Arrêt n° 1715 du 11 décembre 2019 (18-20.841) - Cour de cassation – Chambre sociale - ECLI:FR:CCASS:2019:SO01715
Elections professionnellesCassation
Sommaire :
Un syndicat ayant, sans réserves, signé un protocole préélectoral et présenté des candidats aux élections professionnelles, n’est pas recevable à invoquer par voie d’exception, après les élections, une proportion d’hommes et de femmes composant le corps électoral différente de celle figurant dans le protocole préélectoral conclu selon les conditions de l’article L. 2314-6 du code du travail.
Demandeur(s) : Société Neubauer Vauban pièces de rechanges (NVPR) société anonyme, devenue société Vauban pièces de rechange (VPR)
Défendeur(s) : syndicat Confédération générale du travail ; et autres
Attendu, selon le jugement attaqué, que le premier tour des élections
des membres du comité social et économique au sein de la société Vauban pièces de rechange (VPR)
a eu lieu le 5 juin 2018, suivant les modalités prévues par un
protocole d’accord préélectoral en date du 26 avril 2018, fixant
notamment, au sein du collège des ouvriers et employés, le nombre de
membres titulaires ou suppléants à trois personnes, soit une femme et
deux hommes, correspondant à la répartition des femmes et des hommes
fixée à 17,54 % et 82,46 % ; que, par requête présentée le 18 juin 2018,
la société a saisi le tribunal d’instance en annulation de l’élection
de M. Y...
en qualité de membre titulaire au sein de ce collège, au motif que la
liste de candidatures présentée par l’union départementale des syndicats
CGT du Val-d’Oise, ne comportant que des hommes, ne respectait pas les dispositions prévues à l’article L. 2314-29 du code du travail ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel qui est préalable :
Attendu que le syndicat et M. Y... font grief au jugement de rejeter leurs conclusions de nullité, alors, selon le moyen :
1°/
que constitue une irrégularité de fond constitutive d’un défaut de
capacité d’ester en justice l’inexistence de la personne morale qui a
engagé l’action ; qu’elle doit être accueillie sans que celui qui
l’invoque ait à justifier d’un grief ; qu’ayant constaté que la requête
introductive d’instance avait été déposée le 18 juin 2018 par la société
NVPR
qui n’avait plus d’existence légale depuis le 4 juin 2018, tout en
refusant d’annuler l’acte de saisine en considération du fait que les
défendeurs avaient été informés d’un changement de dénomination sociale
et d’un transfert de siège social avant l’audience et qu’ils avaient
refusé un renvoi, quand la nullité était encourue indépendamment d’un
quelconque grief, le tribunal d’instance a violé les articles 32, 58,
117, 119 et 121 du code de procédure civile ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en déclarant, d’un côté, que la société NVPR
n’avait plus d’existence légale depuis le 4 juin 2018 et, de l’autre,
qu’elle avait fait l’objet d’un changement de dénomination sociale
devenant la société Vauban pièces de rechange
et d’un transfert de siège social, le tribunal d’instance s’est
contredit en méconnaissance de l’article 455 du code de procédure civile
;
3°/ que l’inexistence de la personne
morale qui agit en justice n’est pas une irrégularité susceptible d’être
couverte avant que le juge ne statue ; qu’en retenant que
l’irrégularité affectant la requête déposée le 18 juin 2018 par la
société NVPR qui n’existait plus à cette date avait été couverte par le dépôt à l’audience de conclusions par la société VPR, le tribunal d’instance a violé les articles 32, 58, 117, 119 et 121 du code de procédure civile ;
Mais
attendu qu’abstraction faite des motifs surabondants relatifs à
l’inexistence légale de la société, ayant relevé qu’après avoir signé le
protocole d’accord préélectoral, l’employeur avait changé de
dénomination et de siège social la veille des élections, ce dont les
défendeurs étaient parfaitement informés, c’est à bon droit que le
tribunal a retenu que l’indication erronée de l’ancienne dénomination de
la société dans la requête présentée après les élections, constituait
une irrégularité susceptible d’être régularisée ;
Mais sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :
Vu l’article L. 2314-13 du code du travail ;
Attendu
qu’aux termes de ce texte, la répartition des sièges entre les
différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans
les collèges électoraux font l’objet d’un accord entre l’employeur et
les organisations syndicales conclu selon les conditions de l’article L.
2314-6 ; cet accord mentionne la proportion de femmes et d’hommes
composant chaque collège électoral ;
Attendu que, pour dire la liste présentée par le syndicat CGT
régulière en ce qu’elle comportait trois candidats masculins, le
tribunal retient que, si le protocole préélectoral du 26 avril 2018
indique une répartition pour le collège considéré de 82,46 % d’hommes et
de 17,54 % de femmes, il s’agit d’une simple erreur de calcul puisqu’en
réalité le pourcentage s’établit à 86 % d’hommes et 14 % de femmes ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur faisait valoir sans être contredit que le syndicat CGT
avait signé sans réserves le protocole préélectoral ayant recueilli la
double majorité et avait présenté des candidats aux élections sans
émettre de réserves, ce dont il résultait qu’il n’était pas recevable à
invoquer par voie d’exception une proportion d’hommes et de femmes
composant le corps électoral différente de celle figurant dans le
protocole préélectoral, le tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE
ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 juillet
2018, entre les parties, par le tribunal d’instance de Pontoise ; remet,
en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie
devant le tribunal d’instance de Montmorency ;
Président : M. Cathala
Rapporteur : Mme Chamley-Coulet
Avocat général : Mme Berriat
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy - SCP Zribi et Texier
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