Arrêt n°96 du 22 janvier 2020 (19-13.269) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2020:SO00096
représentation des salariésRejet
Sommaire
Un salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut, au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu et les fonctions consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est désigné par une organisation syndicale sans qu’un accord collectif puisse y déroger.
Demandeur(s) : M. X... C... et autre(s)
Défendeur(s) : société Total raffinage France, société par actions simplifiée
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Saint-Nazaire, 26 février 2019), que M. C... a été désigné le 19 novembre 2018 par le syndicat CGT plate-forme Total de Donges (le syndicat) en qualité de représentant syndical au comité social et économique de l’établissement de Donges de la société Total raffinage France
; que celle-ci a saisi le 4 décembre 2018 le tribunal d’instance pour
contester cette désignation en invoquant l’incompatibilité avec le
mandat d’élu suppléant détenu par le salarié au sein du même comité
social et économique ;
Attendu que le syndicat et le salarié font grief au jugement de dire que M. C...
devra opter pour l’un de ses deux mandats dans un délai de quinze jours
à compter de la notification de la décision et qu’à défaut son mandat
de représentant syndical au sein du comité social et économique de
l’établissement de Donges sera caduc, alors selon le moyen :
1°/
qu’en application de l’article L. 2314-2 du code du travail, chaque
organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou
l’établissement peut désigner un représentant syndical au comité social
et économique, choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise et
devant remplir les conditions d’éligibilité fixées à l’article L.
2314-19 du code du travail ; qu’en l’absence de disposition légale y
faisant obstacle, le syndicat peut désigner en qualité de représentant
syndical au comité un salarié élu audit comité ; qu’en jugeant le
contraire, le tribunal a violé les articles L. 2314-2 et L. 2314-19 du
code du travail ;
2°/ que la liberté
syndicale implique la liberté des organisations syndicales de choisir
leurs représentants, seule la loi pouvant en restreindre l’exercice ;
qu’en disant que le mandat de membre élu suppléant du comité social et
économique ne peut se cumuler avec le mandat de représentant syndical
audit comité, le tribunal a violé l’alinéa 6 du préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, les articles 3 et 8 de la Convention n°
87 de l’OIT, 5 de la Convention n° 135 de l’OIT ainsi que les articles
11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, 5 et 6 de la Charte sociale européenne, et 28 de la
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
3°/
subsidiairement que l’article 4 de l’accord relatif au dialogue social
et économique du 13 juillet 2018 applicable dans le groupe Total
ne comporte aucune exclusion ni distinction ; qu’en statuant comme il
l’a fait, sans rechercher, comme il y était invité, si cet accord
collectif ne permet pas qu’un salarié élu au comité social et économique
soit également désigné en qualité de représentant syndical audit
comité, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 2141-10, L. 2251-1, L. 2314-1 et L. 2314-2 du code du
travail et 1103 du code civil, ensemble l’article 4 de l’accord relatif
au dialogue social et économique du 13 juillet 2018 ;
4°/ que MM. C..., J...
et le syndicat faisaient valoir que l’employeur n’avait pas contesté la
désignation en qualité de représentants syndicaux de plusieurs autres
salariés élus au comité social et économique ; qu’en s’abstenant de
rechercher s’il existait une tolérance au bénéfice de certains syndicats
seulement, le tribunal a entaché sa décision d’un défaut de base légale
au regard des articles L. 2314-1 et L. 2314-2 du code du travail et du
principe d’égalité ;
Mais attendu qu’un
salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité social et
économique en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant,
et de représentant syndical auprès de celui-ci, dès lors qu’il ne peut,
au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer les fonctions
délibératives qui sont les siennes en sa qualité d’élu et les fonctions
consultatives liées à son mandat de représentant syndical lorsqu’il est
désigné par une organisation syndicale sans qu’un accord collectif
puisse y déroger ;
Et attendu qu’ayant
constaté l’absence de disparité de traitement entre organisations
syndicales par une recherche faite au sein de la même unité économique
et sociale, le tribunal, peu important les dispositions de l’article 4
de l’accord collectif sans emport à cet égard, a statué à bon droit en
enjoignant au salarié, élu membre suppléant au comité social et
économique, d’opter entre cette fonction et celle de représentant
syndical à ce même comité et en disant que, à défaut, son mandat de
représentant syndical sera caduc ;
D’où
il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, partant
irrecevable en sa seconde branche, inopérant en sa troisième branche et
qui manque en fait en sa quatrième branche, n’est pas fondé pour le
surplus ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Président : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Ott
Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy - SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois
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