Arrêt n°697 du 11 septembre 2019 (17-26.594) - Cour de cassation - Chambre commerciale, financière et économique
- ECLI:FR:CCASS:2019:CO00697
Banque
Cassation partielle
Sommaire n° 1 :
L’éventuel manquement d’un établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant de chèques en était le bénéficiaire ne prive pas cet établissement de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre, sans préavis, les concours accordés à cette personne en cas de comportement gravement répréhensible de cette dernière ou au cas où sa situation s’avérerait irrémédiablement compromise.
Sommaire n° 2 :
La demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un acte accompli par le débiteur, n’entrant pas dans les prévisions de l’article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, n’a pas à être inscrite au livre foncier.
Demandeur(s) : M. N... G... et Mme L... D... , épouse G...
Défendeur(s) : société Defran, société civile immobilière
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque) a consenti plusieurs prêts à M. G... ,
agent général d’assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures
de crédit ; que par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont
apporté à la SCI Defran
un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse
d’hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts ; que par
une lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l’interruption de
tous ses concours en invoquant le comportement gravement répréhensible
de M. G...
puis les a assignés en paiement ; qu’elle a également demandé que
l’apport immobilier lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne ;
que, reconventionnellement, M. et Mme G... ont recherché la responsabilité de la banque ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. et Mme G...
font grief à l’arrêt de les condamner à payer à la banque diverses
sommes et de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen, que tout
concours à durée indéterminée autre qu’occasionnel qu’un établissement
de crédit consent à une entreprise ne peut être réduit ou interrompu que
sur notification écrite à l’expiration d’un délai de préavis qui ne
peut sous peine de nullité de la rupture du concours être inférieur à
soixante jours ; que si la banque est dispensée de respecter ce délai de
préavis en cas de comportement gravement répréhensible imputable au
bénéficiaire du crédit, un tel comportement doit s’apprécier au regard
du propre comportement de la banque ; que la banque présentatrice
chargée d’encaisser un chèque doit s’assurer de l’identité du déposant
et vérifier qu’il en est bien le bénéficiaire ; qu’en imputant, en
l’espèce, à M. G... ,
un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses
comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans
rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n’avait pas
elle-même manqué à ses obligations en s’abstenant de vérifier que le
déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour
d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.
313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en
la cause ;
Mais attendu que l’éventuel
manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que
le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la
faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du code monétaire et
financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de
comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas
où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise ;
que la cour d’appel n’avait donc pas à effectuer la recherche
inopérante invoquée par le moyen ; que celui-ci n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que M. et Mme G...
font grief à l’arrêt de déclarer inopposable à la banque l’acte
d’apport alors, selon le moyen, que sont inscrites au livre foncier, à
peine d’irrecevabilité, les demandes en justice tendant à obtenir la
résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention
ou d’une disposition à cause de mort ; que la demande en déclaration
d’inopposabilité d’une convention pour fraude paulienne tend à la
révocation de celle-ci, peu important que la remise en cause de l’acte
ne bénéficie qu’au créancier exerçant l’action paulienne ; qu’une telle
demande doit, dès lors, être inscrite au livre foncier ;qu’en ne
recherchant pas, comme elle y était invitée, si la demande de la banque,
tendant à voir déclarer inopposable à son égard l’apport, à la SCI Defran, de l’immeuble des époux G... situé à [...],
n’était pas irrecevable, faute d’avoir été inscrite au livre foncier,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de
l’article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la
législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle ;
Mais attendu
que la demande tendant à faire déclarer inopposable au créancier un
acte accompli par le débiteur, n’entrant pas dans les prévisions de
l’article 38-4 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la
législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle, n’avait pas à être inscrite au livre foncier
; que la cour d’appel n’avait donc pas à procéder à la recherche,
inopérante, invoquée par le moyen ; que celui-ci n’est pas fondé ;
Et
sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, sur le deuxième
moyen et sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième et
quatrième branches :
Attendu qu’il n’y a
pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces
moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation
;
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner M. et Mme G... à payer à la banque une certaine somme au titre du solde débiteur du compte chèque n° [...] , l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. et Mme G...
ne soulèvent aucun moyen de nature à remettre en cause les sommes
réclamées par la banque à la suite de l’interruption de ses concours ;
Qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme G...
qui faisaient valoir que la banque ne produisait aucun document
contractuel justifiant de l’existence de ce compte, la cour d’appel n’a
pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu l’article 564 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de M. et Mme G... tendant à la déchéance du droit aux intérêts, l’arrêt retient qu’ils n’ont jamais contesté la créance de la banque ;
Qu’en
statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette
demande ne tendait pas à faire écarter, en les restreignant, les
prétentions adverses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déclare irrecevable la demande de M. et Mme G...
tendant à la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et en ce
que, confirmant le jugement, il les condamne solidairement à payer à la
société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, au titre du compte chèque n° [...] ,
la somme de 9 033,58 euros avec intérêts au taux contractuel de 14,81 %
l’an à compter du 8 mai 2012 et en ce qu’il statue sur les dépens et
l’application l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu,
le 12 juillet 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ;
remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans
l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;
Président : Mme Mouillard,
Rapporteur : M. Remeniéras, conseiller
Avocat général : M. Richard de la Tour
Avocat (s) : SCP Waquet, Farge et Hazan - SCP Thouin-Palat et Boucard
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