Arrêt n°1188 du 09 décembre 2020 (19-17.395) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2020:SO01188
Contrat de travail, ruptureCassation partielle
Sommaire :
Il résulte de la combinaison des articles L. 7313-13 alinéa 1er du code du travail et 14 de l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 que, lorsqu’il est jugé que le licenciement prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et sérieuse, le bénéfice de l’indemnité spéciale de rupture réclamée par le voyageur représentant placier ne peut être subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l’indemnité de clientèle dans le délai de trente jours suivant l’expiration du contrat de travail.
Demandeur(s) : M. B... F...
Défendeur(s) : la société Luxastore déco, société à responsabilité limitée
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Riom, 2 avril 2019), M. F... , engagé à compter du 26 août 2013 par la société Luxastore déco en qualité de vendeur exclusif, voyageur représentant placier, a été licencié le 21 décembre 2015 pour faute grave.
2.Contestant
son licenciement, il a saisi le 3 février 2016 la juridiction
prud’homale de diverses demandes dont une indemnité spéciale de rupture.
Examen des moyens
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4.
Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en
paiement d’une indemnité spéciale de rupture, alors « qu’en cas de
rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en
l’absence de faute grave, le voyageur représentant ou placier a le droit
de percevoir une indemnité légale de clientèle ; que dans cette même
hypothèse de rupture, sauf opposition de l’employeur, il peut percevoir
une indemnité spéciale de rupture, à la condition d’avoir renoncé à
l’indemnité légale de clientèle, au plus tard dans les 30 jours suivant
l’expiration du contrat de travail, de sorte que quand le VRP ne pouvait
avoir droit à l’indemnité légale, pour avoir été licencié pour faute
grave, la condition de renonciation à celle-ci pour bénéficier de
l’indemnité spéciale de rupture se trouve sans objet ; qu’en l’espèce,
la cour d’appel a débouté le salarié de sa demande en paiement de
l’indemnité spéciale de rupture en se fondant sur la circonstance qu’il
n’avait pas renoncé à l’indemnité de clientèle ; qu’en statuant ainsi
quand elle avait constaté qu’il avait été licencié pour faute grave, ce
qui avait fait obstacle à ce qu’il puisse bénéficier lors de la rupture
du contrat de l’indemnité légale, partant à ce qu’il puisse y renoncer,
la cour d’appel a violé les articles L. 7313-13 du code du travail et 14
de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975. »
Réponse de la Cour
Vu
l’article L. 7313-13, alinéa 1er, du code du travail et l’article 14 de
l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants,
placiers du 3 octobre 1975 :
5. Aux
termes du premier de ces textes, en cas de rupture du contrat de travail
à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le
voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part
qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur
de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
6. Selon le second, lorsque le représentant de commerce se trouve dans
l’un des cas de cessation du contrat prévus à l’article L. 751-9,
alinéas 1er et 2 du code du travail, devenu les articles L. 7313-13 et
L. 7313-14, alors qu’il est âgé de moins de soixante-cinq ans et qu’il
ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 16 du présent
accord, et sauf opposition de l’employeur exprimée par écrit et au plus
tard dans les quinze jours de la notification de la rupture ou de la
date d’expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce
représentant, à la condition d’avoir renoncé au plus tard dans les
trente jours suivant l’expiration du contrat de travail à l’indemnité de
clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l’article L.
751-9 précité, bénéficiera d’une indemnité spéciale de rupture fixée
comme suit dans la limite d’un maximum de dix mois (...) .
7.
Il résulte de ces textes, que lorsqu’il est jugé que le licenciement
prononcé pour faute grave repose en réalité sur une cause réelle et
sérieuse, le bénéfice de l’indemnité spéciale de rupture ne peut être
subordonné à la condition de renonciation par le salarié à l’indemnité
de clientèle dans le délai de trente jours suivant l’expiration du
contrat de travail.
8. Pour débouter le
salarié de sa demande d’indemnité spéciale de rupture, l’arrêt, après
avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais
sur une cause réelle et sérieuse, retient que le salarié ne justifie pas
avoir entrepris la moindre démarche envers l’employeur, dans les trente
jours de la rupture du contrat, établissant qu’il entendait renoncer à
l’indemnité de clientèle à laquelle il pouvait prétendre.
9.
En statuant ainsi, alors que le salarié licencié pour faute grave ne
pouvait renoncer à une indemnité de clientèle à laquelle il ne pouvait
pas prétendre au jour de l’expiration du contrat, la cour d’appel a
violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10.
En application de l’article 624 du code de procédure civile, la
cassation du chef de dispositif de l’arrêt rejetant l’indemnité spéciale
de rupture entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de
dispositif condamnant la société Luxastore à payer à M. F... une somme au titre de l’indemnité légale de licenciement, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. F... de sa demande en paiement d’une indemnité spéciale de rupture et condamne la société Luxastore à payer à M. F...
la somme de 1 549,24 euros au titre de l’indemnité légale de
licenciement, l’arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la
cour d’appel de Riom ;
Remet, sur ces
points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;
Condamne la société Luxastore déco aux dépens ;
Président : M. Cathala
Rapporteur : Mme Ala, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Rémery
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié - SCP Célice, Texidor, Périer
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