Arrêt n°66 du 06 janvier 2021 (18-24.954) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2021:CO00066
BanqueCassation partielle
Sommaire :
Il résulte des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les actions personnelles ou mobilières entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Lorsqu’un emprunteur, ayant adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit par la banque prêteuse à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, reproche à cette banque d’avoir manqué à son obligation de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur et d’être responsable de l’absence de prise en charge, par l’assureur, du remboursement du prêt au motif que le risque invoqué n’était pas couvert, le dommage qu’il invoque consiste en la perte de la chance de bénéficier d’une telle prise en charge.
Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par l’assureur, cette date constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par l’emprunteur.
Demandeur(s) : M. J... L...
Défendeur(s) : la société Crédit logement, société anonyme
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bastia, 26 septembre 2018) et les productions, le 13 mars 2009, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. L... un prêt immobilier garanti par le cautionnement de la société Crédit logement (la caution). M. L... a adhéré au contrat d’assurance de groupe souscrit par la banque. Ayant été placé en arrêt maladie en 2012, M. L...
a demandé la prise en charge, par l’assurance, du remboursement des
mensualités du prêt, laquelle lui a été refusée au motif qu’il avait
atteint l’âge au-delà duquel le risque de maladie n’était plus garanti.
2.
Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la
déchéance du terme du prêt et la caution lui a payé les sommes restant
dues. La caution a ensuite assigné en paiement M. L... ,
qui, reconventionnellement, lui a opposé un manquement de la banque à
son devoir de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa
situation personnelle.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. L...
fait grief à l’arrêt de déclarer prescrite son action en
responsabilité, alors « que l’assuré prend connaissance du dommage né
d’un manquement à un devoir de conseil sur l’adéquation de la garantie
souscrite à ses besoins au moment du refus de garantie, qui constitue
donc le point de départ du délai de prescription de l’action en
responsabilité contre le débiteur de l’obligation de conseil ; qu’en
retenant au contraire que le délai de prescription de l’action en
responsabilité contre la banque souscripteur de l’assurance groupe pour
manquement à son obligation de conseil sur l’adéquation des risques
couverts à la situation personnelle de M. L...
aurait commencé à courir à compter de la délivrance de la notice
d’information, la cour d’appel a violé l’article L. 110-4 du code de
commerce et l’article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce :
4.
Il résulte de ces textes que les actions personnelles ou mobilières
entre commerçants et non commerçants se prescrivent par cinq ans à
compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant de l’exercer.
5.
Lorsqu’un emprunteur, ayant adhéré au contrat d’assurance de groupe
souscrit par la banque prêteuse à l’effet de garantir, en cas de
survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses
engagements, reproche à cette banque d’avoir manqué à son obligation de
l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation
personnelle d’emprunteur et d’être responsable de l’absence de prise en
charge, par l’assureur, du remboursement du prêt au motif que le risque
invoqué n’était pas couvert, le dommage qu’il invoque consiste en la
perte de la chance de bénéficier d’une telle prise en charge.
6.
Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par
l’assureur, cette date constitue le point de départ du délai de
prescription de l’action en responsabilité exercée par l’emprunteur.
7. Pour déclarer prescrite l’action en responsabilité de M. L... ,
l’arrêt retient que le dommage résultant du manquement de la banque à
son obligation de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa
situation personnelle, consistant en une perte de chance de ne pas
contracter, s’est manifesté dès l’obtention du crédit par l’emprunteur,
qui avait été informé des conditions générales de l’assurance par la
remise de la notice d’information, et non à l’occasion du refus de prise
en charge des mensualités du prêt par l’assureur.
8. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE
ET ANNULE, mais seulement en ce que, réformant le jugement, il déclare
prescrite l’action en responsabilité engagée par M. L...
et en ce qu’il statue sur les dépens et l’application de l’article 700
du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 26 septembre 2018, entre
les parties, par la cour d’appel de Bastia ;
Remet,
sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se
trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel
d’Aix-en-Provence ;
Condamne la société Crédit logement aux dépens ;
Président : Mme Mouillard
Rapporteur : M. Blanc, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Guinamant, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Meier Bourdeau, Lécuyer et associés - SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
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