Arrêt n°498 du 07 octobre 2020 (19-12.996) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2020:CO00498
Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Rejet
Sommaire :
L’exercice du droit propre du débiteur à relever appel du jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par principe, puisqu’il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective. Il en résulte que la créance d’honoraires de l’avocat du débiteur assistant celui-ci dans l’exercice de ses droits propres est toujours née régulièrement.
Demandeur(s) : Mme S... U... C... et autre (s) ;
Défendeur(s) : M. Y... I...
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018 rectifié le 12 juillet 2018), la société Mar Ca, dont les parts sont détenues à égalité par les membres des familles C... et I... et dont M... C...
était le gérant, a, le 16 mars 2010, fait l’objet d’une procédure de
sauvegarde, qui a été convertie en redressement judiciaire le 17 mai
2011.
2. Le 11 octobre 2011, le tribunal a arrêté un plan de cession au profit de M. G... I... ,
qui s’est substitué une société. Le jugement a été confirmé le 1er mars
2012 et l’acte de cession a été signé le 5 avril 2012. La société Mar Ca a été mise en liquidation judiciaire le 10 juillet suivant, M. N... étant désigné en qualité de liquidateur.
3. Le 21 août 2012, W... C... ,
ès qualités, a demandé l’inscription sur la liste des créances
postérieures prévue par l’article L. 641-13, IV, du code de commerce,
d’une créance résultant d’une inscription en compte courant d’associé
après le jugement arrêtant le plan, dont le montant correspondait au
paiement, sur son compte bancaire personnel, de factures d’honoraires de
professionnels qu’il avait sollicités dans le cadre de l’activité de la
société. Le liquidateur a refusé d’inscrire la créance.
4. Après le décès de M... C... , le [...], Mmes S... et S... C... et Mme R... X... , ses héritières (les consorts C... )
ont contesté la liste des créances devant le juge-commissaire, qui a
rejeté la contestation. Devant le tribunal saisi du recours des consorts
C... , MM. Y... et G... et Mme S... I... , co-associés (les consorts I... ), sont intervenus volontairement à l’instance. Leur intervention volontaire a été déclarée recevable.
Examen des moyens uniques du pourvoi principal et du pourvoi incident relevé par Mme S... C... , rédigés en des termes identiques, réunis
Sur les moyens, ci-après annexés
3.
En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure
civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement sur
ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.
Sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par les consorts I...
Enoncé du moyen
4. Les consorts I...
font grief à l’arrêt d’ordonner l’inscription sur la liste des créances
postérieures prévue par l’article L. 641-13, IV, du code de commerce
des créances réglées par M... C... au titre des honoraires d’avocat à hauteur de 41 720,80 euros, alors :
«
1°/ que seules sont payées à leur échéance les créances nées
régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du
déroulement de la procédure ; que la créance née en méconnaissance des
pouvoirs de l’administrateur judiciaire n’est pas née régulièrement ;
qu’en se bornant à énoncer que les créances d’honoraires d’avocat
engagées pour le suivi de la procédure d’appel et la procédure d’appel,
la procédure en référé suspension devant le premier président pour
éviter l’exécution du jugement du 11 octobre 2011, la défense à la
procédure de référé engagée par M. I... devant le tribunal de commerce de Cannes pour qu’il soit ordonné au gérant de la société Mar Ca
de signer le procès-verbal de prise de possession et de l’autoriser à
défaut à prendre possession du fonds, étaient des "créances utiles nées
pour le besoin de la procédure" et non disproportionnées, circonstance
inopérante pour caractériser en quoi ces créances étaient nées
régulièrement, sans avoir recherché, ainsi qu’elle y était invitée par
les consorts I... , si l’engagement de ces dépenses par M. C... sans l’accord explicite ou implicite de M. P... ,
administrateur judiciaire, et même contre son avis et celui du
juge-commissaire, ne s’opposait pas à leur inscription sur la liste des
créances de l’article L. 641-13 du code de commerce, la cour d’appel a
privé sa décision de base légale au regard de ce texte et de l’article
L. 622-17 du même code ;
2°/ que ne sont
pas nées pour les besoins du déroulement de la procédure les dépenses en
honoraires d’avocat ayant pour objet de s’opposer à la cession de la
société au profit de l’auteur de l’offre la mieux-disante, engagées par
l’auteur de la seule autre offre rejetée par le tribunal, de contester
la mise en oeuvre du plan de cession et l’entrée en possession du
cessionnaire ; qu’en retenant que les honoraires d’avocat engagés par M... C...
pour le suivi de la procédure d’appel et la procédure d’appel du
jugement du 11 octobre 2011 ayant arrêté le plan de cession au profit
des consorts I... ,
la procédure en référé suspension devant le premier président du
jugement du 11 octobre 2011, la défense à la procédure de référé engagée
par M. I...
devant le tribunal de commerce de Cannes pour être autorisé à prendre
possession du fonds et les honoraires de l’avoué devant la cour d’appel,
étaient utiles et que ces créances étaient nées pour les besoins du
déroulement de la procédure, la cour d’appel a violé les articles L.
641-13 et L. 622-17 du code de commerce ;
3°/ qu’en retenant que les créances d’un montant de 41 262 euros n’étaient pas "disproportionnées" du seul fait que la société Mar Ca
n’avait pas obtenu satisfaction, sans s’interroger sur l’importance de
ces dépenses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard des articles L. 641-13 et L. 622-17 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5.
D’une part, l’exercice du droit propre du débiteur à relever appel du
jugement arrêtant le plan de cession de son entreprise échappe, par
principe, puisqu’il peut exercer seul un tel droit, à la répartition des
pouvoirs entre le débiteur et les organes de sa procédure collective.
Il en résulte que la créance d’honoraires de l’avocat du débiteur
assistant celui-ci dans l’exercice de ses droits propres est toujours
née régulièrement.
6. L’arrêt relève que
c’est en vertu du droit propre de la société débitrice que son gérant a
interjeté appel du jugement arrêtant le plan de cession, a agi en référé
pour arrêter l’exécution provisoire et a défendu à l’action en référé
engagée par le cessionnaire de l’entreprise pour entrer en possession de
celle-ci. La cour d’appel a ainsi fait ressortir que les honoraires
réclamés par l’avocat, dans le cadre de ces actions, étaient des
créances nées régulièrement.
7. D’autre
part, l’arrêt relève que les procédures conduites par l’avocat étaient
en lien avec l’adoption du plan de cession, que les recours et le suivi
des procédures ont permis de consolider et de sécuriser, eu égard aux
craintes qui pouvaient naître sur la pérennité de l’entreprise et la
préservation de l’emploi, du fait de la personnalité du repreneur,
ex-salarié licencié et ex-concubin d’une fille du gérant. La cour
d’appel a pu en déduire que la créance d’honoraires était née pour les
besoins du déroulement de la procédure.
8.
Enfin, la cour d’appel, qui a indiqué précisément le montant des
honoraires correspondant à chacune des procédures menées par la société
débitrice dans l’exercice de ses droits propres, a souverainement
apprécié le caractère proportionné de la créance et sa conformité aux
besoins de la procédure.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Président : Mme Mouillard
Rapporteur : Mme Vallansan
Avocat(s) : Me balat - SCP Rousseau et Tapie
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