Arrêt n°1180 du 20 septembre 2018 (17-14.247) - Cour de cassation - Deuxième chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2018:C201180
Sécurité sociale, accident du travailRejet
Sommaire :
Lorsque le juge est saisi d’une contestation portant sur le caractère professionnel de la maladie sur le fondement de l’article L. 461-1, alinéas 3 à 5, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, la désignation préalable d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de l’article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire.
Demandeur(s) : Société Geometry global
Défendeur(s) : M. Jean Y... ; et autre
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2016), que salarié en qualité de directeur de création par la société Ogility action, aux droits de laquelle vient la société Geometry global (l’employeur), M. Y... a déclaré être atteint d’un syndrome dépressif qui a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie de Paris, après l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) ; que M. Y...
ayant engagé une action en reconnaissance de la faute inexcusable de
l’employeur et celui-ci contestant le caractère professionnel de la
maladie, une juridiction de sécurité sociale a désigné un autre comité
régional ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu
que l’employeur fait grief à l’arrêt de dire que la maladie déclarée
par la victime présente un lien direct et essentiel avec son activité
professionnelle et qu’elle est la conséquence de la faute inexcusable de
celui-ci, alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article 544 du code
de procédure civile que les jugements qui tranchent dans leur
dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction
peuvent être immédiatement frappés d’appel ; qu’il résulte de l’article
514 du même code que l’exécution provisoire ne peut être poursuivie
sans avoir été ordonnée si ce n’est pour les décisions qui en
bénéficient de plein droit ; qu’il ne résulte d’aucun texte que la
décision prescrivant une mesure d’instruction, notamment la saisine d’un
comité régional de reconnaissance de maladies professionnelles en
application de l’article R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale,
bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire ; qu’il en résulte
que l’employeur, appelant d’un jugement, non assorti de l’exécution
provisoire, l’ayant débouté au fond de sa prétention concernant
l’opposabilité d’une décision relative à la prise en charge d’une
maladie au titre de la législation professionnelle et ayant ordonné la
saisine d’un comité régional de reconnaissance des maladies
professionnelles, ne peut se voir opposer l’avis de ce comité émis en
son absence avant qu’il ait été statué sur l’appel ; qu’au cas présent,
la société Geometry Global était
appelante d’un jugement ayant, d’une part, rejeté la demande tendant à
obtenir que la notification d’un refus de prise en charge lui soit
déclaré définitivement opposable et, d’autre part, ordonné la saisine du
comité régional des Pays-de-Loire afin qu’il établisse si la maladie
déclarée par M. Y... le 22
janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son activité
professionnelle ; qu’elle faisait valoir que ce jugement n’était pas
assorti de l’exécution provisoire, de sorte que l’avis émis par le
comité régional en son absence alors même qu’il n’avait pas été statué
sur l’appel n’était pas régulier, de sorte que la cour d’appel ne
pouvait se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie sans
saisir un nouveau comité régional ; qu’en refusant d’écarter l’avis du
comité régional des Pays-de-Loire et en se fondant sur cet avis pour
juger que la maladie déclarée par M. Y...
le 22 janvier 2013 présente un lien direct et essentiel avec son
activité professionnelle, la cour d’appel a violé les articles 514 et
544 du code de procédure civile, L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la
sécurité sociale ;
Mais attendu que
lorsque le juge est saisi d’une contestation portant sur le caractère
professionnel de la maladie sur le fondement de l’article L. 461-1,
alinéas 3 à 5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction
antérieure à la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017, applicable au
litige, la désignation préalable d’un comité régional de reconnaissance
des maladies professionnelles qui a un caractère obligatoire en vertu de
l’article R. 142-24-2 du même code, est immédiatement exécutoire ;
Que,
par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, après avis donné
aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure
civile, l’arrêt se trouve légalement justifié ;
Sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu
que l’employeur fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen,
que lorsque le juge sollicite l’avis d’un expert dans un litige portant
sur des données techniques pour lesquelles il n’a pas la compétence
nécessaire pour appréhender l’avis de l’expert, de sorte que celui-ci
s’avère prépondérant pour la solution du litige, le droit à un procès
équitable implique que les parties disposent de la possibilité de
soumettre à l’expert des observations, avant que celui-ci n’émette son
avis ; qu’il en résulte que le juge de sécurité sociale, qui ordonne la
saisine d’un comité régional de reconnaissance de maladie
professionnelle pour déterminer si une maladie non désignée par un
tableau de maladies professionnelles présente un lien direct et
essentiel avec le travail habituel du salarié, doit veiller à ce que les
parties disposent une possibilité effective de faire valoir leurs
droits et de présenter des observations devant ce comité avant que
celui-ci n’émette son avis ; que la société Geometry Global
faisait valoir, pour demander la nullité de l’avis du comité régional
des Pays-de-Loire, qu’elle n’avait pas été en mesure de se défendre
devant ce comité avant que celui-ci n’émette son avis ; que, pour
rejeter cette demande de nullité et refuser de rechercher si l’employeur
avait été en mesure de faire valoir ses droits devant le comité, la
cour d’appel s’est bornée à relever que la procédure aurait été
contradictoire dès lors que le comité s’est prononcée sur la base du
dossier constitué par la caisse au cours de la procédure d’instruction
sur le fondement de l’article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ;
qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé les articles 16 du
code de procédure civile, R. 142-24-2 et D. 461-29 du code de la
sécurité sociale et 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais
attendu qu’il résulte des articles L. 461-1 et D. 461-29 du code de la
sécurité sociale, qu’en cas de saisine d’un comité régional de
reconnaissance des maladies professionnelles, dont l’avis s’impose à la
caisse, l’information du salarié, de ses ayants droit et de l’employeur
sur la procédure d’instruction et sur les points susceptibles de leur
faire grief, s’effectue avant la transmission du dossier audit comité
régional ;
Et attendu qu’ayant
souverainement constaté que l’avis en cause avait été rendu, notamment,
sur la base du rapport circonstancié de l’employeur ainsi que le comité
régional le mentionnait en page deux de son avis, la cour d’appel en a
exactement déduit que l’employeur n’était pas fondé à se prévaloir du
caractère non contradictoire de la procédure suivie devant le comité
régional ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que l’employeur fait le même grief à l’arrêt ;
Mais
attendu que, sous le couvert des griefs non fondés de défaut de base
légale au regard des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale,
L. 4121-1 du code du travail et 1147 du code civil et de violation de
l’article 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu’à
remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation
souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des
éléments de fait et de preuve débattus devant eux ;
D’où il suit que le moyen, dépourvu d’objet en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Flise
Rapporteur : Mme Palle, conseiller référendaire
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer - SCP Lesourd - SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
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