Arrêt n°459 du 23 septembre 2020 (19-15.122) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2020:CO00459
Entreprise en difficulte (loi du 26 juillet 2005)Cassation
Sommaire :
Selon l’article 1956 du code civil, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une personne d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers qui s’oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir.
Le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir, sans qu’il y ait lieu à concours sur cette somme entre les créanciers de ce dépositaire. En conséquence, est recevable la demande de restitution de la somme séquestrée entre les mains du dépositaire mis en liquidation judiciaire, dès lors qu’une telle demande ne se heurte ni à l’interdiction de payer une créance antérieure édictée par l’article L. 622-7 du code de commerce, ni à l’interdiction de toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture édictée par l’article L. 622-21, II du même code.
Demandeur(s) : M. B... U... ; et autres
Défendeur(s) : M. H... I... et autres
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 12 février 2019), par un acte sous seing privé du 26 mai 2010, M. I... et M. et Mme U... , mis en relation par un agent immobilier, la société Jourand Le Gall Immobilier (la société JLG), ont signé une promesse de vente et d’achat d’un terrain. M. et Mme U... ont versé un dépôt de garantie de 10 000 euros entre les mains de la société JLG. Invités par le notaire à se présenter à son étude pour la signature de l’acte authentique de vente, M. et Mme U...
ont fait savoir qu’en raison de la délivrance d’un certificat
d’urbanisme ne leur permettant pas de réaliser l’opération de
construction qu’ils projetaient, ils n’entendaient plus acquérir le
terrain, et ont demandé à la société JLG la restitution du dépôt de garantie à laquelle celle-ci s’est opposée.
2. Par un jugement du 30 janvier , la liquidation judiciaire de la société JLG a été ouverte, la société TCA étant désignée liquidateur. Les époux U... ont déclaré leur créance puis, le 13 décembre 2013, ont assigné la société TCA, ès qualités, et M. I... aux fins d’obtenir la restitution de la somme versée au titre du dépôt de garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme U... font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes contre la société TCA,
ès qualités, alors « que l’action tendant à faire exécuter, par un
agent immobilier soumis à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et faisant
l’objet d’une procédure collective, son obligation de restitution d’une
somme séquestrée sur un compte individualisé à la personne devant
l’obtenir n’est pas soumis à l’interdiction du paiement des créances
antérieures au jugement d’ouverture et à l’interdiction des poursuites
individuelles qu’en déclarant irrecevable l’action de M. et Mme U... tendant à ce que la société TCA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société JLG,
agent immobilier soumis aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier
1970, leur restitue la somme séquestrée sur un compte séquestre
individualisé qu’ils avaient versée en vue de la réalisation d’une vente
finalement non réalisée sur le fondement de l’interdiction de paiement
des créances antérieures au jugement d’ouverture d’une procédure
collective et de l’interdiction des poursuites individuelles, la cour
d’appel a violé les dispositions 1956 du code civil, 1 et 3 alors
applicables de loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 par refus d’application et
L. 622-17 et L. 622-21 du code de commerce par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1956 du code civil :
4.
Selon ce texte, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une
personne d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers qui
s’oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui
sera jugée devoir l’obtenir.
5. Pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme U... contre la société TCA, ès qualités, tendant à la restitution du dépôt de garantie, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que la société JLG,
tout séquestre qu’elle ait pu être, était tenue d’une obligation de
restitution dont l’exécution serait constitutive d’un paiement, que
l’article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de
l’ordonnance du 18 décembre 2008, interdit toute procédure de
distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement
d’ouverture, que parmi ces procédures doivent être incluses celles
afférentes aux sommes faisant l’objet d’un séquestre, qu’en sollicitant
l’exécution d’un paiement, les époux U...
présentaient une demande dont la recevabilité était soumise aux
dispositions de l’article L. 622-7 et que la créance de restitution du
dépôt de garantie étant antérieure au jugement d’ouverture de la
procédure collective, la demande, ayant pour objet et finalité
l’exécution de cette obligation, constituait une demande en paiement
irrecevable. Il retient encore, par motifs propres, qu’il résulte des
dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-21 qu’en cas de procédure
collective ouverte à l’égard d’un séquestre postérieurement à la remise
de fonds, les droits des parties l’ayant constitué séquestre
conventionnel à recouvrer la somme remise ne peuvent être exercés à
d’autres conditions que celles prévues pour les créances nées
antérieurement au jour d’ouverture.
6. En
statuant ainsi, alors que le séquestre conventionnel oblige le
dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose
contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir
l’obtenir, sans qu’il y ait lieu à concours sur cette somme entre les
créanciers de ce dépositaire, de sorte que la demande de restitution de
la somme séquestrée entre les mains de la société JLG
ne se heurtait pas à l’interdiction de payer une créance antérieure, ni
à l’interdiction de toute procédure de distribution n’ayant pas produit
un effet attributif avant le jugement d’ouverture, et était recevable,
la cour d’appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 février 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes
Remet
l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet
arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ;
Condamne la société TCA, ès qualités, aux dépens ;
Président : M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Bélaval, conseiller
Avocat général : Mme Guinamant, référendaire
Avocat(s) : Me Le Prado
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