il rejetait la demande de rétractation de l’ordonnance ayant
autorisé la saisie (1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-19.825) ;
que cette cassation entraîne, par voie de conséquence, l’annulation des
dispositions de l’arrêt attaqué s’y rattachant par un lien de dépendance
nécessaire ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par M. E...
pour plainte téméraire et en ce qu’il rejette la demande de
dommages-intérêts formée par celui-ci pour violation des obligations
prévues à l’article 2.2 du règlement intérieur national de la profession
d’avocat et par l’article 5.3.1 du règlement intérieur du barreau
d’Angers, l’arrêt rendu le 20 septembre 2017, entre les parties, par la
cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause
et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Le Gall, conseiller référendaire
Avocat général :M. Sudre
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Yves et Blaise Capron
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