Arrêt n°55 du 17 janvier 2019 (18-10.198) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C200055
AvocatCassation
Sommaire :
Méconnaît l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 le premier président qui décide qu’un client n’avait pas accepté le principe d’un honoraire de résultat, après avoir constaté, d’une part, que l’avocat avait participé à la négociation entre le client et son adversaire pour mettre fin à leur litige, d’autre part, relevé que, par courrier électronique, le client, donnant suite à des lettres de l’avocat relatives à sa rémunération qui mentionnaient un honoraire de résultat, en avait proposé le paiement, ce dont il résultait l’existence d’une convention sur le principe d’un tel honoraire, nonobstant un désaccord sur son montant qui devait conduire le juge à l’apprécier.
Demandeur : M. Y...
Défendeur(s) : Société Le Baldaquin hôtel et autre(s)
Donne acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. et Mme A... ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu
l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle
issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article 10 de la loi n°
71-1130 du 31 décembre 1971 ;
Attendu,
selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour
d’appel, qu’en octobre 2010, la société Le Baldaquin hôtel (la société),
au sein de laquelle M. et Mme A... étaient associés, a chargé M. Y... (l’avocat) de défendre ses intérêts dans le litige qui l’opposait aux consorts E... ,
propriétaires de l’immeuble dans lequel elle exploitait son fonds de
commerce, et qui venaient de lui signifier une assignation en
référé-expulsion ; que l’avocat a fait connaître ses conditions
tarifaires pour son intervention dans le contentieux judiciaire relatif à
la résiliation du bail commercial par une lettre du 12 octobre 2010,
dans laquelle il indiquait son taux horaire et précisait, qu’en fin de
dossier, il pourrait solliciter un honoraire de résultat ; qu’il a
modifié son taux horaire par lettre du 6 juillet 2012 ; que par un
courrier électronique du 10 février 2015, la société a proposé à
l’avocat de lui verser un honoraire de résultat de 22 750 euros HT,
offre qui a été refusée, l’avocat réclamant le 1er septembre 2015 la
somme de 68 400 euros TTC ; que cette réclamation a été refusée par M.
et Mme A... par lettre du 19 octobre 2015 ; que le litige entre la société et les consorts E...
a pris fin à la suite de négociations amiables, un accord étant signé
entre les parties le 30 septembre 2015 ; que le 10 février 2016,
l’avocat a saisi le bâtonnier de son ordre afin d’obtenir la fixation
des honoraires qu’il réclamait à la société ; que, par lettre de son
conseil du 12 septembre 2016, la société a fait savoir qu’elle
maintenait sa proposition de paiement d’un honoraire de résultat de 22
750 euros et que, pour sa part, l’avocat a maintenu sa prétention à
hauteur de 68 400 euros ; que le bâtonnier a rejeté la demande au titre
de l’honoraire de résultat ;
Attendu que
pour rejeter la demande de l’avocat au titre d’un honoraire de résultat,
l’ordonnance énonce que l’honoraire de résultat doit répondre à deux
conditions, à savoir la conclusion d’une convention d’honoraires et la
facturation de diligences accomplies ; que si l’article 10 de la loi du
31 décembre 1971 n’exige pas que les modalités de fixation du complément
d’honoraires soient déterminées dans la convention des parties, il
exige néanmoins que le principe de l’honoraire de résultat soit acquis,
l’accord du client sur le principe de l’honoraire de résultat devant
être exprès et ne pouvant en tout état de cause être simplement «
explicite » ; qu’en l’espèce, si M. et Mme A...
ont envisagé de proposer le versement de la somme de 22 750 euros HT
par courriel en date du 10 février 2015, il n’en demeure pas moins
qu’ils n’ont jamais signé la moindre convention d’honoraires de résultat
avec l’avocat définissant précisément la mission qu’il lui aurait
confiée en contrepartie, étant observé que les deux courriers adressés
par l’avocat ont pour finalité de faire connaître le taux horaire qu’il
pratique dans le cadre de la seule procédure liée à la résiliation du
bail qu’il a été chargé de mener ; qu’il est constant que la
participation de l’avocat à la rédaction du protocole d’accord et à la
négociation avec le notaire des consorts E...
n’a pas fait l’objet d’une convention d’honoraires ni de diligences, ni
de résultat ; que la société n’a jamais accepté le principe de paiement
d’un honoraire de résultat ;
Qu’en
statuant ainsi, alors, d’une part, qu’il avait estimé que l’avocat avait
participé à la négociation entre la société et son bailleur pour mettre
fin à leur litige, d’autre part, relevé que, par courrier électronique
du 10 février 2015, la société, donnant suite à deux lettres de l’avocat
relatives à sa rémunération, avait proposé le paiement d’un honoraire
de résultat, ce dont il résultait l’existence d’une convention sur le
principe d’un tel honoraire, nonobstant un désaccord sur son montant qui
devait conduire le juge de l’honoraire à l’apprécier, le premier
président, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE
ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 8
novembre 2017, entre les parties, par le premier président de la cour
d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties
dans l’état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être
fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d’appel
de Paris ;
Président : M. Savatier, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Isola, conseiller référendaire
Avocat général : M. Grignon Dumoulin
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Waquet, Farge et Hazan
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