Arrêt n° 177 7 février 2019 (17-28.596) - Cour de cassation – Deuxième chambre civile – ECLI:FR:CCASS:2019:C020177
Prescription civileCassation
Sommaire :
L’action en paiement d’une retraite surcomplémentaire dont l’attribution a été refusée s’analyse en une action en contestation du refus de cette attribution, dont la prescription court, en application de l’article 2224 du code civil, à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Dès lors, prive sa décision de base légale la cour d’appel qui déclare prescrite l’action en contestation dont elle constate qu’elle a été engagée plus de cinq ans après le refus d’attribution, sans rechercher la date à laquelle son auteur avait eu connaissance du refus qui lui était ainsi opposé et qui constituait le point de départ du délai de prescription de son action.
Demandeur : M. X...
Défendeur : Humanis prévoyance
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... ,
qui était employé en qualité de cadre, a été affilié au régime de
retraite supplémentaire du Fonds de garantie de retraite des cadres,
devenu le Fonds interprofessionnel de retraite surcomplémentaire (le
FIRES) ; qu’ayant fait valoir ses droits à la retraite le 31 mai 2008,
M. X... a formalisé une demande de
liquidation de ses droits à compter du 1er juin 2008 auprès du FIRES
qui, dans un courrier du 28 mai 2008, lui a dénié le bénéfice de ce
régime ; que, le 17 juin 2013, M. X...
a assigné le FIRES, aux droits duquel se trouve l’institution de
prévoyance Humanis prévoyance, en paiement d’une pension de retraite
surcomplémentaire pour l’année 2008 et pour chaque année suivante
jusqu’à son décès ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X...
fait grief à l’arrêt de constater la prescription de son action et, en
conséquence, de déclarer ses demandes irrecevables, alors, selon le
moyen :
1°/ que le délai de prescription
ne court qu’à compter de la date d’exigibilité de chacune des créances
salariales ; qu’en affirmant, pour déclarer prescrites l’intégralité des
demandes en paiement de la pension de retraite présentées par M. X... ,
non seulement pour l’année 2008 mais aussi au titre des années
suivantes jusqu’à son décès, que selon l’article 2224 du code civil, «
les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à
compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant de l’exercer et qu’à la suite au
refus de l’institution Humanis prévoyance en date du 28 mai 2008 de lui
accorder le bénéfice dudit régime, ce n’est qu’à la date du 17 juin 2013
qu’il a engagé son action en paiement de cette pension de retraite
surcomplémentaire » et « qu’à cette date, plus de cinq ans s’étant
écoulés depuis la date à laquelle M. Henri X...
a connu son droit », après avoir constaté que celui-ci « a engagé une
action en paiement d’une pension de retraite (qui) s’analyse en une
demande de sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de
travail auxquels elles se substituent », la cour d’appel, qui n’a pas
tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé
l’article 2224 du code civil ;
2°/ que si
l’article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou
mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire
d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de
l’exercer, l’article 2233, 3°, du même code précise que la prescription
ne court pas à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme
soit arrivé ; qu’ainsi, lorsqu’une dette est payable par termes
successifs, le point de départ de la prescription ne peut pas être fixé
pour l’ensemble de la créance à la date d’exigibilité du premier terme ;
qu’en retenant, pour considérer que les demandes en paiement d’une
pension de retraite de M. X... , non
seulement pour l’année 2008 mais aussi au titre des années suivantes et
jusqu’à son décès, sont prescrites, que la prescription a commencé à
courir le 28 mai 2008 tandis que M. X...
n’a engagé son action en paiement que le 17 juin 2013, la cour d’appel a
violé, par fausse application, l’article 2224 du code civil et, par
refus d’application, l’article 2233, 3°, du même code ;
Mais attendu que, s’il retient inexactement que l’action de M. X...
en contestation du refus du FIRES de lui accorder le bénéfice du régime
de retraite supplémentaire était une action en paiement d’une pension
de retraite qui s’analysait en une demande de sommes afférentes aux
salaires dus au titre du contrat de travail auxquels elles se
substituent, c’est à bon droit que l’arrêt fait application de l’article
2224 du code civil qui dispose que les actions personnelles ou
mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire
d’un droit a connu ou aurait dû connaître le fait lui permettant de
l’exercer, qui, en l’espèce, était le refus de l’institution de
prévoyance de lui accorder le bénéfice du régime de retraite ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :
Vu l’article 2224 du code civil ;
Attendu,
selon ce texte, que les actions personnelles ou mobilières se
prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a
connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;
Attendu que pour déclarer l’action de M. X...
prescrite, l’arrêt retient que, suite au refus du FIRES en date du 28
mai 2008 de lui accorder le bénéfice du régime de retraite, ce n’est
qu’à la date du 17 juin 2013 que M. X...
a engagé son action en paiement de la pension de retraite
surcomplémentaire ; qu’à cette date, plus de cinq ans s’étaient écoulés
depuis la date à laquelle il avait connu son droit ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher la date à laquelle M. X...
avait eu connaissance du refus qui lui était ainsi opposé et qui
constituait le point de départ du délai de prescription de son action,
la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son
contrôle et n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE
ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 septembre
2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en
conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d’appel de Versailles, autrement composée ;
Président : Mme Flise
Rapporteur : M. Besson
Avocat général : M. Lavigne
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Ortscheidt
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