Arrêt n° 150 du 7 février 2018 (17-10.338) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C100150
EtrangerCassation partielle sans renvoi
Sommaire :
Au
regard du moyen, relevé d’office, pris de ce qu’un étranger ne
peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure
diligentée du seul chef d’entrée irrégulière, en application de
la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE,
7 juin 2016, Affum, C-47/15), l’ordonnance qui prolonge une mesure
de rétention administrative intervenue à la suite d’une telle
garde à vue méconnaît la directive dite “retour”, ensemble les
articles L. 621-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers
et du droit d’asile, 63 et 67 du code de procédure pénale.
Demandeur : M. A. X...
Défendeur(s) : le préfet des Pyrénées-Orientales, et autre
Sur le moyen relevé
d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du
code de procédure civile :
Vu les articles 8 et 15
de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du
16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes
applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers
en séjour irrégulier, ensemble les articles L. 621-2 du code de
l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et 63 et 67 du
code de procédure pénale ;
Attendu que la Cour de
justice de l’Union européenne a dit pour droit (CJUE, 7 juin 2016, Affum,
C-47/15) : « 1) L’article 2, paragraphe 1, et l’article 3, point 2, de la
directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du
16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes
applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers
en séjour irrégulier, doivent être interprétés en ce sens qu’un ressortissant
d’un pays tiers se trouve en séjour irrégulier sur le territoire d’un Etat
membre et relève, à ce titre, du champ d’application de cette directive,
lorsque, sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, il
transite par cet Etat membre en tant que passager d’un autobus, en provenance
d’un autre Etat membre, faisant partie de l’espace Schengen, et à destination
d’un troisième Etat membre se trouvant en dehors de cet espace. 2) La directive
2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation
d’un Etat membre permettant du seul fait de l’entrée irrégulière par une
frontière intérieure, conduisant au séjour irrégulier, l’emprisonnement d’un
ressortissant d’un pays tiers, pour lequel la procédure de retour établie par
cette directive n’a pas encore été menée à son terme. Cette interprétation est
également valable lorsque le ressortissant concerné est susceptible d’être
repris par un autre Etat membre, en application d’un accord ou d’un arrangement
au sens de l’article 6, paragraphe 3, de ladite directive. » ;
Attendu qu’en cas de
flagrant délit, le placement en garde à vue n’est possible, en vertu des
articles 63 et 67 du code de procédure pénale, qu’à l’occasion d’enquêtes
sur les délits punis d’emprisonnement ; qu’il s’ensuit que le
ressortissant d’un pays tiers, entré en France irrégulièrement, par une
frontière intérieure à l’espace Schengen, qui n’encourt pas l’emprisonnement
prévu à l’article L. 621-2 du CESEDA dès lors que la procédure de
retour organisée par la directive 2008/115/CE n’a pas encore été menée à son
terme, ne peut être placé en garde à vue à l’occasion d’une procédure de
flagrant délit diligentée du seul chef d’entrée irrégulière ;
Attendu, selon l’ordonnance
attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel, et les pièces de
la procédure, que M. A. X…, de
nationalité colombienne, a été interpellé le 15 janvier 2016 au
Perthus, à bord d’un autobus en provenance de Murcia (Espagne) et à destination
de Paris ; qu’après avoir présenté un passeport colombien dont le visa
avait expiré, il a été placé en garde à vue pour entrée irrégulière sur le
territoire français, sur le fondement de l’article L. 621-2 du
CESEDA ; que, le même jour, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant
obligation de quitter le territoire français et a ordonné son placement en
rétention administrative ;
Attendu que, pour prolonger
cette mesure, l’ordonnance relève que M. A. X…, qui se trouvait dans l’espace Schengen
depuis novembre 2013, venait d’entrer en France sans autorisation de
séjour, muni d’un visa périmé depuis plus de deux ans et retient que le
placement de l’intéressé en garde à vue était justifié, dès lors que les
policiers disposaient d’éléments leur permettant de soupçonner que celui-ci
avait commis le délit d’entrée irrégulière sur le territoire français, lequel
est réprimé par une peine d’un an d’emprisonnement ;
Qu’en statuant ainsi alors
que l’intéressé ne pouvait être placé en garde à vue du seul chef d’entrée
irrégulière sur le territoire national, le premier président a violé les textes
susvisés ;
Vu les
articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du
code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il
y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce
qu’elle déclare l’appel recevable, l’ordonnance rendue le
22 janvier 2016, entre les parties, par le premier président de la
cour d’appel de Toulouse ;
DIT n’y avoir lieu à
renvoi ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire Avocat général : M. Sassoust
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet
Partager cette page