Arrêt n°1136 du 02 décembre 2020 (18-25.265, 18-25.298) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2020:SO01136
Statut collectif du travailCassation partielle
Sommaire :
Il résulte de la combinaison des articles 28.2.1 et 28.2.2 de l’accord de réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, qui sont relatifs aux conditions de la garantie d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire, que le maintien de la rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant la notification de la perte du marché.
Demandeur(s) : La société Transdev aéroport transit (TAT), société à responsabilité limitée unipersonnelle
Défendeur(s) : Mme M... C... , veuve F... ; et autres
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 18-25.265 à V 18-25.298 sont joints.
Reprise d’instance
2. Il est donné acte à Mmes M... C... , W... F... et M. N... F... , ayants droit de S... F... décédé le 24 juin 2018, de leur reprise d’instance.
Faits et procédure
3. Selon les arrêts attaqués (Paris, 2 octobre 2018), la société Transroissy, qui fournissait des prestations de services pour le transport de passagers au sein de l’aéroport Roissy-Charles-de Gaulle, a perdu ce marché attribué le 8 avril 2009 à la société Transdev aéroport transit (la société TAT), la société Transroissy en étant informée le 18 avril 2009.
4. Un accord d’entreprise a été conclu le 15 juin 2009 au sein de la société Transroissy,
dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, modifiant les
conditions de rémunération et certains avantages annexes de ses
salariés.
5. La société TAT
a proposé le 25 juin 2009 aux salariés transférables un avenant à leur
contrat de travail, le transfert devenant effectif le 1er juillet 2009.
6. M. F... et trente-trois autres salariés ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en condamnation de la société TAT
à leur verser différentes sommes à titre notamment de rappels de
salaires en application de l’accord d’entreprise du 15 juin 2009.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
7. La société TAT
fait grief aux arrêts de la condamner à payer aux salariés diverses
sommes à titre de rappel de salaires de juillet 2009 à avril 2016, de
congés payés afférents et de rappel de salaires sur le treizième mois,
alors :
« 1°/ que selon l’article 28.2.2
de l’accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la
garantie d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel
en cas de changement de prestataire pour l’exécution des marchés de
transport de personnes, alors applicable, « le salarié bénéficiera du
maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son
horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant
la notification visée ci dessus » ; que la notification visée « ci
dessus » correspond à la notification de la perte de marché citée à
l’article 28.2.1 ; qu’en jugeant néanmoins que la rémunération des
salariés devait être maintenue à son niveau tel qu’il était au jour du
transfert effectif des contrats de travail, soit au 25 juin 2009, date à
laquelle les avenants avaient été notifiés et approuvés, et non pas au
jour de notification de la perte de marché, la cour d’appel a violé
l’article 28.2.2 de l’accord du 18 avril 2002 annexé à la convention
collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du
transport du 21 décembre 1950, fixant les conditions de la garantie
d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas
de changement de prestataire, alors en vigueur ;
2°/
que selon l’article 28.2.2 de l’accord de branche du 18 avril 2002,
relatif aux conditions de la garantie d’emploi et de la continuité du
contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire pour
l’exécution des marchés de transport de personnes, alors applicable, «
le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de
base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12
derniers mois précédant la notification visée ci dessus » ; que la
notification visée « ci dessus » correspond à la notification de la
perte de marché citée à l’article 28.2.1 ; qu’en jugeant que la
rémunération des salariés devait être maintenue à son niveau tel qu’il
était au jour du transfert effectif des contrats de travail, soit au 25
juin 2009, date à laquelle les avenants avaient été notifiés et
approuvés, aux motifs inopérants que « l’article 28.2 précité prévoit
certes, une obligation d’information à la charge de l’entreprise, mais
sans en préciser les modalités » et que « l’interprétation par la
société Transdev
des dispositions de l’article 28.2.1 serait non conforme aux
dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre
effet qu’un jour du changement de prestataire avec l’accord des
salariés, en l’occurrence, comme le font valoir les intimés, le 25 juin
