Arrêt n° 180 7 février 2019 (18-10.767) - Cour de cassation – Deuxième chambre civile – ECLI:FR:CCASS:2019:C020180
AvocatRejet
Sommaire :
Le point de départ de la prescription de l’action en restitution d’honoraires se situe au jour de la fin du mandat de l’avocat.
Par suite, c’est à bon droit qu’un premier président, après avoir souverainement estimé que le mandat de l’avocat incluait la représentation en cause d’appel, décide que n’est pas prescrite l’action en restitution d’honoraires engagée moins de cinq ans après la rupture des relations entre les parties.
Demandeur : Mme X...
Défendeur(s) : Mme Martine Y... et autre(s)
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président
d’une cour d’appel (Paris, 7 novembre 2017), que, le 13 mai 2003, Mme Y... , agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de tutrice de son fils, M. Z... , a signé une convention avec Mme X...
(l’avocat) stipulant que celle-ci s’engageait à assurer leur défense et
leur conseil, devant toute juridiction, sauf devant la Cour de
cassation, pour obtenir la réparation du dommage corporel de M. Z... ,
victime d’un accident de la circulation, et prévoyant un honoraire
forfaitaire de 500 euros HT ainsi qu’un honoraire de résultat de 10 % HT
; qu’un jugement, assorti de l’exécution provisoire à hauteur des deux
tiers, statuant sur l’indemnisation de M. Z... est intervenu le 16 février 2007 et a été frappé d’appel ; que le 16 mars 2007, Mme Y... a autorisé l’avocat à prélever la somme de 200 000 euros sur le compte CARPA, à titre d’honoraires ; que Mme Y... a dessaisi l’avocat le 4 mai 2011 ; que par arrêt du 13 janvier 2014, la cour d’appel a diminué l’indemnisation de M. Z... ; que Mme Y...
a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats afin d’obtenir la
restitution d’une partie des honoraires versés ; que l’avocat a formé un
recours contre la décision rendue le 19 décembre 2014 ;
Sur le premier moyen :
Attendu
que l’avocat fait grief à l’ordonnance de rejeter la fin de
non-recevoir tirée de l’acquisition de la prescription quinquennale
qu’elle avait opposée et en conséquence de fixer les honoraires lui
revenant, alors, selon le moyen :
1°/ que
dans le cadre d’une procédure ayant donné lieu à intervention de
l’avocat en première instance puis en appel, le point de départ du délai
de prescription s’apprécie au regard de chacune des procédures ; que
dans ses conclusions d’appel, l’avocat avait soutenu qu’à la suite du
prononcé du jugement du 7 février 2007, les parties avaient convenu du
règlement par Mme Y... , agissant en son nom personnel et en qualité de tutrice de son fils M. Z... ,
d’un honoraire forfaitaire de 200 000 euros pour services rendus, les
honoraires pour les diligences d’appel étant fixé sur la base d’un
pourcentage de 10 % appliqué au différentiel entre les condamnations
obtenues en appel et celles de première instance ; qu’en fixant le point
de départ du délai de prescription au jour de la rupture des relations
entre les clients et l’avocat pour les deux instances sans s’expliquer
sur ce moyen, le premier président n’a pas satisfait aux exigences de
l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/
que dans le cadre d’une procédure ayant donné lieu à intervention de
l’avocat en première instance puis en appel, le point de départ du délai
de prescription s’apprécie au regard de chacune des procédures ; que
dans ses conclusions d’appel, l’avocat avait soutenu qu’à la suite du
prononcé du jugement du 7 février 2007, les parties avaient convenu du
règlement par Mme Y... , agissant en son nom personnel et en qualité de tutrice de son fils M. Z... ,
d’un honoraire forfaitaire de 200 000 euros pour services rendus, les
honoraires pour les diligences d’appel étant fixé sur la base d’un
pourcentage de 10 % appliqué au différentiel entre les condamnations
obtenues en appel et celles de première instance ; qu’en fixant le point
de départ du délai de prescription au jour de la rupture des relations
entre les clients et l’avocat pour les deux instances sans rechercher si
la mission initiale de l’avocat ne s’était pas achevée à la date du
paiement de l’honoraire forfaitaire de 200 000 euros, le premier
président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de l’article 2224 du code civil ;
Mais
attendu que le point de départ de la prescription de l’action en
restitution d’honoraires se situe au jour de la fin du mandat de
l’avocat ;
Qu’ayant, implicitement mais
nécessairement, souverainement estimé que le mandat de l’avocat incluait
la représentation en cause d’appel, c’est à bon droit que le premier
président, qui a ainsi répondu aux conclusions dont fait état la
première branche du moyen et a procédé à la recherche visée par la
seconde, a décidé que le délai de prescription de l’action de Mme Y...
