Arrêt n° 1153 du 5 décembre 2018 (16-13.323) - Cour de cassation - Première chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2018:C101153
Régimes matrimoniaux
Rejet
Sommaire :
Il résulte de l’article 1409 du code civil que, lorsqu’un époux contracte seul un emprunt, sans le consentement exprès de son conjoint, cette somme figure au passif de la communauté, à titre définitif ou sauf récompense, dès lors qu’il n’est pas établi que l’époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel.
Selon l’article 1524 du même code, l’époux survivant qui recueille l’intégralité de la communauté doit en acquitter toutes les dettes.
Estimant qu’une dette, contractée par le seul époux, ne l’avait pas été dans son intérêt exclusif, une cour d’appel en a déduit à bon droit que l’épouse survivante, qui recueillait l’intégralité de la communauté, était tenue de rembourser la dette entrée en communauté du chef de son conjoint.
Demandeur (s) : Mme X..., veuve Y... ; et autre
Défendeur (s) : M. Albert Z...
Sur le moyen unique :
Attendu,
selon l’arrêt attaqué (Dijon, 10 décembre 2015), que A... Y... et
Mme X..., de nationalité allemande, se sont mariés le 5 avril 1974 sous
le régime légal allemand ; que, par acte notarié du 5 mai 2006, ils ont,
au visa de l’article 15, II, n° 3, de la loi d’introduction au code
civil allemand et de l’article 6 de la Convention de la Haye du 14 mars
1978, adopté le régime de la communauté à titre universel conformément à
l’article 1526 du code civil français, pour tous leurs biens immeubles
en France, présents et à venir ; que, par un second acte du même jour,
les époux Y... ont fait donation à leur fille, Christiane, d’une
fraction indivise en nue-propriété d’un immeuble acquis par eux en 1994,
situé à Saint-Loup-Géanges ; que, suivant acte sous signature privée de
reconnaissance de dette établi à Stuttgart le 22 juillet 2011, M. Z... a
prêté à A... Y... la somme de 80 000 euros ; qu’aucun remboursement
n’étant intervenu, un jugement du tribunal de Stuttgart, le 22 février
2013, a condamné A... Y... au paiement de cette somme avec intérêts ;
que A... Y... est décédé le [...] 2013 laissant pour lui succéder son
épouse et sa fille (les consorts Y...) ; que ces dernières ont renoncé à
la succession tant en France qu’en Allemagne ; que le jugement allemand
ayant été rendu exécutoire en France, M. Z... a fait inscrire sur la
propriété de Saint-Loup-Géanges une hypothèque provisoire ; qu’il a
assigné les consorts Y... en inopposabilité pour fraude de leur
renonciation à la succession, en liquidation partage de l’indivision
successorale et de la communauté, en licitation de la propriété de
Saint-Loup-Géanges et, à titre subsidiaire, en condamnation de Mme X... à
lui payer les dettes communes ou reconnaître la faute des défenderesses
et les condamner in solidum au paiement de sa créance ;
Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. Z... une certaine somme, alors, selon le moyen, que
chacun des époux ne peut engager que ses biens propres par un
cautionnement ou un emprunt, sauf consentement exprès de son conjoint,
ce principe s’appliquant aux époux mariés sous un régime de communauté
universelle ; qu’en l’espèce, le mari ayant emprunté sans l’accord
exprès de sa conjointe une somme d’argent à un moment où il était marié
sous le régime de la communauté universelle, le créancier ayant consenti
un tel emprunt ne pouvait pas saisir les biens communs et, par
conséquent, réclamer le paiement de sa créance auprès de la femme ;
qu’en affirmant que seule une dette née avant le changement de régime
matrimonial des époux aurait pu n’engager que les biens propres et les
revenus du mari et non ses biens communs, condamnant ainsi la femme au
paiement du montant de l’emprunt, la cour d’appel a violé l’article 1415
du code civil ;
Mais attendu, d’abord, que, selon l’article 1409 du code civil, la communauté se compose passivement, à titre définitif ou sauf récompense, des dettes nées pendant la communauté et de celles résultant d’un emprunt contracté par un époux sans le consentement exprès de l’autre qui doivent figurer au passif définitif de la communauté dès lors qu’il n’est pas établi que l’époux a souscrit cet engagement dans son intérêt personnel ;
Attendu, ensuite, qu’il résulte de l’article 1524 du même code que l’attribution de la communauté entière en cas de survie oblige l’époux qui en retient la totalité d’en acquitter toutes les dettes ;
Et attendu qu’après avoir estimé, par
motif adopté, qu’il n’était pas démontré que la dette avait été
contractée dans l’intérêt exclusif de l’époux prédécédé, la cour d’appel
qui a relevé que la clause d’attribution intégrale de la communauté au
survivant avait été mise en oeuvre du fait du décès du conjoint, en a
exactement déduit que Mme X..., à laquelle était attribuée la totalité
de la communauté en pleine propriété, était tenue de la dette entrée en
communauté du chef de son conjoint ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : M. Reynis
Avocat général : M. Sassoust
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy - SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer
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