Arrêt n°784 du 16 décembre 2020 (18-20.229) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique - ECLI:FR:CCASS:2020:CO00784
Rejet
Demandeur(s) : La société [...] , société anonyme
Défendeur(s) : ministre des finances et comptes publics et autres(s) ;
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 mars 2018), la société [...] (la société [...] ),
implantée à Mouscron en Belgique, qui exerce une activité de
commissionnaire en douanes, a accompli, pour le compte de la société Jost Logistique France,
commissionnaire en transport, les formalités de dédouanement de
marchandises que celle-ci a importées de pays tiers à l’Union
européenne, placées sous titre de transit communautaire externe à leur
arrivée à Marseille ou Algeciras en Espagne.
2. A la suite d’un contrôle a posteriori des opérations de transit, l’administration des douanes a notifié à la société [...]
un procès-verbal de constat d’infractions concernant des soustractions
de marchandises sous régime suspensif en cours de transport et a liquidé
d’office les droits et taxes y afférents. La société [...]
ne s’étant pas acquittée des sommes qui lui étaient demandées,
l’administration des douanes a émis à son encontre un avis de mise en
recouvrement (AMR). Sa contestation de cet avis ayant été rejetée, la société [...] a assigné l’administration des douanes en annulation de la décision de rejet et de l’AMR.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. La société [...]
fait grief à l’arrêt de reconnaître la compétence matérielle des
juridictions françaises et de rejeter ses contestations, alors :
«
1°/ qu’en vertu des articles 92-1 et 96 du code des douanes
communautaire, le régime de transit externe permettant aux marchandises
de circuler d’un point à un autre au sein de l’Union européenne en
suspension de droits de douanes prend fin lorsque les documents sont
présentés au bureau des douanes de destination qui accepte ainsi la
déclaration de mise en libre pratique des marchandises ; que cette mise
en libre pratique détermine la compétence douanière pour connaître des
irrégularités éventuelles affectant ladite opération, y compris tout
fait de soustraction à la surveillance douanière née de l’absence
physique de la marchandise à ce moment, irrégularité susceptible de
générer une dette douanière ; que la localisation ultérieure en France
de la livraison matérielle desdites marchandises est sans emport sur la
compétence exclusive des autorités douanières belges de sorte que les
douanes françaises ont excédé leur compétence en violation des textes
susvisés ;
2°/ qu’aux termes de la
combinaison des articles 201, 203, 204 et 215 du code des douanes
communautaire, la dette douanière née de la mise en libre pratique de
marchandises passibles de droits à l’importation au moment de la
déclaration en douane correspondante, peut également prendre naissance
quand lesdites marchandises sont réputées avoir été soustraites à la
surveillance des douanes, faute de pouvoir être représentées au bureau
des douanes du pays de destination ayant accepté la déclaration susvisée
; que la constatation et la sanction des irrégularités afférentes à ces
opérations appartiennent exclusivement aux autorités du pays de
destination sur le territoire desquelles a été commise la première
infraction ; qu’en reconnaissant cependant compétence à la douane
française pour considérer qu’une dette douanière était née en France
lors même que la première infraction était située en Belgique, motif
inopérant pris de la livraison ultérieure en France par le transporteur
des marchandises auparavant mises en libre pratique en Belgique, la cour
a méconnu les règles d’ordre public gouvernant la matière au sein de
l’Union douanière en violation des textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4.
La Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que doit être
considérée comme une soustraction à la surveillance douanière tout acte
ou omission qui a pour résultat d’empêcher, ne serait-ce que
momentanément, l’autorité douanière compétente d’accéder à une
marchandise sous surveillance douanière et d’effectuer les contrôles
prévus par la réglementation douanière communautaire (Arrêt 11 juillet
2002, Liberexim, C-371/99) et que si le lieu de l’infraction ou de
l’irrégularité pouvait être établi, les dispositions des articles 203 et
215 du code des douanes communautaire permettent de désigner comme
compétent pour recouvrer la dette douanière l’Etat membre sur le
territoire duquel a été commise la première infraction ou irrégularité
susceptible d’être qualifiée de soustraction à la surveillance douanière
(Arrêt 3 avril 2008, Militzer & Münch, C-230/06).
5.
