Arrêt n°737 du 09 mai 2019 (17-27.448) - Cour de cassation - Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2019:SO00737
Travail réglementation, rémunérationCassation partielle
Sommaire :
Une clause du contrat de travail peut prévoir une variation de la rémunération dès lors qu’elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur, qu’elle ne fait pas porter le risque d’entreprise sur le salarié et n’a pas pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux et conventionnels.
Doit être censurée, une cour d’appel qui fait produire ses effets à une clause de variation de la rémunération sur la base des honoraires retenus par la direction générale à laquelle était rattaché le salarié pour l’établissement du compte d’exploitation, alors que cette clause faisait dépendre cette variation de la seule volonté de l’employeur.
Demandeur : M. H...S...
Défendeur : société Expertises Galtier
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. S... a été engagé le 4 janvier 2008 par la société Expertises Galtier,
d’abord en qualité d’expert estimateur débutant, puis d’expert
estimateur ; qu’il a saisi le 21 mars 2014, la juridiction prud’homale
d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
qu’il a été licencié pour faute grave le 2 avril 2014 ;
Sur le premier moyen :
Attendu
qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée
sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Attendu
que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir juger
illicites les modalités de fixation de sa rémunération variable et
rejeter les demandes au titre de la résiliation judiciaire, l’arrêt
retient que la fixation de la partie variable de la rémunération du
salarié ne résulte pas uniquement de la volonté de l’employeur mais d’un
ensemble de facteurs et contraintes économiques et commerciaux (nature
du dossier, prix du marché, enjeux économiques, nécessité de
rentabilité) et qu’il appartient à la société d’adopter des solutions de
bonne gestion permettant de réguler l’activité de ses collaborateurs et
leur rémunération en répartissant les missions qui leur sont confiées
selon l’ampleur des tâches et le caractère lucratif variable de chaque
dossier ;
Qu’en statuant ainsi, alors
qu’elle constatait que les honoraires servant de base de calcul à la
rémunération variable étaient ceux qui étaient retenus par la direction
générale à laquelle était rattaché le salarié pour l’établissement du
compte d’exploitation, ce dont il résultait que la variation de la
rémunération dépendait de la seule volonté de l’employeur, la cour
d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 3141-12, L. 3141-14 du code du travail, ensemble l’article 1315 devenu 1353 du code civil ;
Attendu
qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la
Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre
2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail,
il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au
salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en
cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les
diligences qui lui incombent légalement ;
Attendu
que pour rejeter la demande du salarié à titre de dommages-intérêts
pour congés payés non pris, l’arrêt retient qu’il est démontré que M. S...
a bien perçu une indemnité de congés annuelle de 10 % de sa
rémunération annuelle et qu’il lui appartenait, dans l’organisation de
son travail, de prendre ses congés payés alors qu’il ne rapportait pas
la preuve que la mise en oeuvre des nouvelles procédures de 2011 à 2014
ait été de nature à l’en empêcher ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu les articles L. 3121-22 du code du travail et 1134 du code civil, dans leur rédaction applicable ;
Attendu
que, pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures
supplémentaires, l’arrêt retient que la convention de forfait répond aux
exigences légales en ce qu’elle est matérialisée par un écrit qui
détermine le nombre d’heures correspondant au forfait par référence à la
durée maximale de travail effectif autorisée ;
Qu’en
statuant ainsi, alors que la seule référence à la durée hebdomadaire
maximale de travail au cours d’une même semaine, sans que soit déterminé
le nombre d’heures supplémentaires inclus dans la rémunération
convenue, ne permet pas de caractériser une convention de forfait, la
cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et
attendu que la cassation à intervenir sur les deuxième, troisième et
quatrième moyens entraîne, par voie de conséquence, en application de
l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de
dispositif critiqués par les cinquième, sixième et septième moyens ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il condamne la société Expertises Galtier à payer à M. S...
les sommes de 11 979,72 euros au titre de l’indemnité de préavis, de 1
197,97 euros au titre des congés payés sur préavis et de 5 127,32 euros
au titre de l’indemnité légale de licenciement, l’arrêt rendu le 17 mai
2017, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en
conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties
dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d’appel de Limoges ;
Président : M. Cathala
Rapporteur : M. Pion
Avocat général : Mme Rémery
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
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