Arrêt n°738 du 09 mai 2019 (17-27.493) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2019:SO00738
Contrat de travail, ruptureCassation partielle
Sommaire :
La résiliation du contrat de mission par le client de l’employeur ne saurait constituer la fin de chantier justifiant de la rupture du contrat de travail de chantier liant l’employeur au salarié.
Doit être cassé l’arrêt qui retient que la résiliation du contrat par le client justifiait la fin de la mission de l’employeur en sorte que le chantier trouvait son achèvement en application des dispositions de l’article L. 1236-8 du code du travail.
Demandeur(s) : M. H...J...K...
Défendeur(s) : société Louis Berger et autre(s)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par contrats de mission à effet au 1er novembre 2005, M. J... K... a été engagé par la société Louis Berger (UK) Limited
en qualité d’ingénieur consultant international ; que le 2 janvier
2012, il a signé un contrat de travail à durée indéterminée de chantier
avec la SASU Louis Berger (ci-après la société Louis Berger)
pour une durée initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2013 prolongée
au 31 décembre 2014 par avenant du 4 avril 2012 en qualité de « program
manager » dans le cadre de la mission menée par la société Louis Berger auprès du client Fluor
; que les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à
la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des
cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15
décembre 1987 dite Syntec ; que le salarié a été licencié le 1er février
2013 pour fin de chantier à la suite de la rupture par la société Fluor du contrat d’assistance technique qui la liait à la société Louis Berger ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié pris en ses quatre premières branches :
Attendu
qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée
sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur :
Attendu
que l’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer une
certaine somme au titre du remboursement des frais de retour, alors,
selon le moyen :
1°/ que selon l’article
62 de la convention collective nationale Syntec « tout salarié qui,
après un changement de résidence imposé par la direction, sera licencié
dans sa nouvelle résidence dans un délai de 2 ans, et sauf pour une
faute grave, aura droit au remboursement des frais occasionnés par son
retour et celui de sa famille au lieu de sa résidence initiale. Le
remboursement sera effectué sur présentation des pièces justificatives
et ne sera dû que si le retour de l’intéressé a lieu dans un délai de 6
mois suivant notification du licenciement » ; en l’espèce, la cour
d’appel, pour débouter l’exposante de sa demande en remboursement au
titre des frais de retour et qui justifiait de ce qu’aucune
domiciliation n’avait été imposée au salarié (contrat de travail et
avenant, productions), s’est bornée à relever, par motifs propres, que
le salarié « en rempli[ssait] les conditions ayant été licencié moins de
deux ans après son installation à Paris, quelques mois à peine après la
prolongation de son contrat d’une année entière » ; en se déterminant
ainsi, sans constater aucunement que le changement de résidence de
l’intéressé avait été imposé par l’employeur, la cour d’appel a privé sa
décision de toute base légale au regard des dispositions
conventionnelles précitées ;
2°/ que
selon l’article 62 de la convention collective nationale Syntec « tout
salarié qui, après un changement de résidence imposé par la direction,
sera licencié dans sa nouvelle résidence dans un délai de 2 ans, et sauf
pour une faute grave, aura droit au remboursement des frais occasionnés
par son retour et celui de sa famille au lieu de sa résidence initiale.