Après avoir énoncé que le régime de transit suppose une surveillance
des marchandises par l’administration des douanes, dont il ne peut être
disposé avant que les formalités de dédouanement aient été accomplies,
et que leur mise en libre pratique ne pouvait intervenir qu’à la fin du
régime de transit, qui impliquait l’arrivée des marchandises au bureau
des douanes ou dans les locaux du commissionnaire en douane, l’arrêt
retient que les opérations d’importation en cause étaient irrégulières
puisque les marchandises parties de Marseille ou Algeciras sous titre de
transit communautaire avaient pour destination Mouscron en Belgique et
avaient fait l’objet d’une notification d’arrivée dans le système
informatique de dédouanement dédié aux marchandises circulant sous titre
de transit, cependant qu’elles n’avaient jamais été acheminées en
Belgique mais qu’elles avaient été livrées en région parisienne.
6.
Il relève encore que la soustraction au régime de transit, c’est-à-dire
la mise sur le marché de la marchandise en dehors des conditions
prévues au régime douanier, a été opérée en France.
7.
De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel
déduit à bon droit que l’administration des douanes françaises était
compétente pour connaître des irrégularités affectant les opérations
litigieuses.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
9. La société [...]
fait le même grief à l’arrêt, alors « qu’en l’absence de contestation
portant sur la déclaration d’origine des marchandises dont l’importation
était soumise à un tarif douanier préférentiel, les douanes françaises
ne pouvaient légalement taxer d’office lesdites marchandises à un taux
exorbitant et disproportionné, sans autrement s’en expliquer au regard
des exigences issues des articles 91 et suivants du code des douanes
communautaire, ensemble l’article 6 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
10.
Le bénéfice d’un régime préférentiel est subordonné à la présentation
d’une preuve de l’origine des marchandises, qui doit, en principe,
intervenir au moment du dédouanement et suppose la possibilité de leur
contrôle physique par l’administration des douanes.
11. Ayant retenu, par motifs adoptés, que la société [...]
ne pouvait bénéficier du tarif douanier préférentiel du fait des
irrégularités commises lors de l’importation des marchandises en cause,
et notamment de leur soustraction à la surveillance douanière, la cour
d’appel, en jugeant que la dette douanière ne devait pas prendre en
compte les droits sur une base de régime préférentiel mais sur celle du
tarif extérieur commun, a légalement justifié sa décision.
12. Le moyen n’est donc pas fondé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
13. La société [...] fait le même grief à l’arrêt, alors :
«
1°/ qu’en vertu de l’article 7 § 3 1er alinéa de la sixième directive
77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée, la TVA sur l’importation n’est pas
due si les marchandises ne sortent pas du régime douanier sous lequel
elles ont été placées, même si naît une dette douanière à raison de
l’inexécution de l’une des obligations propres à l’utilisation de ce
régime douanier ; qu’en prétendant mettre à la charge du transitaire la
TVA afférente à des marchandises mises en libre pratique avant d’être
acquises par des tiers qui n’ont pas réglé la TVA, la cour a méconnu les
exigences susvisées ;
2°/ que l’article
345 du code des douanes français, s’il permet aux douanes de recouvrer
"les créances de toute nature" ne les autorise pas à recouvrer des taxes
dans des conditions étrangères aux prévisions du code des douanes
communautaire ; qu’en déclarant le contraire, la cour a violé le texte
susvisé. »
Réponse de la Cour
14.
Selon les dispositions combinées de l’article 285 du code des douanes
et des articles 291 et 293 A du code général des impôts,
l’administration des douanes est compétente pour recouvrer les taxes sur
le chiffre d’affaires et tous autres droits et taxes exigibles à
l’importation du bien, c’est-à-dire au moment de l’entrée en France d’un
bien, originaire ou en provenance d’un Etat ou d’un territoire
n’appartenant pas à la Communauté européenne et qui n’a pas été mis en
libre pratique.
15. Après avoir énoncé
que l’article 285 du code des douanes autorise l’administration des
douanes à recouvrer toute TVA exigible en cas de fraude liée à une
déclaration d’importation, que l’importation soit ou non réalisée, et
retenu que la société [...]
ne pouvait bénéficier du régime de suspension de droit prévu par les
articles 91 et suivants du code des douanes communautaire pour les
marchandises en transit, faute d’avoir respecté les formalités prévues
par ces textes, l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les
marchandises ont été importées de Tunisie et du Maroc, pays tiers à
l’Union européenne, qu’elles n’ont pas été valablement mises en
pratique, puisqu’elles ne l’ont été que par suite de manoeuvres
frauduleuses, et qu’elles doivent ainsi être considérées comme importées
en France.
16. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel a déduit, à bon droit, que la société [...] était redevable de la TVA à l’importation auprès de l’administration des douanes.
17. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Président : Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Rapporteur : Mme Daubigney
Avocat général : M. Debacq
Avocat(s) : Me Bouthors - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Partager cette page