Arrêt n°54 du 17 janvier 2019 (18-10.016) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C200054
AvocatRejet
Sommaire :
En matière de fixation d’honoraires d’avocat, le premier président doit surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction compétente lorsqu’il est saisi d’une contestation sur l’existence du mandat ; mais tel n’est pas le cas lorsque la contestation porte uniquement sur l’étendue de la mission confiée à l’avocat.
Par suite, il entre dans les pouvoirs d’un premier président de déterminer si la mission confiée à un avocat relativement à une inscription d’hypothèque comprend la saisine de la juridiction compétente en cas de rejet de cette demande d’inscription.
Demandeur : M. Y...
Défendeur : Commune du Cap-d’Ail, agissant par son maire
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, qui est recevable comme étant de pur droit :
Attendu,
selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour
d’appel (Aix-en-Provence, 24 octobre 2017), que, par lettre du 8 janvier
2014, la commune de Cap d’Ail (la commune) a invité M. Y...
(l’avocat) à renouveler l’inscription d’une hypothèque provisoire ; que
par lettre du 6 octobre 2014, l’avocat a avisé la commune du rejet du
renouvellement de l’hypothèque, de la vraisemblable nécessité de saisir
le président du tribunal selon une procédure qu’il détaillait, et a
précisé que, s’il y avait faute professionnelle de sa part susceptible
de générer un préjudice pour la commune, elle serait garantie par son
assureur ; que le 18 mars 2015, l’avocat a avisé la commune de ce qu’il
avait saisi le président du tribunal de grande instance de Nice par
assignation délivrée le 20 février 2015 ; que le 8 avril 2015, la
commune a invité l’avocat à abandonner la procédure de référé et à
formaliser une déclaration de sinistre ; que l’avocat a alors saisi le
bâtonnier de son ordre afin d’obtenir la fixation de ses honoraires ;
que la commune a formé un recours contre la décision du bâtonnier
faisant droit à la demande de l’avocat ;
Attendu
que l’avocat fait grief à l’ordonnance de fixer à 551 euros TTC
seulement les honoraires et frais qui lui sont dus et de condamner la
commune à lui payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter
du 20 mars 2016 et capitalisation des intérêts échus le 20 mars, alors,
selon le moyen :
1°/ que la procédure de
contestation d’honoraires et débours d’avocats concerne les seules
contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires ;
qu’en l’espèce, le premier président de la cour d’appel a jugé que la
commune n’avait pas donné mission à l’avocat de saisir le président du
tribunal de grande instance aux fins de contestation de la décision de
rejet opposée par le service de la publicité foncière, et qu’elle n’est
donc tenue à aucun honoraire ou débours relatif à cette procédure ;
qu’il a ainsi excédé les pouvoirs qui lui sont attribués par l’article
174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qu’il a violé ;
2°/
que toute juridiction saisie d’une demande relevant de sa compétence
doit surseoir à statuer lorsqu’elle doit connaître de moyens de défense
relevant de la compétence exclusive d’une autre juridiction ; qu’en
l’espèce, le premier président, qui était saisi d’une contestation
relative à l’existence du mandat confié à l’avocat, devait surseoir à
statuer dans l’attente de la décision du juge compétent ; qu’en jugeant
qu’il n’existait pas de mandat de saisir le tribunal de grande instance
aux fins de contestation de la décision de rejet opposée par le service
de la publicité foncière et, partant, aucun droit à percevoir un
honoraire au titre de cette procédure, au lieu de surseoir à statuer
dans l’attente de la décision de la juridiction compétente pour trancher
la question préalable, le premier président a violé l’article 174 du
décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, ensemble les articles 49 et 378
du code de procédure civile ;
Mais
attendu que si, saisi d’une contestation sur l’existence du mandat, le
premier président doit surseoir à statuer dans l’attente de la décision
de la juridiction compétente, tel n’est pas le cas lorsque la
contestation porte uniquement sur l’étendue de la mission confiée à
l’avocat ; qu’ayant relevé que la commune avait confié à l’avocat un
mandat portant sur le renouvellement d’une hypothèque provisoire, il
entrait dans les pouvoirs du premier président de statuer sur l’étendue
de cette mission, et, en particulier, de déterminer si elle comprenait
la saisine de la juridiction compétente en cas de rejet de la demande
d’inscription, afin de fixer les honoraires dus à l’avocat ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et
attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur les deux dernières branches du moyen, annexé, qui ne sont
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Savatier, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Isola, conseiller référendaire
Avocat général : M. Grignon Dumoulin
Avocat(s) : Me Balat, SCP Boulloche
Partager cette page