2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés » et
sans procéder comme elle le devait à une interprétation stricte de ce
texte, la cour d’appel a violé l’article 28.2.2 de l’accord du 18 avril
2002 annexé à la convention collective nationale des transports routiers
et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, fixant les
conditions de la garantie d’emploi et de la continuité du contrat de
travail du personnel en cas de changement de prestataire, alors en
vigueur ;
3°/ que selon l’article 28.2.2
de l’accord de branche du 18 avril 2002, relatif aux conditions de la
garantie d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel
en cas de changement de prestataire pour l’exécution des marchés de
transport de personnes, alors applicable, le salarié bénéficiera du
maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son
horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant
la notification de la perte de marché ; qu’en jugeant que c’était
l’horaire contractuel qui était calculé sur la base des douze derniers
mois et non la rémunération, laquelle devait être maintenue à son niveau
tel qu’il était au jours du transfert effectif, soit le salaire du mois
de juin 2009, la cour d’appel a derechef violé l’article 28.2.2 de
l’accord du 18 avril 2002 annexé à la convention collective nationale
des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21
décembre 1950, alors en vigueur. »
Réponse de la Cour
Vu
les articles 28.2.1 et 28.2.2, alors en vigueur, de l’accord de
réduction du temps de travail du 18 avril 2002 annexé à la convention
collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du
transport du 21 décembre 1950 :
8. Selon
le premier de ces textes, relatifs aux conditions de la garantie
d’emploi et de la continuité du contrat de travail du personnel en cas
de changement de prestataire, le nouveau prestataire s’engage à garantir
l’emploi du personnel affecté au marché faisant l’objet de la reprise à
la condition notamment de justifier d’une affectation sur le marché
d’au moins six mois à la date de notification de la perte de marché. Aux
termes du second, intitulé « Modalités de maintien de la rémunération
», le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute
de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des
douze derniers mois précédant la notification visée ci-dessus. En cas
de changement de l’horaire contractuel au cours des douze derniers mois,
il sera tenu compte de la dernière situation du salarié.
9.
Il résulte de la combinaison des textes susvisés que le maintien de la
rémunération du personnel repris doit être calculé sur la base de la
rémunération mensuelle brute de base des douze derniers mois précédant
la notification de la perte du marché.
10.
Pour faire droit aux demandes de rappels de salaire, de congés payés
afférents et de treizième mois, l’arrêt retient que l’interprétation par
la société entrante des dispositions de l’article 28.2.1, selon
laquelle la notification visée par cet article serait celle de la perte
du marché, est sans fondement dès lors que l’article 28.2 prévoit certes
une obligation d’information à la charge de l’entreprise, mais sans en
préciser les modalités formelles. L’arrêt retient aussi que cette
interprétation est non conforme aux dispositions relatives au transfert
conventionnel qui ne peut prendre effet qu’au jour du changement de
prestataire avec l’accord des salariés, en l’occurrence le 25 juin 2009,
date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés. L’arrêt
ajoute qu’en toute hypothèse, c’est l’horaire contractuel qui est «
calculé » sur la base des douze derniers mois, et non la rémunération,
laquelle doit être maintenue à son niveau tel qu’il était au jour du
transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009, et qu’en
conséquence le rappel de rémunération correspond à la différence entre
le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après
le transfert.
11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé le second des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’ils condamnent la société Transdev aéroport transit
à payer aux salariés des sommes à titre de rappels de salaires de
juillet 2009 à avril 2016, de congés payés afférents et de treizième
mois, les arrêts rendus le 2 octobre 2018, entre les parties, par la
cour d’appel de Paris ;
Remet, sur ces
points l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant
ces arrêts et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement
composée ;
Condamne les salariés ou leurs ayants droit aux dépens ;
Président : M. Cathala
Rapporteur : M. Le Corre, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Berriat
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano - SCP Waquet, Farge et Hazan
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