avait commencé à courir au jour de la rupture des relations entre les
parties, soit le 4 mai 2011, et qu’engagée le 21 avril 2014, cette
action n’était pas prescrite ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le deuxième moyen :
Attendu
que l’avocat fait grief à l’ordonnance de fixer les honoraires lui
revenant à la somme de 105 692,94 euros et les frais à la somme de 6
297,05 euros, alors, selon le moyen :
1°/
que dans ses conclusions d’appel, l’avocat avait soutenu que si le juge
de l’honoraire appréciait souverainement d’après les conventions des
parties et les circonstances de la cause le montant de l’honoraire dû à
l’avocat, il ne lui appartenait pas de le réduire dès lors que le
principe et le montant de l’honoraire avaient été acceptés librement par
le client après service rendu, que celui-ci ait été ou non précédé
d’une convention ; qu’il précisait que le prélèvement de la somme de 200
000 euros TTC autorisé par Mme Y...
conformément à un accord intervenu entre les parties du 16 mars 2007
constituait un paiement après service rendu qui était pleinement
libératoire et ne saurait supporter aucune contestation ; qu’en décidant
néanmoins que cette convention d’honoraires ne pouvait recevoir
application parce que l’avocat avait été dessaisi par son client avant
qu’une décision de justice définitive ne soit intervenue dans le cadre
de la procédure concernée, le premier président de la cour d’appel qui
s’est abstenue de rechercher, comme il lui était demandé, si le paiement
était intervenu après service rendu, a privé sa décision de base légale
au regard de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971,
ensemble l’article 1134 du code civil devenu l’article 1103 du même code
;
2°/ que les juges du fond ne peuvent
accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner
tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au
soutien de leurs prétentions ; que dans ses conclusions d’appel,
l’avocat avait soutenu que le prélèvement de la somme de 200 000 euros
TTC autorisé par Mme Y... constituait un
paiement après service rendu qui était pleinement libératoire ; qu’il
avait étayé ce moyen en produisant la lettre datée du 31 mai 2011, soit
postérieurement à son dessaisissement intervenu le 4 mai précédent, que
Mme Y... et M. Z...
avaient écrit à la CARPA pour lui indiquer que les honoraires de leur
avocat avaient « été dûment réglés selon convention » ; qu’en décidant
que les honoraires revenant à l’avocat doivent être fixés en application
des critères de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et
non en vertu de l’accord de mars 2007 comme le soutient à titre
principal l’avocate sans examiner cet élément de preuve, la cour d’appel
n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure
civile ;
Mais attendu, qu’ayant, par
motifs adoptés, considéré que les sommes versées l’avaient été au titre
d’un honoraire de résultat, et constaté que l’avocat avait été dessaisi
avant que soit rendue une décision irrévocable, le premier président,
qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations
rendaient inopérante et n’était pas tenu de s’expliquer sur les éléments
de preuve qu’il écartait, en a exactement déduit que les honoraires de
l’avocat devaient être fixés par application des critères de l’article
10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et
attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur les troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième
moyens, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Flise
Rapporteur : Mme Isola, conseiller référendaire rapporteur
Avocat général : M. Lavigne
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié
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