Le remboursement sera effectué sur présentation des pièces
justificatives et ne sera dû que si le retour de l’intéressé a lieu dans
un délai de 6 mois suivant notification du licenciement » ; en
l’espèce, la cour d’appel, pour débouter l’exposante de sa demande en
remboursement au titre des frais de retour et qui justifiait de ce
qu’aucune domiciliation n’avait été imposée au salarié (contrat de
travail et avenant, productions) a relevé, par motifs supposément
adoptés des premiers juges, que « même si formellement la preuve que le
déplacement ait été imposé n’est pas rapportée, il apparaît évident que
le salarié devait s’installer en région parisienne » ; en se déterminant
par de tels motifs, la cour d’appel a encore violé les dispositions
conventionnelles précitées, ensemble l’article 1315 du code civil dans
sa version applicable au litige ;
3°/ que
les juges doivent indiquer l’origine de leurs constatations ; en
l’espèce, la cour d’appel, par motifs propres et adoptés des premiers
juges, a relevé, pour débouter l’exposante de sa demande de
remboursement, que « même si formellement la preuve que le déplacement
ait été imposé n’est pas rapportée, il apparaît évident que le salarié
devait s’installer en région parisienne » ; en se déterminant par une
telle affirmation péremptoire, sans indiquer d’où elle tirait qu’un
changement de résidence avait été imposé par la direction, la cour
d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/
que selon l’article 62 de la convention collective nationale Syntec «
tout salarié qui, après un changement de résidence imposé par la
direction, sera licencié dans sa nouvelle résidence dans un délai de 2
ans, et sauf pour une faute grave, aura droit au remboursement des frais
occasionnés par son retour et celui de sa famille au lieu de sa
résidence initiale. Le remboursement sera effectué sur présentation des
pièces justificatives et ne sera dû que si le retour de l’intéressé a
lieu dans un délai de 6 mois suivant notification du licenciement » ; en
l’espèce, la cour d’appel, pour débouter l’employeur de sa demande de
remboursement, a relevé, par motifs adoptés des premiers juges, que « le
contrat de travail deva[it] être exécuté de bonne foi », et « qu’il
a[vait] été mis fin à [la] mission de manière anticipée » ; en se
déterminant par de tels motifs inopérants, tout en constatant par
ailleurs que l’employeur avait mis fin régulièrement au contrat de
chantier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations, en violation des dispositions conventionnelles précitées ;
5°/
que la contradiction de motifs équivaut à l’absence de motifs ; en
l’espèce, la cour d’appel, pour débouter l’exposante de sa demande en
remboursement au titre des frais de retour, a constaté, par motifs
propres, que la rupture du contrat de travail était intervenue
régulièrement, tant au regard des stipulations contractuelles que des
dispositions légales, dans la mise en oeuvre desquelles elle a du reste
expressément relevé la loyauté de l’employeur ; par motifs adoptés, elle a
toutefois relevé que « le contrat de travail deva[it] être exécuté de
bonne foi », et « qu’il a[vait] été mis fin à [la] mission de manière
anticipée » ; qu’en se déterminant par de tels motifs contradictoires,
la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais
attendu qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que
l’exercice de ses fonctions avait imposé au salarié de déménager en
région parisienne et que le licenciement était intervenu moins de deux
ans après son changement de résidence, la cour d’appel, sans encourir
les griefs du moyen, en a exactement déduit que l’intéressé pouvait
prétendre au remboursement de frais prévu à l’article 62 de la
convention collective ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié, pris en sa cinquième branche :
Vu
l’article L. 1236-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure à
celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
Attendu
que pour débouter le salarié de ses demandes tendant à ce qu’il soit
dit que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse
et au versement de sommes en conséquence, l’arrêt retient que le
contrat, prévu pour une durée de douze mois, a été prolongé d’un an le 4
avril 2012, que quelques mois plus tard, le 4 janvier 2013, le client a
adressé à l’employeur un courrier lui signifiant le terme de la mission
à Paris et son souhait de voir le personnel quitter les locaux le 1er
février 2013, que l’employeur justifiant ainsi de la fin de sa propre
mission, et le contrat n’étant plus en cours, contrairement à ce que
soutient le salarié, le contrat de chantier trouve son achèvement en
application de l’article L. 1236-8 du code du travail ;
Qu’en
statuant ainsi, alors que la résiliation de la mission confiée à
l’employeur par son client, ne saurait constituer la fin de chantier
permettant de justifier la rupture du contrat de travail, la cour
d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR
CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la sixième
branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il met hors de cause la société Louis Berger UK Limited et condamne la société Louis Berger à verser à M. J... K...
la somme de 8 228 euros à titre de remboursement de frais de retour
outre intérêts au taux légal à compter du jugement, l’arrêt rendu le 13
septembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ;
remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause
et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et,
pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles,
autrement composée ;
Président : M. Cathala
Rapporteur : Mme Ala, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Rémery
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Jean-Philippe Caston
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