Arrêt n°1629 du 27 novembre 2019 (18-13.790) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2019:SO01629
Rejet
Demandeur(s) : La République du Ghana, représentée par son ambassadeur du Ghana en France
Défendeur(s) : Mme K... B... et autres ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2015), que Mme K... B..., engagée par la République du Ghana,
en son ambassade, à Paris, en qualité de secrétaire bilingue, à compter
du 1er août 2005, a été licenciée pour faute grave, par lettre du 24
avril 2009, après avoir été mise à pied ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis du pourvoi principal :
Attendu que la République du Ghana
fait grief à l’arrêt d’écarter l’immunité de juridiction invoquée et de
la condamner à payer à la salariée une indemnité de préavis, des congés
payés sur préavis, une indemnité de licenciement et des
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
alors, selon le moyen :
1°/ que pour montrer en fait que Mme B... exerçait des attributions relevant des actes d’autorité, et non seulement d’actes de gestion, la République du Ghana produisait, d’une part, une attestation du ministre des affaires étrangères du Ghana, d’autre part, une attestation de Mme N... , ambassadeur, chargée d’affaires AD interim de l’ambassade du Ghana à Paris ; qu’ayant formé appel, la République du Ghana
était en droit d’obtenir des juges du second degré qu’ils réexaminent
en fait et en droit ses prétentions au vu des pièces qu’elle produisait
pour en justifier ; que les juges du second degré se sont bornés à
examiner la fiche de poste de Mme B... et ajouté que « la République du Ghana ne produit aucun élément de nature à établir que Mme B...
aurait accompli des actes qui participaient par leur nature ou leur
finalité à l’exercice de la souveraineté des Etats et qui n’étaient pas
des actes de gestion » ; qu’en s’abstenant ainsi d’examiner les deux
attestations invoquées par la République du Ghana, les juges du second degré ont violé l’article 455 du code de procédure civile, ensemble l’article 561 du même code ;
2°/
que les motifs du jugement ne sauraient permettre un sauvetage de
l’arrêt dès lors qu’à aucun moment les premiers juges ne font état de
l’attestation du ministre des affaires étrangères et de l’attestation de
Mme N...
; que sous cet angle également, l’arrêt doit être censuré pour
violation de l’article 455 du code de procédure civile, ensemble de
l’article 561 du même code ;
3°/ que, aux
termes de l’article 11 paragraphe 2 de la Convention des Nations unies
sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens, telle
qu’adoptée le 2 décembre 2004, et invocable devant les juridictions
françaises comme consacrant à tout le moins une règle coutumière du
droit international public, l’immunité de juridiction s’oppose à ce que
l’agent d’un Etat étranger saisisse le juge d’un autre Etat si l’action,
concernant son licenciement risque, selon l’avis du ministre des
affaires étrangères, d’interférer avec les intérêts de l’Etat en matière
de sécurité ; qu’en l’espèce, se prévalant de l’article 11 paragraphe 2
de la Convention du 2 décembre 2004, la République du Ghana
produisait une attestation émanant de son ministre des affaires
étrangères constatant que la procédure engagée par l’agent en l’espèce
interférait avec les intérêts de l’Etat de la République du Ghana en matière de sécurité ; que l’attestation du ministère des affaires étrangères de la République du Ghana était produite ; qu’en se reconnaissant le pouvoir de statuer sur les demandes de Mme B...,
dans ces conditions, les juges du fond ont violé la règle coutumière
consacrée par l’article 11 paragraphe 2 de la Convention des Nations
unies sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs bien du 2
décembre 2004 ;
4°/ que, en s’abstenant en toute hypothèse d’examiner l’attestation du ministre des affaires étrangères de la République du Ghana
à l’effet de déterminer si eu égard à ses termes, elle ne révélait pas
un lien avec des questions de sécurité faisant obstacle à ce que le juge
français puisse être saisi, les juges du fond ont à tout le moins privé
leur décision de base légale au regard de la règle coutumière que
consacre l’article 11 paragraphe 2 de la Convention des Nations unies
sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs bien du 2 décembre
2004 ;
5°/ que les motifs du jugement ne
peuvent pallier à la carence de l’arrêt dès lors que l’attestation
émanant du ministre des affaires étrangères a été produite pour la
première fois en appel ; qu’à cet égard, l’arrêt doit être censuré pour
violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais
attendu qu’il résulte du droit international coutumier, tel que reflété
par l’article 11, § 2, d), de la Convention des Nations unies, du 2
décembre 2004, sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs
biens, et de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales, que l’avis du chef de l’État,
du chef du gouvernement ou du ministre des Affaires étrangères de
l’État employeur, selon lequel l’action judiciaire ayant pour objet un
licenciement ou la résiliation du contrat d’un employé risque
d’interférer avec les intérêts de cet État en matière de sécurité, ne
dispense pas la juridiction saisie de déterminer l’existence d’un tel
risque ;
Et attendu que, ayant retenu que
la salariée était chargée de l’organisation des activités sociales de
l’ambassadeur, de la mise à jour hebdomadaire de son agenda, de ses
appels entrants et sortants, de servir des rafraîchissements aux
visiteurs de l’ambassadeur et le déjeuner de celui-ci, de
l’affranchissement et de l’expédition du courrier, de préparer et de
saisir toutes les correspondances non-confidentielles en langue
française et de faire les réservations de vols et d’hôtels pour
l’ambassadeur et ainsi fait ressortir qu’un tel risque n’était pas
établi, la cour d’appel a exactement décidé, sans être tenue de
s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle a décidé d’écarter, que
le principe de l’immunité de juridiction ne s’appliquait pas ;
D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur les troisième et quatrième moyens réunis du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu
qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée
sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature
à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu’incident ;
Président : M. Huglo, conseiller faisant fonction
Rapporteur : M. Le Mas de Chermont, conseiller référentaire
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger - SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
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