Arrêt n°1176 du 05 décembre 2018 (17-30.978) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C101176
Séparation des pouvoirsCassation partielle sans renvoi
Sommaire :
Constitue un excès de pouvoir l’appréciation de la possibilité ou de l’opportunité du renvoi d’un étranger vers le pays fixé par une décision administrative dont la légalité ne relève pas du juge judiciaire.
Demandeur : M. le Préfet du Pas-de-Calais
Défendeur(s) : M. Y... ; et autre(s)
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III,
ensemble les articles L. 512-1 et L. 551-1 à L. 551-3 du code de
l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel, et les pièces de la procédure, que M. Y... , devenu M. A... ,
de nationalité irakienne, en situation irrégulière sur le territoire
national, a été condamné pour des faits d’aide à l’entrée, à la
circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en
bande organisée à une peine d’emprisonnement assortie d’une interdiction
définitive du territoire français ; que le préfet a pris, le 2 octobre
2017, un arrêté fixant l’Irak comme pays de destination et, le 14
octobre, une décision de placement en rétention, dont il a sollicité la
prolongation ;
Attendu que, pour
prononcer la mainlevée de cette mesure, l’ordonnance relève que l’Irak
est depuis de nombreuses années le théâtre de conflits armés donnant
lieu à des exactions commises par des groupes armés et des attentats
répétés contre des populations civiles et retient que l’Etat irakien ne
parvient pas à assurer la sécurité des populations se trouvant sur son
territoire, notamment celle du groupe auquel M. Y...
dit appartenir, de sorte qu’en l’absence de démonstration, par les
autorités françaises, de leur capacité à le renvoyer vers ce pays sans
porter atteinte à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, son éloignement apparaît
impossible dans le temps de la rétention, même prolongée ;
Qu’en
se prononçant ainsi sur l’opportunité d’un renvoi vers l’Irak, et, par
suite, sur la légalité de la décision administrative fixant le pays de
renvoi, le premier président a excédé ses pouvoirs en violation des
textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre branche du moyen :
CASSE
ET ANNULE, sauf en ce qu’elle déclare l’appel recevable, l’ordonnance
rendue le 16 octobre 2017, entre les parties, par le premier président
de la cour d’appel de Douai ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire
Avocat Général : M. Sassoust
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
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